Une étoile polaire chez le Roi soleil !

Cet été et ce, jusqu’au 30 octobre prochain, l’artiste islando-danois Olofur Eliasson est l’invité du Château de Versailles et expose quelques unes de ses oeuvres dans les Jardins du Roi soleil!! 

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Eliasson succède ainsi  à Anish Kapoor (2015), dont l’installation avait suscité, l’été dernier,  une vigoureuse polémique. Critiquée par des traditionalistes, l’une de ses sculptures monumentales, placée dans l’axe central et baptisée « Le vagin de la Reine », avait été endommagée par des graffitis, dont certains antisémites. Avant lui, Jeff Koons (2008), Takashi Murakami, Lee Ufan, entre autres, avaient été conviés à concevoir des oeuvres pour Versailles.

Olafur Eliasson avait déjà fait, en février 2015, l’ouverture de la nouvelle Fondation Louis Vuitton au Bois de Boulogne.

Olafur_Eliasson_VuittonLa Fondation Louis Vuitton avait accueilli pour sa première exposition une de ses oeuvres spectaculaires « Contact« , un parcours labyrinthique qui invitait le visiteur à se perdre et à jouer dans le bâtiment élaboré par l’architecte Frank Gehry. Plongée au coeur d’un trou noir profond, d’éblouissants néons et des jeux d’ombres captivants créaient des effets d’optiques géants avec miroirs pour un spectacle total.
« Au fond de notre oeil, l’image est inversée. C’est notre cerveau qui rétablit les choses. La gravité, la réalité, tout cela est relatif « , expliquait-t-il à l’époque.

Il est revenu à Paris à l’occasion de la COP21 en décembre dernier. Pendant que les discussions se poursuivaient au Bourget, à l’occasion de la Conférence sur la Climat, il fit partie de ces artistes invités qui se sont mobilises pour sensibiliser la population à la question du réchauffement climatique.

eliasson_COP21L’artiste de 48 ans installe sur la place du Panthéon sa nouvelle oeuvre « Ice Watch », réalisée en collaboration avec le géologue Minik Rosing. Composée de 12 blocs de glace de près de 100 tonnes au total, collectés lors de leur périple dans un fjord près de Nuuk, dans les eaux du Groenland. Le poids du bloc de glace n’était pas anodin: 100 tonnes c’est la quantité de glace qui fond chaque centième de seconde dans le monde. Et les blocs ont été disposés en cercle de manière à former le cadran d’une horloge. Et le réchauffement fit/défit son oeuvre…

En juin donc, Olafur Eliasson fut l’artiste invité par le Château de Versailles et expose jusqu’au 30 octobre, neuf de ses oeuvres dans le château et les jardins du Roi soleil. Une exposition où se mêlent miroirs et sculptures aquatiques, ce qui donne lieu à des jeux de reflets qui ne manquent pas de nous intriguer.

eliasson_Versailles_Waterfall « A Paris – De l’eau, des miroirs et ce « soleil » orangé sont devenus mon emblème » avec des oeuvres alternant le subtil et le spectaculaire, comme la cascade monumentale dressée dans le Grand Canal.

Eliasson refuse d’indiquer la hauteur de la grue d’où tombe la cascade dans le Grand Canal. « Sa hauteur est parfaite« , s’est-il contenté d’affirmer lors d’une conférence de presse, en révélant que l’oeuvre a été conçue pour être exactement dans l’axe du soleil couchant lors du soltice d’été. Selon lui, André Le Notre, le créateur du parc et des Jardins de Versailles, avait imaginé une fontaine monumentale, mais elle n’avait pu être réalisée.
« Je ne vais pas vous révéler la hauteur de la cascade parce qu’on doit laisser le public se faire sa propre idée », a-t-il assuré. Il veut « sortir d’un monde où tout se réduit aux statistiques » et « résister à l’idée selon laquelle nous devons toujours quantifier l’inquantifiable« .

olafur-eliasson-a-versailles-2_5611195Autre création de l’artiste danois, qui s’est beaucoup promené dans le parc de Versailles, y compris la nuit : un anneau de brume que les visiteurs doivent traverser pour pénétrer au coeur du bosquet de l’Etoile, un des plus grands du domaine. Le résultat n’est pas à la hauteur des espérances. Un cercle de métal crée bien le brouillard espéré, mais au moindre souffle d’air, le voile n’est plus qu’un rideau déchiré.

