« Cela a pris 100 ans aux femmes d’Amérique et d’Europe (et d’Europe du Nord !) de pouvoir se présenter à une élection, et voir une femme chez nous au Parlement en si peu de temps (les Emirats fêtent leur 45ème anniversaire !) est une immense réussite ».
Elle a le regard vif et concerné, presque pénétrant, de ceux qui ne tiennent pas à ce qu’on doute de leur détermination. Un caractère que souligne encore le foulard dont elle ne se départit pas et qui lui dessine le contour du visage. Et ce volontarisme, s’exprime aussi dans son discours comme celui tenu, en tant que Présidente du Parlement (Conseil national fédéral) des EAU, lors des cérémonies d’ouverture et de clôture du Sommet mondial des Présidentes de parlement qui a réuni, à Abou Dhabi les 12 et 13 décembre dernier, 35 présidentes de Parlement et plus de 500 déléguées.
Cette autorité a propulsé, en moins de dix ans, Amal Abdullah Al Qubaisi qui vient de fêter ses 47 ans, aux premiers rôles des Emirats arabes unis.
Cette architecte diplômée à Londres est devenue en novembre 2015 la première femme à présider un parlement national dans le monde arabophone. Et peu importe si l’institution en question, le Conseil national fédéral des Emirats, n’est qu’à moitié élue, l’autre moitié étant nommée par le pouvoir royal de cette fédération de sept émirats, dont Dubaï et Abou Dhabi sont les plus connus. Elle a été élue par ses pairs et préside désormais cette assemblée qui commente les projets de lois. « Nous considérons les impacts sociaux, politiques, économiques ou culturels des futures lois et nous proposons des changements qui sont la plupart du temps intégrés au texte final« , explique-t-elle.
Amal Al Qubaisi, la seule à avoir obtenu un doctorat en conservation du patrimoine architectural émirati, s’est lancée en politique en 2006. Cette année-là, les Emirats organisent les premières élections du Conseil national fédéral, une assemblée composée de quarante membres. Une manière, dit-elle, de servir le peuple émirati. « En tant qu’architecte, j’ai pensé que j’avais un devoir de participer pour mon pays et j’ai été élue. Cela montre qu’il n’y a pas de barrière et que toutes les opportunités existent pour les femmes émiraties pour autant que nous soyons qualifiées et que nous travaillons dur.« : répond-elle à des confrères belges lors d’une de ses visites au Parlement européen de Bruxelles.
Elle y a notamment rencontré Michèle Alliot-Marie, alors Présidente pour la péninsule arabe, où elle a rappelé sa volonté de renforcer leurs liens. Lors de cette réunion, Amal al Qubaisi a présenté ses condoléances aux pays suite aux attentats de Paris et de Bruxelles, a affirmé que le terrorisme n’était en aucun cas toléré par l’islam et rappelé que les Emirats font partie de la Coalition Internationale pour lutter contre Daesh. Elle avait d’ailleurs invité Michèle Alliot-Marie à se rendre à Abu Dhabi pour participer au Sommet de ce mois de décembre.
Le 3 mai dernier, Dr Al Qubaisi a réitéré sa visite au parlement Européen afin de discuter à nouveau de la lutte contre le terrorisme et la promotion de la tolérance, la modération et la sécurité dans le monde, qui sont une priorité pour les Emirats, promouvant un renforcement de la coopération internationale. La question du droit des femmes – thématique tenant à coeur à la présidente – a été abordée, et elle a défendu le rôle prépondérant que jouent les Emirats dans ce domaine.
Première parlementaire en 2006, vice-présidente du Parlement en 2011, et présidente en 2015, Amal Al Qubaisi n’a pas traîné en chemin dans son ascension politique. Au-delà de son cas personnel, son parcours illustre la politique émiratie en matière d’implication des femmes, et des citoyens en général, dans la vie politique. Elle avait par exemple incité le gouvernement à donner aux employées d’état un plus grand congé maternité, et permettre aux femmes et à leurs enfants de voyager à l’étranger même sans l’autorisation de leur mari. Elle a été deux ans, directrice générale du Conseil de l’éducation d’Abu Dhabi. Un poste où elle a pu apporter sa contribution à une politique émiratie où l’éducation figure parmi les priorités nationales pour l’émancipation des citoyens.
Cette monarchie du Golfe fondée en 1971 s’ouvre peu à peu à l’idée d’une représentation démocratique. Elle se veut ouverte et fière de son identité. Depuis le remaniement ministériel de février dernier, huit femmes font partie du gouvernement, sous l’égide du Président des Emirats, Sheikh Khalifa bin Zayed. Le but est alors de féminiser le pouvoir, et accorder plus d’influence aux femmes du pays. (avec lepetitjournal.com et la librebelgique.be)
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Photos:DR, FNC, EAU, UIP