Meaux, Musée de la Grande Guerre : « Putain de Musée ! »

87629126tardi-putain-de-guerre-jpgC’est Jean-Pierre Verney, le co-auteur avec Jacques Tardi de la Bande Dessinée Putain de Guerre , vendue à plus de 30.000 exemplaires, qui nous a soufflé le titre de ce papier. 

C’aurait pu être Jan Olof Olsson, dit Jolo, le Kessel scandinave, auteur de 3 beaux bouquins sur la Grande Guerre: 1914, Den okände soldaten (Le soldat inconnu) ou bien encore Rivna fanor ( Drapeaux déchirés, Ed. Bonniers)… C’aurait pu être aussi Peter Englund, l’historien, le Marc Ferro nordique, célèbre pour son Poltava, (le récit de la déroute de l’armée suédoise aux portes de la Russie en 1709) et auteur d’un portrait de la Première Guerre à travers une vingtaine de destins Stridens skönhet och sorg (Misères et merveilles des combats, Ed. Atlantis)… , un combat que la Suède, pays non-aligné et neutre depuis juste 100 ans à l’époque (1814 et sa dernière campagne de Norvège), ne mena pas… Les Allemands vont tenter à plusieurs reprises de l’inciter à entrer en guerre mais les courants bellicistes vont céder à la menace alliée d’une dissolution du royaume, la victoire venue. Pour maintenir son économie, la Suède va protester contre le Blocus et préserver jusqu’en 1918 des relations avec les deux ennemis. Et elle se contenta d’envoyer des télégrammes, fabriquer des munitions et promouvoir la paix comme l’organisation de la Conférence de Stockholm en 1917… Mais ça c’est une autre histoire !

Jean-Pierre Verney donc, ce passionné d’histoire,  « ce passeur de mémoire » comme il se définit, cet énorme collectionneur,  l’homme qui a permis l’ouverture du Musée de la Grande Guerre à Meaux, en Seine et Marne, à 40kms à l’est de Paris, en cédant plus de 30.000 objets d’époque. Cet homme de 65 ans a consacré toute sa vie à la Première Guerre mondiale, 1914-1918,  ce moment tragique de l’histoire de France et il a été retrouver, acheter, « chiner »… tout ce qui pouvait en avoir été les témoins. Verney allie le savoir de l’historien à une connaissance intime du conflit au quotidien.

Et c’est ce qui fait l’âme et l’esprit du Musée et lui donne toute son émotion : « Ces objets ont été fabriqués, touchés, sentis, conservés dans leur plus profonde intimité par tous ces soldats. 40 années de travail. 600.000 €… un château pour le prix d’un pavillon ! » dit Verney qui ne voulait pas que sa collection soit dispersée aux Etats-Unis ou en Allemagne.

guerre_objetIl y a tout  sur 3.000 m2: les troupes, les uniformes des 72 pays engagés, les armes, les baïonnettes, les chevaux, les casques à pointes, les taxis de la Marne réquisitionnés, un Blériot, un Zeppelin, un Albatros, les Poilus, les Gueules Cassées, les premières prothèses chirurgicales…, les wagons de transports, les tranchées françaises et allemandes reconstituées, le service postal, les toiles de camouflage, le sport, la condition féminine, les obus, la poudre, les canons, les fléchettes, les matraques, les grenades, les poignards, les chars, la guerre chimique de la fin du conflit, les masques à gaz… et aussi les gamelles, les bidons, les pots en fer blanc… sans oublier le gratte-cul, ce bâton avec lequel se torchaient les troufions… Et toutes sortes d’objets dérisoires que pouvaient confectionner les soldats entre deux assauts !

« 3.000 objets et encore 25.000 conservés en sous-sol pour de prochaines extensions du lieu. Et 3.000 bouquins sont encore dans ma cave » rajoute  Verney. Pour de plus amples infos voir le site du Musée…

« Avec pour thématique : la guerre bien sûr, sa logique et son quotidien mais aussi et surtout sa mondialisation, son évolution, son passage dans l’ère moderne… Une histoire de société . Comment est-on rentré dans le 20ème siècle? » disent en chœur Verney et Michel Rouger, le directeur du Musée.

