A l’occasion de la 26e édition du Festival des Musiques sacrées du monde du 9 au 12 juin prochain, à Fès, nous vous proposons de vous rebalader dans la capitale spirituelle du Royaume du Maroc: la Fascinante Fès !
A quelques jours de l’ouverture de la fameuse conférence internationale sur le climat (COP22) à Marrakech (du 7 au 18 novembre), Francofil est allé prendre le pouls du royaume chérifien, dans trois de ses villes impériales Fès, Rabat et bien sûr Marrakech et de voir ainsi le Maroc sous ses multiples facettes.
“Pays stable dans une région qui connaît des troubles, le Maroc attire les étrangers depuis longtemps grâce à sa croissance et à son équilibre économique”, constate Kamilia Lahrichi dans le quotidien américain The Wall Street Journal.
Première étape: Fès, Maroc central, deuxième plus grande ville du royaume avec ses 1.100.000 habitants (après Casablanca et avant Rabat et Marrakech), ville millénaire et impériale :
« Nichée dans une cuvette entre les sommets couverts de cèdres du Moyen-Atlas et les oliveraies ensoleillées de la chaîne du Rif, Fès représente pour beaucoup le centre spirituel et culturel du Maroc« . C’est aussi l’une des villes médiévales les mieux préservées au monde – on s’y sent très loin de l’Europe et de ses métropoles. Fès s’étend sur trois secteurs : la ville ancienne (médina), classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’enceinte royale et les quartiers nouveaux, établis par les Français, et qui couvrent de nos jours la plaine environnante.

La médina de Fés
La médina de Fès: “la médina des médinas”, la plus ancienne, la plus grande, la plus belle des médina marocaines!
En la parcourant, on peut facilement se laisser emporter à travers son histoire, grâce à ses nombreuses mosquées, médersas (écoles coraniques), fondouks (caravansérails, sorte de relais de poste pour les commerçants sur leur route), fontaines et salles d’ablution, jardins historiques, murailles et remparts, portes fortifiées, mellah (quartier juif) et synagogues, manufactures, mausolées, palais et riads, places et souks …, ses 10 000 ruelles remplies d’innombrables échoppes, cafés et boutiques… Des Idrissides aux Alaouites, des Andalous aux Juifs, toutes les dynasties et tous les peuples ont laissé leur empreinte sur la ville. Elle a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, ce qui ne surprend pas : le tissu médiéval de la ville a survécu aux siècles.
Ces dernières années de nombreux monuments ont été restaurés, comme la médersa El-Attarîn, la médersa Bou-Inania (XIVe siècle), la Magana (une horloge hydraulique unique au monde) et la bibliothèque de la mosquée Quaraouiyine.. (Dans un prochain article sur lasuededurable.com , nous reviendrons plus en détail sur les projets pilotés par l’ ADER Fès (Agence pour le Développement et la Réhabilitation de la ville de Fès) avec son directeur M. Fouad Serrhini).
Aujourd’hui la médina est le principal pôle d’attraction. Elle abrite actuellement une population de 156 000 habitants. Nous y sommes entrés par la porte Bâb-Boujloud vers l’ouest, l’une des treize portes majestueuses qui ponctuent les grandes fortifications de grès. Chacune de ces portes a ses caractéristiques. Bâb-Boujloud est peut-être la plus touristique avec sa mosquée éponyme et les deux principales rues qu’elle dessert la Talâa Kbira et la Talâa Sghira, « la Grande et la Petite Pente »!.
