The times, they are A changing,chante Bob Dylan, et il a raison ! La Suède, qui était, il n’y a pas si longtemps encore, le modèle des modèles économiques à suivre, est en train de subir le changement, elle aussi. Elle admet qu’elle avait quelque peu sous-estimé l’ampleur de la crise économique en Europe.
Première mesure : une révision à la baisse de ses prévisions de croissance. Projection pour 2013, 1,1 % alors qu’Anders Borg, le ministre des finances (qui ressemble plus à un biker encravaté qu’à un ministre en exercice avec son catogan et sa boucle d’oreille) tablait fièrement, fidèle à son habitude anticonformiste, sur 2,7 % ! Ce n’est pas la récession, comme chez les voisins finlandais, mais ça y est, le paquebot Suède donne de la gîte. Et comment ne pas s’y attendre quand on prête l’oreille aux sirènes alarmistes des principaux partenaires commerciaux européens du royaume.
La Suède vit de l’exportation, c’est la moitié de son PIB. Au troisième trimestre 2012, elle a enregistré un recul d’un peu plus de 3 % alors qu’en 2011 les chiffres étaient légèrement au-dessus de 10 % ! Côté chômage, les chiffres là aussi s’emballent. 7,5 % en 2012, et près de 9 % prévu. Eu égard aux préavis de licenciement et plans sociaux en tout genre égrenés tout au long de l’année écoulée ( + 65 % par rapport à l’année précédente), les 9 % de chômage semblent très très optimistes. Il sera toujours temps de faire un « outing » là-dessus quand le mauvais moment sera venu.
Bref, on s’apprête à resserrer les boulons. Fredrik Reinfeldt, le Premier ministre, y va aussi de son couplet à la sinistrose (Fredrik, c’est Buster Keaton, l’homme qui ne sourit jamais. Chauve, mine un peu patibulaire, voix caverneuse, on n’est pas là pour rigoler.) « L’année 2013 sera difficile. Les indicateurs ne sont pas bons. » Bien vu l’artiste !
Le chef de file du parti des Modérés voit surtout se profiler les prochaines législatives à l’horizon 2014. Et là, il y a effectivement un souci. La coalition de centre droit est au pouvoir depuis six ans et si les conservateurs se maintiennent plutôt bien dans les sondages (28,4 %), certains « partenaires » mordent la poussière. Ainsi, les centristes (ancien parti agrarien) cherchent vainement un leader, l’actuelle, Annie Lööf (Pimprenelle), est loin de faire l’unanimité. De plus, leur programme politique n’a apparemment pas l’heur d’attirer les gogos (5,1 % d’intentions de vote. Il faut 4 % pour siéger).
Même difficulté pour les Chrétiens démocrates emmenés par Göran Hägglund (portait tout craché du gendre idéal !) qui ont un mal fou à imposer leur idéal travail-famille-patrie (3,4 %. Recalés !). Quant aux Libéraux, les idées musclées de l’ancien bidasse Jan Bjöklund ne semblent pas convaincre pleinement. Avec leur 6,1 %, il n’y a pas de quoi pavoiser. Malaise donc.
Les Sociaux démocrates, qui ont changé de leader courant 2012 après les grosses bourdes de celui qui avait remplacé Mona Salin (sacrifiée pour avoir perdu les élections de 2010), Håkan Juholt, caracolent en tête des sondages, insolemment à 32,2 % ! Stefan Löfven, ancien dirigeant syndical et donc nouveau président du parti social-démocrate bénéficie d’un report de confiance (qui n’est nullement justifié d’ailleurs. En effet, il n’a rien fait ou dit qui pourrait expliquer cette tendance, si ce n’est le besoin d’alternance chez l’électeur lambda).
Les Verts bourgeonnent à 9 %, tout comme les Démocrates suédois (formation à la droite de la droite, le FN en gros). Ce parti, entré au Parlement en 2010 avec 6 % de voix, a connu un automne assez chaud. Une vidéo publiée sur Youtube où l’on voyait deux parlementaires SD bastonner un étranger en le traitant de babouin et une fille de petite putain avait alors fait les choux gras de la presse. Un événement qui tombait assez mal au moment où leur leader, Jimmie Åkesson, décidait de donner une image, disons vertueuse du parti (tolérance zéro, éradication totale de propos racistes, chemises brunes au clou. etc.). Les deux moutons noirs ont démissionné du Parlement, Jimmie a eu un peu de mal à rétablir l’ordre dans les rangs, ce qui n’a nullement empêché le SD de faire de nouveaux adeptes ! À ce rythme là, ils seront à 11 ou 12 % aux prochaines élections et troisième parti de Suède !?!
En ce qui concerne le parti de la Gauche (ex communistes), ils vont bon an mal an d’une élection à une autre avec une constance surprenante. Ils sont actuellement crédités de 5,6 % des intentions de vote et leur nouveau patron, Jonas Sjöstedt, ancien député européen, n’est pas un homme à faire des vagues mais sait mener sa barque.
Le paquebot Suède ne vogue plus sur une mer calme, quelques clapotis le font tanguer et rouler mais son capitaine jure qu’il tient bon la barre. Son second, catogan au vent, affirme bruyamment que le royaume restera en dehors de l’Union bancaire, un peu moins fort que la Grèce devrait abandonner l’euro (le terme grexit est un néologisme désormais accepté en Suède : Grèce et exit) et il chuchote carrément que 2013 pourrait être l’année de tous les dangers économiques. Aïe, aïe, aïe !
Et, pour rester dans la métaphore, si les Anglais décident de débarquer de l’esquif Europe, comme bon nombre en ont l’intention, les Suédois et le Danois n’hésiteront pas longtemps pour en faire autant.
Gott nytt aar !