Le prochain Prix Nobel de Médecine dans le Finistère ?

Finistere_plageAlors que les ressources terrestres ont tendance à s’épuiser, les richesses maritimes sont le nouvel eldorado de la recherche. A l’extrême pointe occidentale de l’Europe, sur les côtes bretonnes, le département du Finistère accueille une cinquantaine de PME actives dans le secteur des biotechnologies marines.

Ces recherches pionnières, en partie soutenues par l’Etat français, trouvent des applications dans les secteurs de l’énergie, de l’agro-alimentaire, de la cosmétique mais également de la santé, la pharmacie et la médecine en partenariat avec les entreprises, les laboratoires, les établissements d’enseignement supérieur que compte le Finistère. Parmi elles dans le nord du département, deux jeunes entreprises: ManRos à Roscoff et Hemarina à Morlaix.

Avec l’éponge de mer, ManRos Therapeutics découvre de nouveaux médicaments.
Laurent Meijer au centre dans son labo qui travaille régulièrement avec une cinquantaine de labos dans le monde entier

Le Docteur Laurent Meijer (au centre) avec 2 membres de son équipe, dans leur laboratoire qui travaille régulièrement avec une cinquantaine de laboratoires dans le monde entier (DR)

Le prochain prix Nobel de médecine/biologie, qui sera annoncé d’ici un petit mois à Stockholm, est peut-être là-bas à Roscoff, à la fin de la terre, chez ManRosTherapeutics, société pharmaceutique engagée dans la recherche et le développement de médicaments contre trois maladies sans traitement : la mucoviscidose, la Trisomie 21 et la maladie d’Alzheimer. Et cet homme c’est le Docteur Laurent Meijer. Il est directeur de recherches au CNRS de Roscoff et cofondateur (avec Hervé Galons, professeur à l’Université Descartes à Paris) de ManRos..
Il vient d’ailleurs de recevoir le prestigieux Prix Émile Jungfleisch de l’Académie des Sciences. L’Académie royale suédoise a d’ailleurs remis a trois reprises (fait unique dans l’histoire des Prix) le Prix Nobel à ses collègues américains pour « leur découverte et leur travail sur les kinases, molécules de régulation des cellules vivantes ». En 1992 à Edwin Krebs et Edmond Fischer, en 2000 à Paul Greengard et en 2001 aux Britanniques Paul Nurse et Timothy Hunt. Et pourquoi pas en 2014 ou 2015 au Finistérien  Laurent Meijer « qui développe ces kinases, ces régulateurs du cycle cellulaire grâce à la découverte d’une molécule extraite de l’éponge de mer » ?

Les deux co-fondateurs de ManRos Therapeutics se donnent quatre ans pour aboutir à une application thérapeutique permettant de traiter la maladie d’Alzheimer. Actuellement dans le monde, environ 10 millions de personnes sont atteintes par cette terrible maladie.
L’entreprise roscovite arrive au stade de la recherche appliquée, et notamment la synthèse de cette fameuse molécule. Et elle annonce avoir assuré son avenir après avoir finalisé le financement de son plan 2015-2016 en réunissant 3,6 millions d’euros qui viennent s’ajouter à trois contrats de recherche liant déjà ManRos à des institutions publiques et privées, se traduisant par l’apport d’un demi millions d’euros sur la période 2014-2016.

En quoi vos découvertes sont-elles prometteuses pour les malades?
Dans les grandes maladies, malheureusement, il y en a certaines qui résistent encore. Il y a le cancer, la moitié des gens n’en guérissent pas. Pour la maladie d’Alzheimer, malheureusement, il n’y a pas de traitement vraiment efficace. Donc, il y a encore des besoins à combler. Parmi les traitements possibles, on recherche les petites molécules qui pourraient agir sur ces pathologies, en particulier des molécules issues du milieu marin.
Alors, quelles maladies pensez-vous pouvoir guérir ou freiner un jour?
L’idée première, c’était les différents types de cancer. Il y a 200 types de cancer chez l’homme, des leucémies. Et puis, de plus en plus, on se tourne vers la maladie d’Alzheimer, qu’il serait possible de ralentir ou du moins de bloquer à un stade et donc les progrès vont venir à la fois des nouveaux traitements, mais aussi de la détection précoce qui pourra intervenir et faire que les médicaments sont donnés à un stade plus tôt.
Dans combien d’années retrouvera-t-on une molécule venue de Bretagne dans un médicament contre une maladie grave?
Moi, j’aimerais bien que ce soit avant 2018, ce serait excellent. (Extrait d’un entretien de Laurent Meijer avec Orange/Le Télégramme de Brest).
Nous avons bien noté la date ! Donc un prix Nobel de médecine finistérien avant 2018 ?

