Tout au long de l’année, un peu partout dans le monde à New York, Londres, Rome ou Vienne, à Stockholm bien sûr des hommages ont été rendus à Ingmar Bergman. Rétrospectives, expositions, documentaires, spectacles et films-portraits accompagnent le centenaire du réalisateur suédois. A Paris, la Cinémathèque française lui a consacré une intégrale et vingt de ses films sont réédités en salle.
Début 2019, la Comédie Française lui rendra hommage avec une nouvelle mise en scène, adaptée de son chef d’œuvre Fanny et Alexandre, réalisé en 1982 ; le film, fresque monumentale de 5h12mn, que Bergman considérait comme le plus important de toute son œuvre. Ce fut d’ailleurs le dernier de ses films de cinéma.
La Fondation qui porte son nom, gère ses archives et les droits de ses œuvres espérait un joli effet centenaire. Il est énorme. « Bergman n’a jamais été aussi présent. Son art de filmer l’intime et sa lucidité acide sont pour la jeune génération de cinéastes une source d’inspiration inépuisable. C’est une renaissance ». Depuis les Etats-Unis, le Suédois Jan Holmberg, directeur de la Fondation Bergman laisse éclater sa joie : « l’intérêt qui s’exprime pour Bergman est extraordinaire. Ce n’est pas seulement la preuve de sa célébrité. Onze ans après sa mort, on sent une énergie nouvelle, on voit beaucoup de jeunes gens. C’est la plus belle célébration qu’on puisse imaginer ! »
Une renaissance ?
S’il existe une considérable littérature à propos de Bergman, à commencer par ses propres livres, dont sa vertigineuse autobiographie, Lanterna Magica, deux nouveaux films consacrés à l’auteur du Septième Sceau ont été présentés cet été au Festival de Cannes et de La Rochelle dans le cadre de cet hommage
L’un et l’autre s’ouvrent d’ailleurs par une évocation vibrante de ce même film, qui marqua en 1957 une étape décisive dans la reconnaissance internationale de l’auteur de cinéma le plus primé au monde. Lion d’or à Venise, Ours d’or à Berlin, 3 Oscars à Los Angeles… Et qui est le seul réalisateur au monde à avoir reçu, à Cannes, en 1997 la Palme des Palmes pour l’ensemble de son œuvre.
Les films sont tous deux réalisés par des femmes, mais de générations différentes. Le premier À la recherche d’Ingmar Bergman de l’Allemande Margarethe von Trotta développe un point de vue plus international, cherchant à rendre perceptible ce que Bergman a représenté pour les cinéastes, et ceux qui s’intéressent au cinéma, dans le monde entier. Le second Ingmar Bergman, Une année dans une vie de sa compatriote Jane Magnusson est plus axé sur ce que Bergman a représenté en Suède –pour ses concitoyens, en particulier pour ses collaborateurs, au cinéma et surtout au théâtre. Et il fait avec pertinence de 1957 l’année décisive du parcours de l’artiste, immense cinéaste mais aussi écrivain, dramaturge et metteur en scène de théâtre. Il a 39 ans et c’est son année la plus productive. Il réalise 2 films majeurs le Palmé Le Septième Sceau et l’Oscarisé Les Fraises sauvages, il met en scène 4 pièces de théâtre, il monte l’une des premières séries pour la télé suédoise. Dans le même temps, il a 6 enfants avec 3 femmes différentes et 4 relations extra-conjugales …. Et il aura encore beaucoup à donner ! Après les films de jeunesse comme Monika et La Nuit des Forains, les chefs d’œuvre de la maturité Persona, Le Silence, L’Heure du loup, Cris et chuchotements, Sonate d’automne, Scènes de la vie conjugale mais aussi les moins connus La Honte, Le Rite ou le sublime De la vie des marionnettes…. Une œuvre immense avec 45 films en 50 ans !
Que disent de nous les films de Bergman?
Le cinéaste français Olivier Assayas est l’un des meilleurs connaisseurs de l’œuvre du suédois. Il est notamment le co-auteur (avec le le critique Stig Björkman) d’un entretien mémorable avec le réalisateur suédois (Conversation avec Bergman, 1990, Ed.Cahiers du Cinéma).
Dans un texte publié par le catalogue du Festival de La Rochelle, Assayas posait la question essentielle concernant Bergman:: «On pourrait se demander ce que l’œuvre de Bergman a à nous dire aujourd’hui, mais on pourrait tout aussi bien inverser la question et interroger ce que notre rapport à son cinéma dit de nous.» Et de conclure que si la place de Bergman est établie sur les plus hautes marches du Panthéon cinéphile, ou même culturel en général, ce que son cinéma questionne « c’est ce qui est marginalisé, occulté, sans réponse dans la réflexion et la création actuelles ».
PS: Palme d’or au Festival de Cannes 2017: The Square du Suédois Ruben Östlund
Prix de la section Un certain regard à Cannes 2018: Border (Gräns) du Suédois Ali Abbasi
Crédits Photos: DR et Fondation Bergman, Institut suédois/Bengt Wenselius
Crédits Texte: Lumières Internationales Magazine