Gien, capitale des arts décoratifs ! (2/3)

Le rayonnement de Gien et de sa région ne tient pas seulement aux résidences royales et à la Vallée de la Loire. Les voies navigables, ainsi que l’eau, le bois et le sable en abondance ont favorisé l’implantation de manufactures qui ont fait la prospérité du Giennois.

Les célèbres faïences de Gien ainsi que les mosaïques et émaux de Briare ont acquis une notoriété internationale et s’exportent toujours aux quatre coins du monde. Deux musées, l’un à Gien, l’autre à Briare, à quelques kilomètres, retracent l’histoire captivante de ces arts décoratifs d’exception.

LA FAÏENCERIE DE GIEN DÉVOILE SES TRÉSORS AU MUSÉE
C’est sur les bords de la Loire que les fondateurs de la Faïencerie de Gien se sont installés, il y a presque deux siècles (en 1821) pour édifier une manufacture des arts de la table. Ville très bien située pour le commerce fluvial et les matières premières à proximité : le sable, l’eau de la Loire et le bois des forêts de Sologne. La manufacture a bâti sa renommée en créant des services de table, vaisselle, vases et autres plats de faïence, armoriés pour les grandes familles royales d’Europe. C’est elle aussi qui a fabriqué les fameuses faïences murales du métro de Paris, au début du XXe siècle.

Parmi les nombreuses faïenceries nées au XIXe siècle, la Faïencerie de Gien est l’une des plus renommées et la plus importante d’Europe.
La Manufacture a excellé dans l’art de l’imitation, et fabriqua des copies de pièces du passé à un prix accessible. Des pièces uniques furent également créées avec le concours d’artistes de talent qui les illustrèrent de nouveaux décors ou s’inspirèrent de ceux des siècles passés (XVIIe et XVIIIe siècles) ou de ceux d’autres faïenceries européennes et d’Extrême-Orient.

Malheureusement, au tournant des années 1970-80, comme bon nombre d’industries traditionnelles, l’entreprise est entrée dans une longue période de difficulté. En cause : le changement de goûts des consommateurs. Les assiettes murales et les vases classiques ne sont plus des éléments de décor. Les listes de mariage se sont raréfiées, Quant à la vaisselle du quotidien , elle a subi la marée de la concurrence massive des assiettes low-cost, fabriquées en Chine ou au Portugal. Une concurrence qui existe toujours. On trouve aujourd’hui dans la grande distribution des services de 18 pièces pour 26 euros, « alors qu’une assiette de Gien décorée à la main se vend une trentaine d’euros, et même plus de 100 euros pour la fameuse pivoine bleue, un motif historique » dit la responsable commerciale.
La manufacture de Gien est passée de main en main, en périclitant. À force de rétrécir, elle a été contrainte céder la moitié de son terrain à une grande surface… jusqu’en 2014, où elle a été reprise par deux spécialistes du redressement d’entreprises

Les deux repreneurs récupèrent alors ce savoir-faire précieux : 2.500 références, 200 ans de dessins et 150 salariés: «  Les uns pour surveiller le four où les pièces qui cuisent jusqu’à trente heure, à des températures qui atteignent 1.000 degrés; les autres avec leur pinceau pour dessiner a la main les liserés de couleur sur les faïences ». Entièrement produite en France, la faïencerie giennoise maîtrise encore aujourd’hui le processus de fabrication traditionnel, de la sélection des matériaux (sable, argile et kaolin) aux produits finis en passant par l’élaboration de la pâte. Les moules en plâtre et les émaux sont également conçus à Gien.

L’idée des nouveaux patrons, c’est de faire de la vaisselle de Gien un produit de luxe. Ils vendent aujourd’hui dans 45 pays (aux États-Unis, où les ventes ont progressé de 40%, mais également en Allemagne, Pays Bas et Europe du nord.), mais aussi et surtout aux touristes étrangers en France. Avec une idée géniale (!) : « fabriquer les assiettes souvenir qui sont vendues aux châteaux de Chambord, Versailles… Parce qu’il faut savoir , jusque là, la majorité des articles souvenir vendus à la Tour Eiffel, à Versailles, à Chambord étaient « made in China« . Les châteaux ont heureusement modifié leur politique d’achat, et Gien en est l’un des bénéficiaires. « Les touristes étrangers à Versailles, Chambord, Gien, La Bussière, Saint-Brisson repartent désormais avec du « made in France » dans leur valise » poursuit la responsable !

La manufacture est bien repartie. Sur des bases bien sûr beaucoup plus modestes que naguère, puisqu’elle fait un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros annuels, et qu’elle emploie presque dix fois moins de salariés que dans les années 60. Mais ce sont des bases solides et repositionnée sur le haut de gamme, pour résister à la concurrence étrangère et valoriser un savoir-faire deux fois séculaire.
Deux cents ans plus tard, fleuron des Arts décoratifs et reconnue dans le monde entier, la Faïencerie de Gien rassemble les plus grands noms du luxe et de l’art de vivre à la française. Son Musée fait ainsi découvrir ses remarquables collections, les savoir-faire de leurs créateurs et les évolutions de cet art toujours bien vivant.
Comme l’explique le directeur industriel, « la rénovation du musée est un formidable vecteur de la visibilité de notre savoir-faire. Nous sommes dans une philosophie de maintenir la manufacture. Le « Made in France », ou plutôt le « Made in Gien », est un challenge que nous devons relever. Notre credo est la pérennisation du site et des employés ! »

Cette promenade à travers les époques de l’art de la faïencerie giennoise permet aux visiteurs de découvrir des créations destinées aux différentes expositions universelles ainsi qu’une collection considérable de « barbotines ». Une cinquantaine de décors, sur plus de 3 000 références, de l’assiette à la pièce d’exception peinte à la main. Motifs et formes font tout autant partie des trésors issus des archives que des créations contemporaines d’artistes de renom.
Le Musée, composé de 3 salles, est le 12e équipement le plus visité du Loiret, avec près de 20.000 visiteurs à l’année.