Elles relient la porte à la place Nejjrarine au cœur de la médina. La première commence par les boucheries devant lesquelles s’agitent les nombreux chats errants de la ville close, se poursuit avec des boutiques d’alimentation, puis de nombreuses échoppes artisanales (vanniers, cordonniers, etc…
Sur Talâa Kbira, l’entrée de la medersa (école coranique) Bou-Inania, la plus grande et la plus belle medersa de la ville, la seule qui soit aussi une mosquée, d’où la présence d’un minaret. A la fois école et mosquée, c’est l’un des rares établissements religieux du Maroc à être accessible aux non-musulmans. Construite dans les années 1350, elle a été magnifiquement restaurée et ses panneaux de cèdre sculptés et ses sols carrelés aux motifs géométriques sont d’une grande beauté…
En face, ce sont les restes d’une horloge hydraulique unique au monde et datant du 14è siècle que l’on aperçoit. Sous les 12 fenêtres marquant les heures, 13 poutres de bois en porte-faux soutenaient 13 boules. Un mécanisme dans le bâtiment derrière, actionné par une circulation d’eau, permettait de savoir l’heure par l’ouverture successive des fenêtres. Selon la légende, une femme enceinte fut effrayée par le bruit du mécanisme et perdit son enfant… l’horloge s’arrêta immédiatement pour ne plus jamais fonctionner… Cela fait 5 siècles qu’elle n’a plus donné l’heure… !!
Sur Talâa Sghira, le palais Mnebhi, transformé en immense restaurant de luxe. On peut y servir 1000 personnes. Ce fut, en 1912, la résidence du maréchal Lyautey, premier résident général du protectorat français au Maroc. Banquettes, tapis, stucs et zelliges décorent un vaste patio. Au premier étage, depuis la terrasse s’ouvre une vue imprenable sur la médina.
Plus loin, la place Nejjarine qui abrite le Musée des Arts et des Métiers du Bois : un magnifique caravansérail du 18è , soutenu par des pilastres recouverts de stuc et de bois, et orné de deux galeries en bois magnifiquement restaurées. Les objets en bois, sont exposés sur trois niveaux, dans différentes salles thématiques.
Dans l’enchevêtrement des ruelles, le Mausolée de Moulay Idriss II, fils du fondateur et saint-patron de la ville. Pas moins de sept portes permettent d’y accéder, donnant très largement sur l’extérieur mais pas une seule n’est ouverte pour les non-musulmans ! Mieux vaut le voir en vue aérienne!!
Le souk El Henna, le souk du henné, l’un des plus vieux souks de la médina. On y vend non seulement des plantes servant à teindre les cheveux et les mains, mais aussi divers colorants naturels de maquillage, tels le khôl ou encore des plantes et des produits à usage pharmaceutique.
Plus loin dans le quartier de la Qaraouiyine, sa mosquée connue dans le monde entier, qui a abrité pendant longtemps la seule université de l’islam en Afrique du Nord avec Le Caire et Tunis et qui peut accueillir jusqu’à 20.000 fidèles…(elle est située au centre des souks de la médina et les treize portes d’entrée y mènent !) …
Fès était jadis l’un des grands centres d’études du monde arabe et était rempli de bibliothèques et d’écoles. L’université Al-Quaraouiyine est l’une des plus anciennes universités en activité dans le monde. Elle a été fondée plus de sept cents ans avant le Trinity College de Cambridge (Elle est encore classée 95e dans le classement régional 2016 des universités arabes/ U.S.News & World Report).
En contournant la mosquée, on arrive à l’un des fondouks les mieux conservés. A l’intérieur se trouve toujours une énorme balance pour peser les marchandises. Ces fondouks constituent avec les médersas, les mosquées, les hammams et les fontaines des lieux essentiels de chaque quartier. Les marchands abritaient les animaux dans la cour, autour de laquelle se trouvaient les boutiques. Les hommes dormaient à l’étage.
Sur la place Seffarine, la place des artisans qui façonnent à la main le bronze et le cuivre dans un incessant bruit de martèlement., la grande et prestigieuse Bibliothèque Qaraouiyine , édifiée par le sultan Mohammed V, la plus ancienne bibliothèque du monde, un joyau du patrimoine marocain reconnu par l’UNESCO, qui abrite plus de 30.000 ouvrages inédits dont certains très précieux comme les très rares manuscrits écrits par les philosophes musulmans et juifs Averroes et Maïmonide, a réouvert ses portes en juillet dernier, après trois ans d’importants travaux de restauration.
