Les 400 ans d’André Le Nôtre : Drottningholm, la perspective suédoise !

On se souvient encore de cette fameuse exposition au NationalMuseum de Stockholm dans les années 90 Solen och Nordsjärnan. Frankrike och Sverige på 1700-talet qui avait mis en valeur entre autres les relations très fournies entre les deux cours royales de l’époque, les échanges d’artistes et collaborateurs, Louis XIV et Gustav III, les châteaux de Versailles et Drottningholm , Tessin le Vieux, le Jeune, André le Nôtre et ses envoyés français et suédois…

A l’occasion de la célébration des 400 ans de la naissance d’André Le Nôtre, le jardinier/architecte, ami intime de Louis XIV, de nombreuses manifestations ont eu lieu en France en cette année 2013 dite Année Le Nôtre. Une dernière exposition inédite se tient au Château de Versailles « André Le Nôtre en perspectives, 1613-2013 » jusqu’en février 2014 et Francofil vous conseille vivement de la visiter.

drottningholm-1Elle montre pour la première fois les croquis, ébauches, esquisses annotés de la main de l’artiste. « Ces prêts exceptionnels en raison de la valeur des œuvres, de leur rareté et de leur fragilité, nous avons pu les obtenir grâce à l’intérêt qu’a suscité le projet en particulier auprès de l’Institut de France, du Louvre, de la Bibliothèque nationale et du Nationalmuseum de Stockholm » nous dit Beatrix Saule la commissaire de l’exposition qui était également commissaire de la première exposition. En fait 30 pièces, croquis, dessins et plans jamais montrés ont été prêtes par le Nationalmuseeum dont les plans du Château du Trianon par Le Nôtre à Daniel Cronström (Facsimilé 1694) par exemple ou son projet pour les jardins de Drottningholm à Tessin l’Ancien (1662-1665) ….un projet commandé par la reine Hedwige Eleonore ou bien encore un dessin de parterre présenté au concours de l’Académie d’architecture française par Carl Harleman pour Vaux-le-Vicomte qu’on retrouvera réalisé à Drottningholm (1725)…

Courte bio de celui qui devint le plus proche et intime conseiller de Louis XIV, puis son contrôleur général des bâtiments, jardins, arts et manufactures de France (Paris 1613-Paris 1700).

Roi des jardiniers et jardinier du Roi, Le Nôtre donna ses lettres de noblesse au jardin à la française. Il fut l’auteur des plus beaux jardins du XVIIe siècle et fit de Versailles son chef-d’œuvre absolu. Ses talents lui valurent une fortune colossale et une réputation internationale.

André Le NotreFils et Petit-fils de jardiniers (Tuileries, 1592, Louis XIII), il est nommé à 24 ans, jardinier en chef des Tuileries et une année plus tard premier jardinier du Luxembourg, dont il sera directeur à 33 ans. Il est également promu dessinateur des plans (1645), contrôleur général des Bâtiments du roi (1656) et anobli en 1675. Urbaniste, il conçoit pour Paris un axe directeur allant de Vincennes, à l’est de Paris, à Saint-Germain-en-Laye à l’ouest, plante les grands boulevards tels qu’on les nomme aujourd’hui, aménage les Champs-Élysées.

Son parc de Vaux-le-Vicomte (1656-1661) qui est le modèle même du jardin à la française et dont la réplique exacte est le parc de Drottningholm, la résidence officielle du couple royal suédois actuel, reste une composition à perspective fermée ; les transformations des jardins de Versailles et des Tuileries (à partir de 1661) marquent la seconde étape de son style, par la création des perspectives ouvertes à l’infini. Ses travaux à Chantilly et à Sceaux ont fait aussi de ces parcs des créations originales, et les transformations de Fontainebleau, de Saint-Germain-en-Laye, de Saint-Cloud, de Meudon témoignent de sa faculté d’adaptation.

Invité par le roi d’Angleterre, il se rend à Londres en 1662. Ses conseils sont sollicités par les souverains du Danemark et de Suède. Il se refuse au travail à distance, mais délègue souvent certains de ses élèves, tel son neveu Claude Desgots, pour diriger des travaux .