Troisième intervention outdoor, le sol du Bosquet de la Colonnade a été recouvert de résidus de moraines, des débris rocheux érodés et transportés par des glaciers du Groenland. Une manière de dénoncer le réchauffement climatique, un des thèmes majeurs de l’artiste. « Certains vont peut être voir ça comme de la boue sans intérêt, dit Eliasson, mais la fertilité de cette poussière est la base de la civilisation« .

Le miroir est un des outils favoris d’Eliasson pour troubler la perception du spectateur, et des miroirs, il n’en manque pas au Palais de Versailles. Dans le salon d’Hercule, il profite de la proximité entre deux bâtiments pour un jeu de reflets troublant, et tout en discrétion. Plus spectaculaire, à l’image du lieu, la Galerie des Glaces, une installation où des arcs de cercle lumineux se démultiplient dans des miroirs, vient clore la perspective de ce lieu magique.
Miroirs encore mais qui, cette fois-ci, se font face dans le salon de l’Oeil-de-Boeuf. Sur l’un d’eux le cercle lumineux façon soleil couchant qui traverse l’oeuvre du plasticien et que l’on retrouve quelques mètres plus loin, sous une forme plus poétique, dans l’austère Salle des Gardes du roi. Une source lumineuse orangée diffuse entre deux disques miroirs suspendus, qui se balancent lentement.
« Historiquement, la cour était à Versailles un lieu d’observation constante – de soi-même et des autres – les strictes normes sociales de l’époque étaient maintenues au moyen d’un réseau de regards. L’architecture baroque du Château servait à accroître la visibilité, devenant l’admirable instrument d’un pouvoir exercé exclusivement par le Roi. 

olafur-eliasson-artiste-invite-par-le-chateau-de-versailles-pour-l-ete-2016Aujourd’hui, nous portons sur Versailles un regard différent, et quand je le visite, je me demande comment vous, visiteur, voyez ce site emblématique. Quel effet provoque-t-il sur vous ? Sommes-nous tous devenus des rois ? Le Versailles dont j’ai rêvé est un lieu qui responsabilise chacun. Il invite les visiteurs à prendre le contrôle de leur expérience au lieu de simplement consommer et être éblouis par la grandeur. Il leur demande d’ouvrir leurs sens, de saisir l’inattendu, de flâner à travers les jardins, et de sentir le paysage prendre forme à travers leur mouvement.
Pour mon exposition cet été, je réalise dans le château une série de subtiles interventions spatiales en déployant des miroirs et des lumières ; dans le jardin, j’utilise le brouillard et l’eau pour amplifier le sentiment d’impermanence et de transformation. Les oeuvres diluent l’agencement formel des jardins tout en faisant revivre une idée originale, jamais réalisée, du paysagiste André Le Nôtre : l’installation d’une cascade dans l’axe du Grand Canal. Cette cascade qui ravive l’ingéniosité de l’ingénierie du passé est aussi construite que l’était la cour ; j’ai laissé ses éléments de construction à la vue de tous, apparemment étrangers ils étendent la portée de l’imagination humaine.» déclare Eliasson au site du Château de Versailles.

olafur_eliasson_VersaillesDe nationalité danoise, Olafur Eliasson est un créateur multimédia (photographie, sculpture, installation, architecture… et même recettes de cuisine). Il s’est fait connaître avec des réalisations impressionnantes comme le « Soleil couchant » de l’exposition « The weather project » (2003) à la Tate Modern à Londres ou une autre cascade, lumineuse, installée sous le pont de Brooklyn (2008). Né  en 1967 à Copenhague, il a grandi en Islande et au Danemark. Ses différents travaux qu’il s’agisse de sculpture, de peinture, de photographie, de cinéma ou d’installation ont été largement exposés à travers le monde. Sa pratique de l’art n’est pas limitée aux musées et aux galeries, elle touche une sphère beaucoup plus large à travers des projets architecturaux et des interventions dans l’espace public. Le Studio Olafur Eliasson, situé à Berlin, rassemble quelques 85 personnes, dont des artisans, des techniciens spécialisés, architectes, archivistes, administrateurs, historiens d’art, web designers, graphistes, réalisateurs et… des cuisiniers !!

Photos: Fondation Louis Vuitton, Château de Versailles et DR