Mars 2014: la Suède est fantastique ! Chaque mois, les humeurs de Jean-Paul Pouron, correspondant de Radio France en Scandinavie. Ce mois-ci: les élections en Suède en septembre 2014, le dégraissage de Volvo, les enseignements de Sotchi et après le girafon danois, la louve suédoise !
D’humeur scrutatrice…
2014, année électorale en Suède. En septembre prochain, les Suédois sont invités aux urnes pour des élections générales (législatives et communales).
L’Alliance de centre droit (Modérés, Libéraux, Centristes et Chrétiens-démocrates) a exécuté deux mandats, elle retente sa chance pour un troisième (Pas gagné ! Fredrik Reinfeldt, l’actuel Premier ministre, va s’en voir pour rassembler les composantes de ses factions). Sociaux-démocrates, Verts et Gauche (ex communistes) ne sont nullement une coalition de centre-gauche, mais caracolent dans les sondages (la sacro-sainte alternance ?).
Les Suédois sont pragmatiques. Ils peuvent pencher à gauche et voter à droite, et inversement, ça ne les dérange absolument pas. Autant dire que rien n’est joué d’avance. L’économie suédoise se porte plutôt bien, mais a connu des jours meilleurs, la protection sociale n’a pas trop été entamée par la « droite », le modèle se vend toujours et la Suède se replace encore tous les ans sur l’échiquier international avec les Prix Nobel.
Quels sont les enjeux de ce scrutin ? Les mêmes que ceux des élections précédentes. Perdurer au pouvoir pour la majorité en place et y revenir pour l’opposition.
Une ombre cependant au tableau, les Démocrates de Suède (SD, Sverigedemokraterna), formation de droite extrême, populiste et xénophobe, qui compte bien jouer les trouble-fêtes en s’octroyant un rôle d’arbitre (les sondages les donnent à deux chiffres !) au Parlement.
Entrés dans la sphère politique suédoise il y a quatre ans, les Démocrates de Suède s’y sont fait leur place et mieux encore. La direction du parti a procédé à un grand ménage de fond, éloignant les moutons les plus noirs du troupeau et, ce faisant, donne désormais une image propre et avenante d’un parti responsable capable d’attirer des électeurs et de gouverner. Qui votera SD ? Les déçus de la politique de l’immigration et de la redistribution, c’est à dire bon nombre de retraités qui ne s’y retrouvent plus, les « valeurs historiques » de la social-démocratie s’étant volatilisées, certaines couches des classes moyennes les plus défavorisées qui s’estiment ne plus être entendues et puis aussi des jeunes, marginalisés par un système qui ne les insère pas.
La montée en puissance de ce nouvel acteur de la vie politique suédoise risque à terme de totalement chambouler la configuration d’icelle. Le royaume s’est « normalisé » eu égard à ses partenaires européens. Comme la plupart des parlements des pays membres de l’Union européenne, la Suède a elle aussi une représentation de l’extrême droite.
Des changements, il y en aura. Ainsi les Centristes et les Chrétiens-démocrates risquent de passer à la trappe (il faut 4 % des voix pour siéger au Riksdag, le Parlement suédois). Il y a des lustres que ces deux partis luttent pour leur survie. Annie Lööf, la chef de file du parti du Centre n’arrive pas à convaincre. Sa frimousse de Pimprenelle n’a aucun effet sur les électeurs de cet ancien parti agrarien qui a eu ses heures de gloire avant et pendant la Seconde guerre mondiale et lors des gouvernances de droite par quatre fois. Göran Hägglund, actuel patron des Chrétiens-démocrates (genre de gendre idéal !) n’a jamais réellement fait le poids comparé au créateur du parti, Alf Svensson, figure emblématique qui avait su ancrer la politique libérale et traditionnelle de cette formation.
Mathématiquement, les forces conjuguées des Modérés et des Libéraux ne suffiront pas. La droite devrait passer le sceptre. Au profit de qui ? Des Sociaux-démocrates, qui feraient ainsi leur retour après huit ans d’absences, d’abstinence, devrait-on dire ! Ils ne gouverneront pas seuls (ils ne l’ont jamais fait), ils leur manquent des voix, les Verts sont cependant prêts à les soutenir et éventuellement la Gauche. Ils ne veulent surtout pas d’alliance évitant ainsi de se défaire de ministères, préférant gouverner de manière pragmatique au gré des opportunités politiques qui se présentent.
L’actuel secrétaire général des Sociaux-démocrates, l’ex dirigeant syndicaliste de la métallurgie suédoise, Stefan Löfwen, pourra difficilement faire pire que son prédécesseur au poste, l’inénarrable Håkan Juholt (éjecté de la direction du parti à peine un an après sa nomination pour incompétence et affaires litigieuses) ou encore Mona Sahlin qui avait devancé Juholt et avait dû !abandonner la fonction pour s’être ramassée aux élections de 2010. Stefan Löfwen amène avec lui son expérience de syndicaliste, pour mémoire, le royaume n’est pas un syndicat ! Les derniers sondages indiquent que 35 % des votants pencheraient pour les Sociaux-démocrates (plus que Modérés et Libéraux ensemble).