Jardinier, architecte, urbaniste, voire ingénieur, Le Nôtre sait tirer parti des découvertes scientifiques de son temps, soumettant ses travaux aux lois de l’optique et de l’hydraulique. Pénétré d’esprit classique, il adopte le thème du « Grand Canal », comme motif essentiel de ses compositions à Vaux-le-Vicomte, à Versailles, à Chantilly et à Sceaux.

Dans l’esprit de son temps, il fait de ces plans d’eau une source de lumière : canaux, bassins ou miroirs réfléchissent les rayons lumineux et donnent aux paysages une qualité incomparable. Il règle la proportion des différentes parties en fonction des lois de l’optique, qui, selon les cas, lui permettent d’allonger ou de raccourcir ses perspectives.

Conçues en fonction de la demeure à laquelle elles servent de cadre, ses réalisations sont toujours à la mesure de l’homme. Enfin, grâce à la maîtrise des eaux que lui apportent des techniciens liégeois (l’industrie des conduites d’eau est une spécialité de Liège depuis le Moyen Âge), il ajoute au décor de ses parcs un caractère de féerie par l’introduction du spectacle des eaux jaillissantes, tel que les « grandes eaux » de Versailles.
Exaltant le triomphe de l’ordre sur le désordre, de la culture sur la nature, du réfléchi sur le spontané, le jardin à la française culmine au XVIIe siècle avec la création des jardins de Versailles bientôt copiés par toutes les cours d’Europe. Il doit beaucoup au progrès de la science, au régime de la royauté et à deux hommes Le Nôtre et Louis XIV.

Revenons à l’exposition… C’est tout le génie d’André Le Nôtre que cette exposition du Château de Versailles veut cerner et mettre en perspectives.
Résultat de 15 années de recherches en archives et enquêtes sur le terrain, l’expo rassemble sur 1.500 m2 et 8 salles, pour la première fois, les chefs d’œuvre ayant appartenu à l’artiste ainsi que de rares documents autographes et superbes dessins de son équipe, dispersés à travers le monde.. Plus de 1.400 œuvres. 65 prêteurs. 1.500 m2 et 8 salles, cette expo apporte 3 aspects nouveaux de l’artiste : sa personnalité bien plus complexe que la simpliste image que l’on a de lui, son processus de création et en particulier sa manière de construire l’espace et enfin une découverte, la portée de son influence depusi 4 siècles.

Pour la première fois également il est démontré à l’aide des nouvelles technologies, comment Le Nôtre met en œuvre sa parfaite maîtrise des procédés optiques au service de sa force créatrice. Sont Présentés ainsi les relevés et grands plans colorés de l’époustouflante perspective, autour de laquelle s’articule le parc royal, théâtre de verdure de quatre-vingts hectares destiné aux plaisirs de la cour du Roi-Soleil.

Tout ceci aboutit à une autre vision de l’œuvre du jardinier architecte ami intime de Louis XIV. Mais cette œuvre ne l’oublions pas- ce sont les grands sites eux-mêmes que l’exposition invite à visiter ou à revisiter : Versailles bien sûr mais aussi Vaux-le-Vicomte, Fontainebleau, Chantilly, Saint cloud, St Germain en Laye, Meudon, le Jardin des Tuileries …
memorial11septEt à l’étranger les jardins de Venaria Reale en Italie, les château de Charlottenbourg et de Kassel en Allemagne, le château de Windsor en Angleterre et bien sûr les jardins du château de Copenhague et de Drottningholm à Stockholm.

Et puis la modernité de Le Nôtre, c’est que tout au long de ces quatre derniers siècles Le Nôtre a inspiré des architectes et urbanistes comme Le Corbusier ou Henri Prost qui intègre ses perspectives dans le premier réseau autoroutier de France en 1930. Ses modelés se diffusent en URSS et aux USA comme le Mall de Washington, les parterres suspendus du Rockefeller Center à New-York jusqu’au Monument aux victimes du 11 septembre à New York dont l’auteur Peter Walker se déclare fasciné par « le travail de Le Nôtre sur le vide ».

A voir sur place ou à l’expo au Château de Versailles jusqu’au 23 février 2014.