Rebekka, diva d’hiver

une autoharpe, un mélodica, et Rebekka
une autoharpe, un mélodica, et Rebekka

Dans son cosy home-studio stockholmois perché sur Mariaberget, elle sautille en collants bleus de la harpe au piano, comme une gosse avec ses jouets. Elle, c’est Rebekka Karijord, norvégienne des Lofoten expatriée en Suède depuis une dizaine d’années, comme son éminente compatriote et complice Ane Brun. « Je partage ce studio d’enregistrement avec Ane depuis un an. Beaucoup d’artistes habitent ce quartier très ancien, l’un des plus charmants de la ville. »

Sur un petit guéridon de bois, entre kalimba et melodica, nous prenons un fika. « J’ai beaucoup d’instruments, que ce soit ici ou en Norvège. Ils me servent à produire les sons dont j’ai besoin pour composer des musiques de films ou de théâtre. » Metteuse en ondes sonores inspirée et fidèle pour Stockholms Stadsteatern ou Dramaten, elle fait aussi occasionnellement l’actrice, sur les planches ou devant la caméra (elle est apparue dans plusieurs long-métrages norvégiens : Izzat, Reprise, Torpedo, Varg Veum). Mais la musique reste le premier amour : violon à 6 ans, piano à 8, premières chansons à 10. « Les paroles étaient stupides : world, peace and love ». A peine adolescente, elle décroche un rôle de chanteuse/figurante à la télé norvégienne, arpente coulisses et régies et découvre le métier d’ingénieur du son. Elle fera ses premières armes techniques en sonorisant les groupes de rock de son village, qui en remerciement la laisseront enregistrer ses premières démos.

Elle collectionne alors les instruments insolites, comme cette kalimba fixée sur un petit tambour, qui fait « wah-wah' » quand on l’incline. Ou ce mélodica, sorte d’accordéon à bouche avec clavier de piano. Ou cette… comment déjà ? « auto-harpe » ? « C’est un instrument assez stupide, en fait : il y a plein de cordes, et des boutons qui permettent de faire des accords, tout simplement ! Je l’utilise un peu comme un substitut de guitare. »

« J’écris des chansons traditionnelles sans utiliser les instruments conventionnels. »

Car de guitare, elle ne joue point. « C’est sans doute à cause de mon père, qui était auteur-compositeur et jouait dans la rue. Je n’ai pas grandi avec lui alors c’est peut-être inconsciemment pour ça que je ne joue pas de guitare. Et puis, énormément de gens font des chansons guitare/voix, alors il faut vraiment le faire de manière très personnelle si on veut apporter sa pierre à l’édifice. En fait, j’ai toujours voulu écrire des chansons traditionnelles sans utiliser les instruments conventionnels. »

La chanson-titre de son troisième album The noble art of letting go constitue une fulgurante démonstration de ses qualités de chanteuse et de mélodiste : sa voix souple et virginale y épouse les cîmes d’un refrain vertigineux. Ailleurs, entre les arpèges volontairement simples émanant de cordes pincées, frappées ou caressées, se faufilent des mélodies sinusoïdales, espiègles comme des trolls. « Mes compositions sont inspirées de la musique traditionnelle scandinave, je crois. C’est une musique à la fois belle et mélancolique, sombre et obsédante. C’est bien sûr lié à la longueur des hivers, au manque de lumière, on hiberne, on se replie un peu sur soi. La musique folk suédoise est plutôt optimiste, avec des harmonies majeures, plus gaie, plus estivale que la musique norvégienne aux harmonies généralement mineures, plus sombres, mélancoliques. Mais je préfère ça en fait ! »

A la fois excitée et soulagée, Rebekka rayonne : elle vient d’expédier son dernier bébé au mixage, sur l’île de Gotland. Moins expérimental et plus ouvertement pop que ses deux prédécesseurs Neophyte (2003)  et Good or Goodbye (2005) – aux arrangements électro un peu lassants – parus sous le nom « Rebekka and the mysterybox », The noble art of letting go place assurément Rebekka Karijord sur la carte des auteurs-compositeurs-interprètes qui comptent.

entretien réalisé le 18 août 2009
texte et photos : Benoît Derrier

« The noble art of letting go » (Lill Facit Records), sortie le 26 octobre 2009

Le site officiel de Rebekka Karijord

Rebekka Karijord sur myspace

Rebekka Karijord sur Spotify

Rebekka accompagne actuellement Ane Brun dans sa tournée acoustique avec Jennie Abrahamson. Amateurs de grâce et de jolies voix, trois bonnes raisons de ne pas manquer ça !

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