La médina est l’une des plus grandes zones urbaines sans voiture au monde. 270 000 personnes vivent coude à coude dans cet espace fermé. Les rues sont parfois tellement étroites qu’on doit se coller aux boutiques pour ne pas se faire écraser par des ânes (seul moyen de transport dans ces ruelles enchevêtrées et bondées) chargés de bois, de tapis, de peaux et d’épices. Les cafés et terrasses sont souvent communs et proposent toute une série de gourmandises bon marché mais délicieuses, qu’on déguste avec quelques gorgées de thé à la menthe ou de jus de grenade…
Actuellement de nombreuses maisons sont désertées par leurs propriétaires ou vendues et rachetées et habitées par plus d’une famille par maison. En effet, ces maisons traditionnelles, plusieurs fois centenaires pour certaines ne peuvent plus être entretenues et souvent restent en ruine. D’où la nécessité de sauvegarder ce patrimoine unique. Les rues sont étroites, les murs s’effondrent par endroit. Le visiteur est étonné de voir ces murs soutenus par de gros madriers dans les environs du quartier des mosquées Quaraouyine et Moulay Idriss…
« Fès, ville immobile et immortelle » comme a pu l’écrire Tahar Ben Jelloul, l’écrivain marocain francophone, le plus traduit dans le monde, né à Fès « la plus secrète des villes marocaines… ». Fondée en 789 et, comme toujours, ce sont les sources d’eau vitales à ses alentours, qui avant même sa fondation, étaient connues et chantées , ont été un critère important lors du choix de l’emplacement pour la future métropole.
Ville de commerce, important marché agricole, Fès a conservé une tradition artisanale que le tourisme ne peut que relancer : près de 30.000 familles vivent du travail du cuir, du tissage de de la soie,de la broderie ou de la céramique. De petites industries animent les faubourgs tandis que de grandes entreprises, textiles notamment, s’implantent sous l’égide d’industriels originaires de Fès, lesquels s’ils ont pu émigrer à Casablanca, éprouvent pour leur cité natale un attachement qui se traduit en investissements permettant à Fès de « tenir son rang »…
Enfin, Fès se trouve à un emplacement particulièrement avantageux, sur la route des caravanes allant de la Méditerranée à l’Afrique subsaharienne, au croisement de routes commerciales importantes, au cœur d’une région naturellement généreuse avec des matières premières précieuses pour l’artisanat (pierre, bois, argile). Ceci lui permet de développer une riche culture esthétique issue de la grande tradition de l’art arabo-andalou ce qui augmente également son attrait économique et de fonder de grands espoirs sur le tourisme. L’infrastructure hôtelière a connu ces dernières années une croissance rapide, ainsi que celle des maisons d’hôtes traditionnelles appelées « Riad » (avec jardin) et »Dar »(sans jardin). Ces dernières décennies, le tourisme n’a cessé de se développer (1 million de visiteurs par an) et est devenu un important facteur économique… et un heureux prétexte « pour sentir battre le cœur d’une ville millénaire où art, artisanat et spiritualité s’entremêlent et où partout le Beau abonde », comme a pu le noter le peintre français Eugène Delacroix pendant son séjour au Maroc en 1832 (Albums du Maroc).
Certains l’ont appelé « la Jérusalem de l’Occident » pour la diversité de ses communautés et de ses croyances, d’autres l’ont surnommé « l’Athènes des Africains » pour ses douze siècles d’histoire qui les contemplent, mais elle restera à tout jamais, Fès, la fascinante, l’une des plus belles villes cosmopolites de l’Islam.
2ème étape: Rabat, la capitale politique et administrative (prochain volet de notre reportage).
Crédits Photo: Office National du Tourisme Marocain
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