Beaubourg, plus que d’autres musées internationaux, a transcendé son rôle de simple organisateur d’expositions, devenant aussi un forum d’expression et de création. On a, pour la première fois, parlé de démocratisation de la culture. Peinture, sculpture, musique, danse, lectures, vidéo, performances… Multi-arts et multimedia se rencontrent et souvent se bousculent pour la plus grande surprise des quelque 3,3 millions de visiteurs annuels. Ils le doivent en partie à son premier directeur, le Suédois Pontus Hulten dont le plus grand souci était d’accueillir un très large public.
Avec ses 120.000 œuvres, le Centre Pompidou, inauguré le 31 janvier 1977, est le plus grand musée d’art moderne et contemporain d’Europe. Depuis 40 ans, les expositions temporaires ont suscité la curiosité, la passion… Cette architecture postindustrielle unique, de tubes et de couleurs, a fait l’objet de critiques. «Avoir voulu démolir l’image d’un bâtiment culturel qui fait peur. C’est le rêve d’un rapport extraordinairement libre entre l’art et les gens, où l’on respire la ville en même temps» disait à l’époque Renzo Piano son architecte.
« Nous sommes entrés dans le XXIe siècle avec une conscience aiguë de la fragilité de la terre, pas seulement écologique d’ailleurs. Les bâtiments que j’imagine en ce moment se veulent à l’unisson de cette fragilité. Ils doivent répondre à un impératif de légèreté, juste être dictés par la force de la nécessité « déclarait, lui, Pontus Hulten, le directeur du Moderna Museet de Stockholm, le premier directeur artistique du Centre Pompidou.
Ce Suédois élégant, à la forte personnalité qui pouvait s’exprimer par des colères homériques, a marqué Paris et l’institution naissante de son originalité de nordique. Le premier directeur artistique du Centre Pompidou, de 1973 à 1981, est un sacré personnage avec son sens de l’avant-garde en marche et son ouverture à l’international.
Pontus Hultén, est né en Suède en 1924. Après une thèse à Paris dans les années 1950 en histoire de l’art, sur Vermeer et Spinoza et une rencontre avec Marcel Duchamp, il fait ses gammes de commissaire d’exposition…, En 1959, Pontus Hultén retourne en Suède pour diriger le Moderna Museet, un nouveau musée totalement dédié vers les nouvelles créations. Il y fait connaître le pop art en Europe. En 1962, il présente Robert Rauschenberg et Jasper Johns, puis en 1964 Andy Warhol et Claes Oldenburg, etc. Le musée doit devenir pour lui un « espace vivant » ; ses expositions associent la danse, le théâtre, la sculpture, le film et la peinture.
Lors d’un voyage à Stockholm, Georges Pompidou –alors premier ministre et grand amoureux de l’art contemporain – et sa femme Claude visitent le musée et rencontrent son directeur. Ils l’apprécient aussitôt pour ses idées décalées en art. Et au début des années 1970, Pontus Hultén est appelé pour prendre la direction artistique du futur Centre Beaubourg – aujourd’hui le Centre Georges Pompidou-.
L’action de Pontus Hulten fut exemplaire. Ses idées fortes sur l’organisation du Musée -il eut l’idée d’ouvrir les portes jusqu’à 22 heures. L’idée, saugrenue à l’époque, bouleversa le rapport du public au musée- et l’enrichissement de ses collections, sa conception novatrice de grandes expositions auxquelles tous les départements du Centre furent associés, -ses grandes expositions pluridisciplinaires qui ont marqué au-delà de leur temps: Paris/New York, Paris/Berlin, Paris/Moscou ont fait du Centre Pompidou un lieu unique, rayonnant tant en France qu’à l’étranger.
Ses huit années au Musée sont considérées comme un âge d’or pour le Centre, servant de référence à tous ceux qui l’ont dirigé après lui. C’est aussi, grâce à ce succès, que Pontus Hulten fut partout consulté et appelé à diriger d’autres institutions : le Museum of Contemporary Art à Los Angeles (1981), le Palazzo Grassi à Venise (1985), la Kunst-und Ausstellungshalle der BDR à Bonn (1990), le Museum Jean Tinguely à Bâle (1994).
Tinguely justement, le Suédois rencontre le sculpteur suisse et sa compagne, Niki de Saint Phalle à Paris dans les années 1950. C’est lui qui batailla pour que fût installée leur fontaine en hommage à Stravinsky aux abords du Centre Pompidou.
Dès 1966, il avait permis l’installation à Stockholm, face au Moderna Museet, de Hon (« Elle »), une « Nana » géante de Saint Phalle, couchée sur le dos, jambes écartées, vagin en guise de porte par où le public était invité à pénétrer, pour découvrir des oeuvres de Tinguely, mais aussi un bar et une salle de projection permettant de voir le premier film de Greta Garbo.
A Stockholm, il initia le public suédois aux abstraits américains, au pop art ou à l’avant-garde russe, toute en imaginant des expositions où le public choisissait lui-même les oeuvres qu’il voulait voir (« Le musée de vos désirs« ) ou une autre, destinée aux aveugles, qui se visitait dans le noir et dont le catalogue était en braille.
Pontus Hulten est mort à Stockholm en 2006 à 82 ans. Le Musée national d’art moderne au Centre Georges Pompidou avait eu le temps de fêter son 80e anniversaire en 2004 par une grande exposition de ses Collections. Des collections qu’il offrira un an plus tard au Moderna Museet de Stockholm, sa première maison, là où tout avait commencé.
Crédits Photo: Centre Pompidou Paris et ModernaMuseet Stockholm