Jusqu’au 29 avril 2018, la demeure parisienne de Victor Hugo ouvre ses portes à la visite d’une revenante: Babette, l’exilée, revient à Paris. «Karen, Victor, Wilhelm et Babette », une exposition fruit de la collaboration entre Le Musée Karen Blixen au Danemark et La Maison de Victor Hugo à Paris.
La Babette de Karen Blixen était une Communarde! Le père de Karen Blixen, Wilhelm Dinesen, qui était à Paris en 1871 pendant la Commune, publia son témoignage dans son livre “Paris sous la Commune” (Editions Michel de Maule). Dans un style précis et sobre, il décrit ainsi la montée des Communards et le massacre qui en suivit. “Ils ont laissé les parisiens mourir de faim; ils ont oppressé et maltraité les pauvres. Heureusement, j’étais sur les barricades et j’ai pu charger mon fusil pour défendre le peuple!” (Karen Blixen, “Le Festin de Babette”).
“Babette est devenue une réfugiée de France, qui, grâce à ses talents de cuisinière, a pu s’intégrer à la petite communauté d’un village de l’extrême Nord. C’est comme si elle venait d’une autre planète, comme un oiseau étrange, un faucon pèlerin, qui s’installe et raconte une histoire. Le festin incarne Babette et Babette incarne l’art,” raconte la directrice du Musée Karen Blixen au Danemark, Catherine Lefebvre.
Pendant longtemps la directrice franco-danoise a voulu reconnecter les nombreux liens qui existent entre Karen Blixen, Victor Hugo, Wilhelm Dinesen et Babette. En effet Babette rentre pendant une courte période à Paris, qu’elle avait fui, chez celui qui lui avait offert asile et s’était battu pour son amnistie, Victor Hugo.
En avril 2018, le Paris de 1871 rendra visite à Rungstedlund, la ville natale de Karen Blixen et siège de la maison musée, et pour que l’histoire des communards, les horreurs dont Wilhelm Dinesen fut témoin et la poésie de Victor Hugo puissent résonner au cœur de l’histoire du “Festin de Babette”. Lire ici
Si Victor Hugo avait connu Babette — La Babette du Festin —, s’il avait dîné à sa table pendant le Siège de Paris, s’il avait su son destin alors que lui-même s’engageait dans le long combat pour l’amnistie des communards, de quel poème n’aurait-il pas enrichi son Année terrible , son recueil de poèmes publié en 1872 où Il retrace l’année 1871, durant laquelle la France souffre, parallèlement, d’une guerre contre la Prusse et d’une guerre civile à Paris.
En collaboration avec le Musée Karen Blixen, à Rungsted, la Maison de Victor Hugo rend hommage à la femme de lettres danoise autour de sa nouvelle Le Festin de Babette. Le destin de son héroïne, cuisinière, communarde, exilée dans un village de la mer du Nord, évoque en arrière-plan Wilhelm Dinesen, le propre père de Karen Blixen, combattant de la guerre franco-allemande de 1870 et témoin de la Commune de Paris… mais aussi le Victor Hugo de L’Année terrible.
Le petit accrochage exposé jusque la fin avril dans l’appartement de Victor Hugo est construit comme une partie de dominos où chaque thème en appelle un autre, et où s’entremêlent histoire, littérature et gastronomie, personnages réels et littéraires, lesquels évoquent tour à tour :
– La guerre des Duchés, en 1864, où a combattu Wilhelm Dinesen. Le père de Karen était à Paris lors de la Commune et il a croisé Victor Hugo. Les tragiques événements le marquèrent profondément et laissèrent aussi des traces dans l’œuvre de sa fille. « En son temps, Dinesen apparaissait comme un personnage aventureux et romantique, officier il a combattu dans plusieurs guerres.… Il était aussi par ailleurs un écrivain reconnu pour ses essais et ses lettres sur la chasse. Karen avait à peine 10 ans quand il mourut. Elle adorait son père et pensait qu’il était le seul de la famille qui la comprenait et la considérait comme ce qu’elle était vraiment. Elle a lu tous ses livres et les connaissait par cœur. Elle adopta conséquemment le mépris de son père envers la bourgeoisie et il n’est nullement fortuit que la Commune joue un grand rôle dans l’une de ses nouvelles les plus connues : Le Festin de Babette. Babette, servant chez deux vieilles filles dans une petite communauté puritaine en Norvège, s’était enfuie de Paris après les émeutes de La Commune… (Extrait du recueil paru pour l’occasion).
– La Commune de Paris, ses tragiques événements et ses destructions que Dinesen raconte dans son livre de souvenirs et que Victor Hugo évoque également dans L’Année terrible.
– Le célèbre film Le Festin de Babette (Babettes Gästebud), nouvelle de Karen Blixen (extraite du recueil Anecdotes du Destin/Skaebne Anekdoter) portée à l’écran en 1987 par Axel Gabriel avec Stephane Audran et Bodil Kjer. Le film a obtenu l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1988.
– Les banquets offerts à/par Victor Hugo et la salle à manger de Karen Blixen qui accueille encore aujourd’hui le dîner annuel de l’Académie danoise…
En avril prochain, c’est le musée Karen Blixen, à Rungsted, qui accueillera à son tour une exposition Victor Hugo / Karen Blixen.
Karen, Victor, Wilhelm et Babette
16 Janvier – 29 Avril 2018
Entrée gratuite
Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges
75004 Paris
Crédits Photos: DR, Musée Victor Hugo, Musée Karen Blixen