En France : un débat inextricable

Depuis quelques jours, un débat inextricable agite la sphère médiatique Française. En cause, la dénonciation par des journalistes de pédophiles avec lesquels ils étaient rentrés en contact dans le cadre d’un reportage (Les Infiltrés, diffusé par France 2 le 6 avril dernier). Et les textes de référence ne sont d’aucun secours dans cette affaire tant ils manquent de clarté. A ce sujet, le Code Civil, la charte des devoirs professionnels des journalistes Français de 1918 et la loi sur la liberté de la presse de 1881 s’entrecroisent, s’annulent et se contredisent.

De ce flou juridique surgit donc un débat contaminé par la morale et l’éthique, où il est difficile d’y voir clair. La question de savoir si la nécessaire préservation de la confiance envers les journalistes prévaut sur un réflexe humain et citoyen, semble impossible à résoudre.

En Suède : des textes beaucoup plus clairs et une question qui n’a pas lieu d’être

Ce qui est certain, c’est que cette question ne se serait jamais posée en Suède. Et pour cause : le secret des sources y est sacro-saint et la protection de ces dernières est constitutionnelle. Le journaliste qui contreviendrait au källskydd risque en effet jusqu’à un an de prison et une comparution devant un juge constitutionnel (ombudsman), spécialement chargé de la protection de la liberté de la presse.

Plus largement, la Suède est en avance sur bien des pays concernant les libertés et la protection de la presse. En 1776, ce n’est ni plus ni moins que le premier pays du monde à proclamer la liberté de la presse, près de 25 ans avant la France et sa Déclaration des Droits De l’Homme. Aujourd’hui, les textes régissant les droits des journalistes sont pleinement constitutionnels, fixés par l’Acte sur la Liberté de la Presse (Tryckfrihetsförordningen), un des quatre principaux piliers de la Constitution Suédoise.

A côté de sa voisine Scandinave, la France, où le pendant constitutionnel de la protection de la liberté de la presse est bien maigre, fait pâle figure. En effet, seul l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (rappelé dans la Constitution de la Ve République) garantit cette liberté. Le reste de la protection est assurée par la loi du 29 Juillet 1881 . Or, modifier une loi Française est beaucoup plus aisé et rapide que la modification de la Constitution (qui nécessite soit un référendum, soit un appel au Congrès).

Un refuge pour sources sensibles

Cette intransigeance dans la protection des sources fait de la Suède le refuge de ceux qui se sont spécialisé dans les publications sensibles et les activités en bordure de la loi. Wikileaks, récemment sous les feux de la rampe pour avoir publié une vidéo établissant la preuve formelle d’une bavure américaine en Irak, en fait partie. Le site, qui semble être dans le la ligne de mire des services secrets américains, subit des pressions multiples. De quoi pousser ses dirigeants à stocker la majorité de leurs données « sensibles » sur le sol Suédois, se plaçant de facto sous la protection de sa Constitution. C’est plus précisément l’hébergeur PRQ, dirigé par des anciens du site Pirate Bay, qui héberge ces données, s’étant fait fort, ces dernières années, de donner aux sites web les plus en marge un havre de paix, à l’abri des lois Suédoises.

Ce débat intervient alors qu’un autre pays Nordique, l’Islande, pourrait bien promulguer dans les prochains mois une loi cruciale concernant la liberté de la Presse, se plaçant aux avant-postes mondiaux de la protection de la liberté d’informer .

La Suède, pays de la transparence et du dynamisme de la presse

La Suède, à l’instar de tous les pays Nordiques, entretient par ailleurs un rapport plus que privilégié avec la presse. Et les chiffres sont éloquents puisque près de 83% de la population adulte lit tous les jours un des 165 (!) quotidiens nationaux. Avec seulement 9 millions d’habitants, le pays compte, tout type de parution confondues, 480 exemplaires de journaux vendus pour mille habitants, soit 4 fois plus que la France ! Dans un pays où le taux de pénétration d’Internet est un des plus élevés d’Europe, c’est un joli pied de nez à ceux qui croient en l’incompatibilité de la presse papier et d’Internet.

Plus encore, la Suède cultive sa culture d’un pays ouvert et transparent et d’un journalisme « chien de garde ». Ce n’est pas pour rien que le personnage le plus marquant de la littérature Suédoise de ces dernières années est un journaliste. Mikael Blomkvist, le héros de Stieg Larsson et de sa trilogie Millénium, n’est autre que le rédacteur en chef de la revue d’investigation du même nom, qui publie et dénonce dans les livres les travers de l’industriel Wennerström.
La Suède fait en outre partie des rares pays garantissant le libre accès, aux citoyens comme aux médias, à tous les documents et données officielles. Là aussi, ce droit est constitutionnel, garanti par l’Acte sur la Liberté de la Presse.

Ce portrait flatteur d’un pays très en avance peut sans peine se généraliser à tous les pays du Nord de l’Europe, qui trustent le haut des classements en termes de liberté de la presse.

A ce titre, la France, qui régresse sans cesse dans ces classements, a sans doute beaucoup à apprendre de ses voisines du Nord.

Sources : Euractiv.com, Svenska Institutet, Svensk Riksdag.

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