
Les Humeurs de JPP / Septembre 2013
D’humeur minée
C’est sur l’air des Lapons que des Sámi s’égosillent depuis quelques mois contre le projet d’exploitation d’une mine de fer du côté de Jokkmokk, « capitale » de la Laponie. Ils ne veulent pas que la compagnie minière britannique Beowulf Mining prospecte dans la région de Kallak, un territoire qui sert depuis des temps immémoriaux de pâturage aux rennes. Et comme d’hab’ en Suède dès lors qu’il s’agit des Sámi, les autorités se hâtent lentement, voire, laissent rouiller la situation. Retour sur le sit-in des Sámi.
Il y a environ trois mois, un groupe de Sámi décide, pour faire entendre leurs revendications, de barrer la route d’accès au site d’exploitation pressenti de Gállok aux prospecteurs britanniques. Par trois fois la police intervient durant l’été pour les déloger et, bien évidemment, les guetteurs Sámi reviennent à chaque fois occuper les lieux. La dernière charge policière a même été assez violente. Les forces de l’ordre ont eu recours à une virilité musclée démesurée face à des manifestants déterminés mais pacifistes (les Sámi ne se sont jamais battu contre qui que ce soit).
Les aborigènes locaux veulent qu’on laisse leurs pâturages en l’état, ils redoutent en outre que les tirs de mine provoquent des fissures dans le barrage de Parki situé à quelques kilomètres de là risquant d’entraîner à terme la rupture de l’ouvrage avec comme conséquences, la disparition de plusieurs villages et une eau potable définitivement polluée. Des revendications compréhensibles ! Pas pour tout le monde apparemment.
Les habitants de la région sont partagés sur l’exploitation du filon du minerai de fer très riche en magnétite. D’un côté, les éleveurs de rennes ainsi que le « Parlement sámi », et, de l’autre, les élus locaux, les bénéficiaires des retombées du tourisme et ceux qui estiment que c’est un projet somme toute créateur d’emplois (un ovni dans cette région).
Le Parlement sámi en Suède ? Parlons-en ! C’est après que l’Organisation Internationale du Travail (OIT), une agence des Nations-Unies, ait adopté la Convention 169 relative aux droits des peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants en 1989 que les pays nordiques (à l’exception de la Norvège qui a ratifié la convention) ont commencé à se bouger… mollement. La Norvège crée en 1989 son Sámediggi, l’assemblée sámi, les Suédois attendront 1992 pour la mise en place de « leur » Parlement sámi fantoche, le Sameting. À noter que les Suédois n’ont pas ratifié la Convention 169, pas plus que les Finlandais. Agissement qui fait d’ailleurs dire aux responsables politiques sámi que « la Suède est toujours prête à monter au créneau pour défendre les droits des populations autochtones en dehors du royaume, mais est sourde aux revendications de sa propre population indigène. »
Au crédit des Suédois, la Cour suprême suédoise a fini par donner gain de cause aux Sámis en 2011 en reconnaissant leurs droits coutumiers sur certaines terres. Les prérogatives du Sameting sont limitées, voire circonscrites aux questions liées à l’élevage du renne, la pêche, la chasse, les dommages causés par les prédateurs sur les troupeaux, la culture sámi, la langue, bref, du menu fretin. Pas question d’autonomie par exemple ou encore de statuer sur le bien-fondé ou non d’exploiter le minerai de fer en Laponie…
Au début du 20e siècle, lorsque la Suède crée l’Institut des races à Uppsala, l’idiot type n’était-il pas le Lapon, race inférieure aux yeux des anthropologues racialistes ? Lapp en suédois signifie, entre autres, un bout de chiffon et par extension une guenille. C’est le nom que les Suédois avaient alors donné aux Sámi, Lapp et la région où ils vivaient se nomme toujours la Laponie, Lappland ! Bonjour le respect !
« Ce projet est une menace pour la survie de notre peuple ! », s’insurgeait il y a peu le porte-parole de la communauté sámi de Sirges. La Suède compte environ 20 000 Sámi. La plupart vivent à Stockholm.
D’humeur tassée
Le réchauffement climatique n’est pas un leurre. À preuve, l’une des plus hautes montagnes de Suède, le Kebnekaise sud décroît d’un mètre chaque année, et ce depuis 18 ans ! En 1902, son sommet se situait à 2 121 mètres, aujourd’hui, il a rapetissé à 2 099 mètres. Responsable de ce tassement, la fonte des glaces. Encore un effort et ce sera le sommet nord, tout de roche constitué, qui culminera à 2 097 mètres.
Pour la petite histoire, ce sont les Sámi qui ont donné ce nom de Kebnekaise, Giebnegáisi, et c’est un Français, Charles Rabot, qui en fait la première ascension en 1883 (en espadrilles ?).
D’humeur royale
40 ans sur le trône ! Charles XVI Gustave règne depuis le 15 septembre 1973 (règne est un euphémisme. Il a un rôle purement protocolaire, c’est déjà pas mal !). Il a vu se succéder bon nombre de gouvernements, lui est toujours là, fidèle au poste, il en verra encore d’autres, on meurt sur le trône chez les Bernadotte. Ses sujets ont été invités à danser aux abords du château pour l’événement. Ça ne mange pas de pain. La plèbe s’amuse.
D’humeur décimée
L’humanité chez certains politiques suédois se mesure à l’aune de leur empathie relative. Humanité à l’égard des animaux, s’entend. Sans tomber dans la zoolâtrie primaire, force est de constater que l’attitude du gouvernement suédois par rapport à la politique de régulation des loups dans le royaume est loin, très loin d’être satisfaisante. Même Bruxelles fronce les sourcils… c’est dire !
Dernier épisode de cette saga à tiroirs sous forme de propos surprenants émanant de la ministre suédoise de l’environnement, Lena Ek qui, se basant soit disant sur des études scientifiques affirme qu’un quota d’une centaine de loups serait largement suffisant pour la survie de l’espèce en Suède !?! Le gouvernement pour sa part pousserait ce quota de 170 à 270 bêtes. Environ 350 loups sont à ce jour recensés, ce qui voudrait dire qu’une petite centaine vivent leurs dernières heures !
Et pourquoi cette hécatombe en devenir ? Pour aller dans le sens du poil des électeurs qui ne veulent pas entendre hurler la meute des défenseurs de la nature. Et paradoxalement dans cette catégorie anti-loup, les Sámi qui vivent on ne peut plus près de la nature mais qui sont las des déprédations que subissent leurs troupeaux (le steak de renne est apprécié de la gent loup). Des propositions qui font grincer les dents de bon nombre de citoyens et qui vont totalement à l’encontre des recommandations de spécialistes (et notamment du chercheur français Guillaume Chapron qui travaille comme professeur adjoint depuis 2007 au centre de recherche de la faune du département d’écologie de l’université suédoise des Sciences agricoles de Grimsö) qui estiment qu’une population de 700 loups serait idéale (consanguinité écartée). Allez donc faire entendre raison à des politiques qui visent la réélection ! Un coup de tête de loup pour nous en débarrasser ?