VIVE LA SUEDE/MAI 2013/LES HUMEURS DE JPP
Peut-on dire que tout commence à foutre le camp en politique lorsque les partis n’arrivent plus à attirer d’adhérents ? C’est en tout cas ce qui se passe en Suède où l’on constate que depuis 1992 plus de 300 000 adhérents, tous partis confondus, n’ont pas renouvelé leur carte de membre. Ainsi le parti du Centre a perdu 69 % de ses membres, les Modérés 65 %, les Sociaux démocrates 62 % et les Chrétiens démocrates 27 %. Une hécatombe ! Seuls les Verts ont progressé (94 % ! Il faut dire que lorsque l’on part de rien, les chiffres s’emballent vite) ainsi que la Gauche 4 %. Situation de crise bien évidemment pour les partis politiques, mais aussi pour la démocratie. C’est d’autant plus inquiétant pour le recrutement des futurs responsables politiques. Ce sont quand même eux qui sont éventuellement appelés à nous diriger et plus ça se ratatine dans les rangs, plus le « bon choix » est aléatoire.
Cas d’école récemment avec la nomination au poste de suppléant au Conseil national du parti social démocrate d’un Suédois de confession musulmane. Omar Mustafa, élu par le Congrès, remercie et s’apprête à prendre ses fonctions. Jusque là, rien d’atypique. Sauf que, très vite, des membres du Bureau national s’adressent à la direction du parti pour lui demander d’écarter Omar Mustafa de son nouveau poste au motif qu’il est aussi président de l’Association islamique de Suède dont les idées sont à leurs yeux incompatibles avec celles de la social démocratie suédoise. Et là, ça s’emballe, Omar Mustafa est immédiatement démis de ses nouvelles fonctions. À qui la faute ? Au comité des nominations qui n’aurait pas bien fait son boulot laisse entendre alors le secrétaire général du parti, Stefan Löfven. En réalité, une affaire très mal menée par le Congrès et la direction du parti. Cet exemple est significatif de ce que nous disions plus haut à savoir que le désintérêt citoyen pour la politique peut mener à ce type d’embrouille qui n’engage évidemment pas à se lancer en politique.
D’humeur frileuse
La Suède est-elle solidaire de l’Europe ? La réponse est non. La Suède se préoccupe avant tout de sa souveraineté et de ses intérêts et ce depuis toujours. La gauche suédoise a toujours considéré avec suspicion toute forme de rapprochement avec l’union européenne. Pratiquement contraint de rejoindre la famille européenne en 1995, le royaume a toujours marqué sa distance par rapport aux instances européennes, soutenu en cela par une population en majorité europhobe. Peu avant leur adhésion à l’Europe, on aurait pu croire que le projet intéressait la Suède et les Suédois tant ils étaient impatients de montrer aux Européens comment leur modèle inoxydable allait naturellement s’imposer en Europe. Nous en avons été pour nos frais.
Au fur et à mesure que la Suède est sortie de la crise financière et économique dans laquelle elle s’était engluée au début des années 1990 (et qui l’avait pratiquement obligé de se jeter dans les bras de l’Europe), sa politique européenne s’est de facto éloignée de Bruxelles. Le royaume, par la voix de son Premier ministre se permet aujourd’hui de donner des leçons de bonne pratique budgétaire : « S’agissant des appels à la solidarité des pays du sud, il faut être clair et leur envoyer un signal fort. Ce n’est pas aux pays exemplaires en matière de contrôle des finances publiques et d’une croissance soutenue du corridor nord, Suède et Allemagne inclus, de régler la note des pays qui ont mal tenu leurs comptes publics ! » Un peu à la manière de Maggie Thatcher et son fameux : « I want my money back ! »
Non, la solidarité n’est pas le point fort du royaume. Déjà au début des années 1930 et jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, la politique économique du pays a toujours été avant tout de protéger la production suédoise et le bien être des Suédois sans se soucier des conséquences de la politique nazie ou de celles de sortie de guerre. Un historien, Klas Åmark, estime que cette attitude n’a pas changé d’un iota. Le royaume reste au final centré sur lui-même à l’abri de ses frontières. Une image que peuvent réfuter les Suédois, eux qui ont contribué à la mise en place d’une société de bien être basée sur la solidarité comme idéologie. En réalité, ils ne trouvent pas leur compte avec l’Europe. Ils ressemblent, toute proportion gardée, aux Républicains des États-Unis qui prônent une intervention minimale de l’État. Le partage n’est pas leur fort. Dommage !
D’humeur ABBA cool
Les revoilà ? Non et oui. Non, ils ne rechantent pas ensemble, mais oui on pourra bientôt les voir dans le musée qui leur est consacré à Stockholm. En attendant, les deux B, Benny Andersson et Bjorn Ulvaeus reviennent sous les feux de la rampe, ils ont en effet composé le thème musical de l’ouverture du prochain concours Eurovision de la Chanson qui se déroulera le 18 mai prochain dans la bonne ville de Malmö au sud du royaume. Quant aux deux A, Agnetha Fältskog et Anni-Frid Lyngstad, elles sont, à l’instar de leurs ex, des gens d’un certain âge qui vont bien, merci !
D’humeur bestiaire
Ours, loups, gloutons et lynx se portent apparemment bien en Suède. Leurs populations ne cessent de croître. Selon les chercheurs, il faut remonter au début du 18e siècle pour en retrouver autant ! Inventaire. On compte aujourd’hui quelque 3 200 ours, entre 1 400 et 1 900 lynx, 650 gloutons et 350 loups répartis sur le territoire, mais principalement dans la partie nord d’icelui. L’exode rural ne doit pas y être étranger, mais aussi les changements de mentalité (on ne tire plus à vue sur les « prédateurs »). La nature reprend en quelque sorte ses droits.
D’humeur régalée
Encore un sondage qui vient remettre les Suédois à leur place en matière de gastronomie et plafonner leurs aspirations démesurées à faire partie du peloton de tête des nations culinaires en Europe. C’est une agence suédoise de tourisme, Göteborg&Co qui a procédé à une étude fouillée sur la gastronomie qui le dévoile. 3 100 personnes ont répondu à un questionnaire fourni pour s’entendre dire au final que la Suède n’est pas une destination touristique pour les adeptes du bien manger et des gourmets de tout poil. La nourriture suédoise n’est ni la meilleure, ni la meilleure marché, ni la plus tendance, ni la plus unique, ni la plus prompte à employer des produits frais, ni la plus fervente à mettre en valeur la cuisine régionale… Bref, mal cotée au niveau international. Elle est associée aux köttbullar, les boulettes de viande d’IKEA ! Et le fait qu’on ait récemment appris que ces mêmes köttbullar contenaient de la viande de cheval n’arrange évidemment pas l’image promotionnelle auréolée que veut donner le royaume. Il va falloir que les gâte-sauces suédois rament sec pour redorer le blason d’une cuisine qui se veut à la pointe de l’inventivité et qui n’est que ce qu’elle est : mangeable.