Musée de la Faïencerie – 78, place de la Victoire – 45500 Gien http://www.gien.com/fr/

LES ÉMAUX ET LA MOSAÏQUE DE BRIARE: UN HÉRITAGE PÉRENNE

Les Émaux de Briare est une manufacture française de mosaïque basée à Briare à une quinzaine de kms de Gien en aval de la Loire. Elle est issue du rachat de la Faïencerie de Briare, créée en 1837, et d’une société spécialisée dans la fabrique de boutons de porcelaine fondée à Paris en 1845.
La société développe une stratégie internationale dès 1851 sur l’Europe puis ultérieurement, avec l’apparition des perles, en 1864 vers l’Afrique, l’Australie et les Amériques. Elle se spécialisera progressivement à partir du XXe siècle dans les mosaïques.
Sa situation géographique offre plusieurs avantages : leur importante superficie, leurs équipements modernes (fours à houille, pompe à eau…), leur situation géographique à seulement 150 km de Paris sur la route nationale 7 et à proximité du canal de Briare. Le débouché sur le canal et la Loire est idéale pour l’approvisionnement des matières premières nécessaires : terres du Limousin, houilles de Commentry ou feldspath de Norvège…

Les Émaux de Briare ont été utilisés dans l’architecture et la décoration de nombreuses réalisations en France comme à l’étranger.
Parmi celles-ci, on peut citer des édifices religieux comme :la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre (Paris), et celle de Notre-Dame-de-la-Garde de Marseille (Bouches-du-Rhône); des gares comme la Gare de Lyon à Paris (1898), la Gare Charles-de-Gaulle – Étoile (RER); des aéroports comme Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle à Roissy, Amsterdam-Schiphol ou bien encore Fornebu Oslo (Norvège); des hôtels et des centres commerciaux comme celui de Sollentuna au nord de Stockholm…
Ouvert depuis 1994, le Musée des Émaux et de la Mosaïque de Briare est situé sur le site de la manufacture. On peut y voir le développement spectaculaire de la production de perles, très prisées pour leur qualité partout dans le monde… et percevoir une conjoncture artistique favorable : l’Art nouveau, qui s’impose en architecture et en décoration, crée une demande croissante en émaux et en mosaïques.

La reconnaissance mondiale de la qualité et de la beauté des émaux et mosaïques de Briare vaudra à la société l’appellation de « Cité des Perles ». La manufacture conserve depuis 160 ans un style unique, qui a su évoluer avec le temps. Elle répond aux exigences esthétiques d’une clientèle en quête d’originalité en proposant un éventail de formes et une palette de coloris des plus variés.

L’entreprise a travaillé avec des artistes renommés, notamment ceux du mouvement d’art cinétique Op Art comme Victor Vasarely
Les créateurs sont toujours intéressés : nombre de mosaïques artistiques contemporaines sont réalisées en émaux de Briare. Les pièces exposées au musée permettent de se faire une idée de la diversité des formes et des teintes, tout en découvrant l’histoire du lieu et des techniques employées pour fabriquer ces collections.

Les Émaux de Briare ont reçu de nombreux prix en France comme à l’étranger comme celui de l’Institut Français d’esthétique industrielle ou bien de l’American Society of interior Designers (ASID) et l’Institute of Business Design (IBD) aux États-Unis ainsi qu’un Janus de l’industrie pour sa collection Marienbad en France.

Aujourd’hui l’alliance du « Street Art » et de la mosaïque pour la réalisation de fresques remet la Manufacture des Emaux de Briare dans les feux de l’actualité.
« C’est heureux, qu’en matière d’art, et encore davantage pour le Street Art, l’art, les émaux et la mosaïque sortent à l’extérieur de l’usine et s’installent dans la rue, sur les murs des villes… » s’exclame Patrick Threnli, directeur du site des Émaux de Briare au journal local La République du Centre.
Avec les émaux et les canaux, Briare pourrait désormais devenir célèbre pour ses fresques « d’Art Urbain » comme certaines grandes villes de par le monde.

Musée des Émaux et de la Mosaïque de Briare – 4, rue des Vergers – 45250 Briare http://www.emauxdebriare.com/museefr.php

Dans notre dernier volet en suivant les pistes cyclables de « La Loire à Vélo » nous irons donc à la découverte du Pont-Canal de Briare, site prestigieux du patrimoine fluvial français, de l’écluse de Mantelot, unique en France et nous vous donnerons quelques adresses des plus belles caves des Coteaux du Giennois.

Crédits Photo: DR, La République du Centre et Office du Tourisme de Gien