VIVE LA SUEDE / 01/04/2013: La Revue Presse-Citron de Jean-Paul POURON
D’humeur loup-garou
Il était une fois une louve d’origine finno-russe qui vivait sa vie de loup dans le nord de la Suède et qui semblait s’y plaire. La nourriture était abondante et le froid de loup de l’hiver ne l’incommodait pas (mais se pose-t-on ce type de question quand on est lupus ?). Seule ombre au tableau : l’homme. L’homme est un loup pour l’homme, il l’est plus encore pour le loup.
Dans les régions semi désertiques du septentrion, le renne est l’élément principal du garde-manger du loup. Les rennes appartiennent à des Sami qui en font l’élevage et qui voient d’un très mauvais œil les loups se servir dans leurs troupeaux. Aussi, quand la diète de notre louve n’a plus comportée que du renne, les Sami en pétard ont demandé aux autorités d’intervenir (ils n’ont pas osé l’occire directement).
L’agence suédoise de protection de l’environnement décide alors transférer la louve de Junsele (c’est son patronyme) vers d’autres horizons plus au sud. Par quatre fois elle sera capturée et transférée et par quatre fois, boussole plein nord, elle est revenue dans son territoire. La dernière fois, récemment lâchée au nord de Stockholm, elle a fait près de 700 kilomètres en quelques jours pour retrouver son compagnon loup, ses terres de chasse et son régime à base de rennes. Casse-tête pour les autorités qui ont déjà largement agi pour protéger la louve (l’apport de précieux sang neuf est vital pour une population de loups où la consanguinité est très élevée) mais qui doivent faire face au courroux des éleveurs samis (lire électeurs) pour les déprédations.
À noter tout de même que la facture des transferts s’élève pour le contribuable à ce jour à quelque 480 000 euros ! Pas de doute, il y a un loup ! D’autant que la politique suédoise de protection de l’environnement qui vise notamment à réguler la population de loups (environ 270 actuellement) ne fait l’unanimité ni en Suède ni à Bruxelles.
Et, histoire de rajouter de l’huile sur le feu, un scientifique français, spécialiste de la conservation et du contrôle des loups, professeur adjoint depuis 2007 au centre de recherche de la faune du département d’écologie de l’université suédoise des Sciences agricoles de Grimsö (ouf !), vient de publier un article dans la très sérieuse revue américaine Science où il dénonce avec véhémence la politique suédoise de la chasse aux loups qu’il estime totalement incongrue (éliminer des loups pour favoriser leur reproduction est une aberration), le docile ralliement des chercheurs suédois aux avis des juristes et autres oukases du ministère de l’environnement et, de manière plus spécifique, le braconnage illégal pratiqué depuis une quinzaine d’années en Suède, pratique responsable de la mort de nombreux loups (ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le chercheur dénonce cette persécution). Il s’appuie en cela sur les disparitions inexpliquées de prédateurs qui étaient surveillés par radio (on n’a jamais retrouvé ni les bêtes, ni les colliers émetteurs). Une situation qui ne peut pas avoir interpellé l’État qui doit faire sien le fait de tenere lupum auribus !
D’humeur mendiante
La mendicité partage les Suédois. Faut-il donner aux Roms qui depuis quelques mois et en grand nombre font l’aumône sur les trottoirs de la capitale et dans le métro ou bien faut-il tout simplement leur interdire de le faire ? Les partis politiques s’en mêlent avec en toile de fond la politique migratoire, les sans-papiers, le travail des immigrés, etc. Des sujets brûlants eu égard à la montée en puissance du parti des démocrates suédois (SD) qui veut limiter le nombre d’immigrés, renvoyer les sans-papiers et instaurer une immigration choisie, bref, stigmatiser le débat. Toutes ces mains tendues sont un phénomène nouveau pour les Suédois. Ils ne savent pas trop sur quel pied danser. Les modérés s’affichent ouvertement comme opposants à la mendicité et veulent légiférer pour qu’elle soit totalement interdite, comme à Londres. Centriste, Libéraux, Verts, Chrétiens démocrates et Gauche (ex communistes) ne sont pas partisans d’une interdiction. Les Sociaux démocrates, à leur habitude, ne se prononcent pas directement en laissant planer le doute (que comprendre ?).
En attendant, un dilemme particulièrement coriace à résoudre pour le gouvernement en place. Ainsi, par exemple, au chapitre du renforcement des actions anti-immigrés, les expulsions d’enfants sont en hausse : 64 en 2010, 144 en 2012 où 3 600 enfants sont arrivés en Suède, soit une augmentation de 35 % par rapport à 2011 !
Subrepticement, d’année en année, on constate un durcissement de l’attitude du suédois lambda et des politiques vis-à-vis des immigrés et des étrangers en général. Elle est loin l’époque où la curiosité l’emportait sur la défiance. Non que les Suédois soient pire que d’autres, ils sont devenus comme les autres, banalement comme les autres qu’ils conspuaient il n’y a pas si longtemps encore. La crainte des jugements de l’agence contre la discrimination a fait qu’ils se taisent, mais n’en pensent pas moins. Les mendiants n’ont qu’à bien tenir leur sébile.
D’humeur liquidée
On nous jure que d’un point de vue économique, tout va bien dans le royaume. N’empêche, les autorités ont enregistré 1 832 faillites au premier trimestre de cette année. C’est 12 % de plus qu’à la même époque l’an passé. La répartition des liquidations est inégale : 26 % de plus dans le sud du pays dans la région de Malmö (pourtant pôle d’excellence avec Copenhague), contre 9 % pour la région de Stockholm. Le chômage est régulièrement à la hausse, tout baigne ! Les modélisateurs restent économiquement fiables.
D’humeur congestionnée
Si la ville la plus embouteillée d’Europe est actuellement Moscou, Stockholm se place en 12ème position (Marseille se classe 4ème et Paris 7ème) sur 59 villes européennes. C’est TomTom, le fabricant de systèmes de localisation et de navigation qui le dit. Aux heures de pointe, un automobiliste stockholmois perd 39 minutes dans les embouteillages. Il faut dire que les urbanistes chargés de l’aménagement du territoire et plus particulièrement de la circulation dans la région de Stockholm ont tout fait pour compliquer à souhait les itinéraires et embêter un maximum l’automobiliste : multiplication inexpliquée des sens interdits, rues fermées au trafic, culs-de-sac et autres joyeusetés du code de la route (dans certains quartiers, il faut parfois faire un détour de plusieurs centaines de mètres pour accéder à une rue qui jouxte celle où vous vous trouvée !).
Conduire à Stockholm est devenu un calvaire… voulu par la municipalité pour obliger la population à emprunter les transports en commun. Le problème, c’est que ces derniers sont sous-dimensionnés eu égard aux besoins. Stockholm est une ville assez étendue, les Suédois aiment leur confort et préfèrent le statut d’automobiliste à celui d’usager de la régie chargée des transports en commun. Attachés à leurs sièges (les Suédois sont les inventeurs de la ceinture), ils prennent leur mal en patience en discutant au téléphone dans les encombrements puisque c’est pratiquement le seul pays au monde où il n’est pas interdit d’utiliser son portable en conduisant (pas moyen de savoir pourquoi ils n’ont pas encore légiféré sur ce point ! Peut-être parce qu’ils n’étaient pas les premiers à le proscrire !).