Au doigt mouillé, le parti des Verts est la troisième force politique de Suède (au coude à coude avec les Démocrates de Suède). Si la gauche repasse, ils veulent en être. Pas certain cependant que les sociaux-démocrates leur confient des ministères. Le maquignonnage politicien a déjà démarré. Leurs porte-paroles (parité respectée) Åsa Romson et Gustav Fridolin sont jeunes et particulièrement battants, leurs idées définitivement de gauche. Ils sont pour l’arrêt du nucléaire, pour des énergies de substitution, pour la réalisation d’infrastructures propres, etc.,etc.
Reste le parti de Gauche, une formation qui monte (9 % selon un institut de sondages) qui réalise régulièrement entre 5 et 6 % aux élections. Jonas Sjöstedt en est son président depuis l’an dernier. Farouche opposant à l’Union européenne, Jonas a siégé au Parlement européen de 1995 à 2006 ! La gamelle n’était sans doute pas si indigeste que ça !
Tout porte donc à croire qu’il y aura alternance. On reviendra au social-démocrate après un passage social-libéral, bref, la balle au centre et qu’elle y reste… neutre !
D’humeur juridico-transparente…
À partir de quel moment la transparence peut générer les effets contraires qu’elle est supposée mettre en lumière ? Quand on veut faire du fric sans vergogne avec des informations prétendument accessibles à tous. Retour d’un clic sur l’affaire de lexbase.
S’arcboutant sur le principe extrêmement généreux de la liberté d’expression et de la transparence en Suède, une start-up avait lancé un site, lexbase.se, qui permettait de savoir en toute légalité si une personne avait fait l’objet d’une condamnation. Pour un casier judiciaire il en coûtait la modique somme de 7 euros, pour le détail des condamnations, 9 euros. Le site n’a tenu qu’une seule journée, et durant ces 24 heures, plus d’un million de pages ont étés vues. L’hébergeur a fini par fermer le site sous la pression de l’ordre des avocats et d’autres institutions de défense du citoyen ; les parlementaires vont aussi se pencher sur ce sujet de la mise en ligne des casiers judiciaires. Transparence d’accord, mais les lois ne sont-elles pas faites pour protéger le citoyen ?
Il suffisait de taper un nom, une adresse ou un numéro de naissance pour voir apparaître sur une carte de la Suède, une pastille rouge indiquant qu’à cet endroit, une personne avait été condamnée. Imaginez la confusion de ceux qui voyaient un point rouge à leur adresse ou à proximité ! D’autant que le fichier contenait apparemment pas mal d’erreurs ! Le voyeurisme a encore de beaux jours !
Et ceux qui ont purgé leur peine ? On la leur fait payer deux fois ? Bref, un plan business glauque au nom de la transparence… Lex est quo notamus…
D’humeur larguée…
Volvo Trucks aborde 2014 en décélérant. En plus des 2 000 suppressions d’emplois annoncées en octobre dernier, la direction fait une embardée supplémentaire en en rajoutant 2 400 pour 2014. Un dégraissage de 4 400 emplois, ça se fait sentir (le deuxième constructeur mondial de poids-lourds a un effectif de 100 000 collaborateurs, dont quelque 15 000 consultants) ! Ce seront les cols blancs et surtout les consultants qui feront les frais de l’opération réduction. C’est paraît-il le prix à payer du renouvellement de la gamme… et du redressement de la rentabilité (pas question pour les actionnaires de mettre la main dans la boîte à gants). La Belgique et la France sont concernées au premier chef. Je roule (Volvo en latin) pour les actionnaires qui, eux, ne tiennent pas à se faire rouler !
D’humeur reloue…
Les fonctionnaires de l’agence suédoise de la protection de l’environnement sont des sans-cœurs. Il y a quelques mois, dans ces colonnes, nous évoquions cette louve, baptisée par les autorités suédoises, la louve de Junsele, qui de manière opiniâtre revenait systématiquement dans ses zones d’habitat après en avoir été chassée. Après avoir déboursé quelque 800 000 euros en déplacements du prédateur et remboursements aux éleveurs de rennes et de moutons, l’agence suédoise a finalement décidé de l’abattre. Pas de quartier, fini les largesses, on éradique le problème et tant pis si ça ne plaît pas aux défenseurs de la nature ! Les fins de sagas sont souvent tristes et cruelles. Les enfants vont adorer ?!? Loup y es-tu ?
D’humeur Sotchi… mère…
La Suède a de quoi jubiler avec ses médailles glanées notamment en ski de fond (relais féminin, 4×5 km et masculin 4×10 km). On les félicite, bien évidemment. Rien de surprenant finalement qu’ils se distinguent par équipe. En effet, tout tourne en Suède autour du collectif. Ça commence à la crèche, puis à la maternelle pour se poursuivre jusque loin dans les études primaires et secondaires. Le groupe prévaut sur l’individu.