Construit à l’endroit le plus avancé des troupes allemandes en France, le Musée inauguré le 11 novembre 2011 accueille 100.000 visiteurs par an et sera un des haut-lieux des cérémonies de commémorations du Centenaire.

Avec dès le 28 juin prochain, 100 ans jour pour jour, après l’attentat de Sarajevo qui provoqua la déclaration des hostilités, l’ouverture d’ une exposition sur l’entrée en guerre des troupes britanniques en présence du Premier ministre anglais David Cameron, de la Chancelière allemande Angela Merkel et bien sûr du maire de Meaux, Jean-François Coppé….

Et puis la désolation…: Nous avons visité un autre musée, celui à ciel ouvert, celui où l’on peut entendre un très lourd silence, celui où on ne voit plus rien, juste des fantômes tourmentant à perte de vue ces plaines, ces champs, ces forêts aux alentours, verts aujourd’hui mais « rouges vifs ou plutôt couleur sang boueux alors au moment des combats, ces  étendues recouvertes de morts, de cadavres, d’horreurs qu’on recouvrait de chaux, de terre ou de sable… » nous dit-on.

villeroy3… L’Apocalypse… On n’a pas vu les tranchées, non parce qu’ici, en Seine et Marne, ce fut les premières heures de la guerre de mouvement. La Première Bataille de la Marne. 6 jours. 1.000 morts par jour. 24.000, une sombre  journée d’août 14. Putain de journée ! « La première mort de masse de l’histoire » dit-on quelque part. En moyenne 1.000 morts par jour pendant 4 ans.

… La boucherie et l’Enfer quoi… ! Et se succèdent les monuments aux morts, tiens celui de Charles Péguy en face de Villeroy, les Ossuaires et Mémoriaux, les cimetières, ces villages aux églises encore dévastées que les régiments français, tirailleurs indigènes, et allemands perdent et reperdent …. douze fois comme ce bourg de Chauconin-Neufmontiers, sans aucune position stratégique, juste pour « exécuter ces putains, ces saloperies d’ordres » (in Un Long dimanche de fiancailles, le film de Jean-Pierre Jeunet)… 

« Le grand troupeau disait Jean Giono… Toutes les guerres sont stupides ». 

MeauxMuGrdeGuerreLaEt s’il y avait une seule raison, juste une seule pour que cette stupidité tragique n’ait pas été inutile, c’est ce Musée donc planté là, en creux sur le plateau de Brie, surplombant la vallée de la Marne, à l’endroit le plus avancé de l’invasion allemande, comme une « immense boîte d’acier et de béton et de verre » selon son architecte Christophe Lab, juste pour le souvenir et la mémoire, et à l’intérieur, cette muséographie qui semble scotcher ces classes entières de jeunes, venus  ici juste pour apprendre  « C’est  juste dingue cette guerre et de penser qu’ils ont pu vivre là, comme ça… Putain de journées !» nous disait l’un d’entre eux.

« Plus jamais ça !» l’inscription est affichée à l’entrée du Musée. Quand on connait la suite et qu’en juin prochain, on célèbrera le 70ème anniversaire du Débarquement et de la Bataille de Normandie, on se dit que les lieux de souvenirs et de mémoire ne sont jamais trop nombreux…

Et les Scandinaves ne devraient pas être les derniers à les visiter !

À 30 minutes de Paris par la Gare de l’Est
À 20 minutes de l’Aéroport Roissy – Charles de Gaulles
À 15 minutes de la gare RER A/TGV/Ryanair Chessy Marne la Vallée  

Ouvert tous les jours sauf le mardi

– 3000 m2 d’exposition permanente 
– 300 m2 d’exposition temporaire 
– un auditorium de 120 places 
– un centre de documentation
– une librairie/boutique  
– un café 

Route de Varreddes
77100 MEAUX

Le Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux 
Téléphone: 00 33-1 60 32 14 18 
Site web: www.museedelagrandeguerre.eu