Avec les vers marins, Hemarina sauve des vies.
Franck Zal et ses vers marins (Arenicole marina) /DR

Franck Zal et ses vers marins (Arenicole marina) /DR

En essayant de comprendre comment les vers marins, simples appâts pour les pêcheurs bretons, respiraient à marée haute, le Docteur Franck Zal, chercheur en biologie au CNRS a découvert les pouvoirs surprenants de leur hémoglobine. Après congélation, il examine le sang de ces vers dans son laboratoire créé il y a 7 ans. Ses premières conclusions sont révolutionnaires.

« Vous savez ces vers qui font des serpentins dans le sable sur les plages. On voit par transparence le liquide rouge passer dans leur système respiratoire de cet animal. Et l’intérêt entre le globule rouge humain ou celui du vertébré, et celui de ce vers humain c’est que là on a une hémoglobine universelle. Vous savez que les globules rouges ont des typages sanguins A, B, 0 +, 0- mais avec ces vers marins il n’y a pas de typage sanguin… » souligne Franck Zal. « N’importe quel humain pourrait recevoir ce sang. Des tests sur l’homme vont avoir lieu dès septembre 2014 et les experts en transplantation s’intéressent grandement à ce produit qui protègerait les organes prélevés avant qu’ils soient greffés. Il faudrait 100 millions de litres de sang pour satisfaire la demande mondiale. Quelques tonnes de ces vers suffiraient pour répondre à cette demande » insiste le chercheur.

Autant dire que les travaux de la société Hemarina sont suivis avec attention par le monde scientifique mais aussi par les investisseurs financiers, tant il s’agit d’un marché énorme.
Le chercheur commence la production en élevage de ce vers miraculeux qui intéresse déjà les Américains. Car d’autres applications thérapeutiques et industrielles sont élaborées par la jeune société de Morlaix qui a d’ailleurs ouvert un bureau aux USA ( Boston), et notamment un substitut sanguin en poudre développé pour l’armée américaine.

« L’hémoglobine de ce vers marin est donc extracellulaire, ce qui lui permet d’être compatible avec l’ensemble des groupes sanguins, mais a aussi la particularité de transporter cinquante fois plus d’oxygène que le sang humain. Si son utilisation concerne pour l’instant principalement la conservation d’organes destinés à être greffés, les applications potentielles sont nombreuses, du pansement thérapeutique (ulcères, escarres) à la dose d’hémoglobine à administrer en urgence (pathologies de type anémie, hémorragie, manque de globules rouges…) Nous collaborons d’ailleurs avec l’US Navy, qui souhaiterait pouvoir bénéficier de ce sang, en poudre si possible, de manière à pouvoir porter secours à ses soldats sur les champs de bataille… » poursuit Zal

Le Dr Franck Zal vient de se voir décerner le « Prix de la Biotech d’avenir 2013 » qui récompense une entreprise du secteur des biotechnologies de plus de 3 ans d’existence ayant réussi l’une des plus importantes levées de fonds en capital dans sa région. C’est une performance d’autant plus remarquable que cette levée de fonds est la 3ème réalisée par Hemarina depuis 2009, dans un contexte économique particulièrement difficile, mais qui est un gage de reconnaissance et de confiance de ses partenaires financiers.

Basée à Morlaix (Finistère nord), et employant 30 personnes, Hemarina possède un portefeuille de 18 brevets internationaux et aura levé au total 15 M€ pour poursuivre ses travaux et mettre au point sa technologie. Après des essais concluants sur des animaux, Hemarina va réaliser les premiers tests sur l’homme au CHU de Brest fin 2014 et Il s’agira là d’une première mondiale.

Les chercheurs de cette filière biotechnologie maritime qui emploie un millier de personnes dans le département ont déposé plus de 150 brevets de niveau mondial durant la dernière décennie. La grande majorité des brevets déposés au XXIème siècle pourrait être d’origine marine. Car si les chercheurs ont déjà grandement exploré le milieu terrestre, les mers qui recouvrent les deux tiers de notre planète n’ont pour l’instant dévoilées à l’homme qu’1 à 2 % de leurs richesses. Et le Finistère, premier département maritime de France, avec son littoral de plus d’un millier de kms de côtes, est un formidable laboratoire d’innovations dans le domaine de la santé et de la recherche médicale.

Dans le prochain épisode de notre reportage nous irons au Technopole de Brest/Iroise voir deux starts-ups au fort potentiel, créées par de jeunes doctorants locaux, liées aux chirurgies assistées et aux nouvelles médico-technologies: Imascap pour les prothèses de l’épaule et Ostesys pour les opérations du genou.