À l’occasion de son 100e anniversaire, le Musée du Louvre présente du 11 décembre 2019 au 9 mars 2020 une rétrospective Pierre Soulages avec des toiles empruntées notamment au MoMA de New York, à la Tate Modern de Londres et à la National Gallery of Art de Washington ainsi que des œuvres récentes de l’artiste. Seuls Chagall et Picasso avant lui ont eu droit à cet honneur.
Pierre Soulages né à Rodez (Aveyron, centre de la France) installé à Sète (Hérault, sud de la France) devrait être le peintre emblématique des pays de l’Europe du Nord. Surtout en cette période sombre et obscure de l’année, sevrée de lumière du jour, et ses tableaux devraient être donnés à voir dans des cures de luminothérapie dont on a tant besoin pendant 4 mois dans le Septentrion. Pierre Soulages peint le noir pour retrouver la lumière.
« C’est quand le noir envahit tout qu’il n’existe plus! C’est la réflexion de la lumière sur cette matière noire qui m’intéresse et qui rend les couleurs plus naturelles, plus lumineuses et même le blanc est plus blanc que blanc ! Les clairs-obscurs sont perceptibles, la transparence est visible… mes tableaux qui représentent beaucoup les reliefs, les entailles, les sillons dans la matière noire créent à la fois des jeu de lumières et de couleurs… Ce n’est pas la valeur noire elle-même qui est le sujet de mon travail mais bien la lumière qu’elle révèle et organise.. ».
il s’agit donc d’atteindre un au-delà du noir, d’où le terme d’outre-noir utilisé pour qualifier ses tableaux depuis la fin des années 1970 ; fondées sur la réflexion de la lumière sur les états de surface du noir, appelé plus tard « outre-noir ». .
Pierre Soulages a commencé à exposer ses peintures abstraites à Paris à partir de 1947. Mais c’est en 1979 qu’il entame son travail sur le noir animé par la lumière. Ses œuvres sont présentes dans les collections des musées d’art moderne d’Europe, des Etats-Unis et d’Asie. Et un musée à son nom a ouvert à Rodez en 2014. Il a réalisé plus de 1 700 toiles. Il est l’un des principaux représentants de la peinture informelle.
Dès son plus jeune âge, dans son Aveyron natal, il est fasciné par les vieilles pierres, les matériaux patinés et érodés par le temps, l’artisanat de son pays du Rouergue et ses âpres paysages, particulièrement les Causses. Il a tout juste huit ans lorsqu’il répond à une amie de sa sœur aînée qui lui demande ce qu’il est en train de dessiner à l’encre sur une feuille blanche : « un paysage de neige répond-il. Ce que je voulais faire avec mon encre, dit-il, c’était rendre le blanc du papier encore plus blanc, plus lumineux, comme la neige. C’est du moins l’explication que j’en donne maintenant. »
À douze ans, son professeur l’emmène, avec sa classe, visiter l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, toute proche, où se révèlent sa passion de l’art roman et le désir confus de devenir un artiste, avoue-t-il. Il commence à peindre dans l’Aveyron, avant de « monter à Paris » à 18 ans pour préparer le professorat de dessin et le concours d’entrée à l’école des Beaux-arts. Il y est admis en 1938 Pendant ce séjour à Paris, il fréquente le musée du Louvre et voit des expositions de Cézanne et Picasso qui sont pour lui des révélations, En 1946, Pierre Soulages s’installe dans la banlieue parisienne et se consacre désormais entièrement à la peinture. Il commence à peindre des toiles abstraites où, utilisant le brou de noix, le noir domine,
Dès le début des années 1950, ses toiles commencent à entrer dans les plus grands musées du monde comme la Phillips Memorial Gallery à Washington, le Musée Guggenheim et le Museum of Modern Art de New York, la Tate Gallery de Londres, le Musée national d’Art moderne de Paris, le Musée d’Art moderne de Rio de Janeiro, etc.
«L’outre-noir présente une variété d’effets : utilisation de couleurs comme le brun ou le bleu, mêlées au noir ; utilisation du blanc en contraste violent avec le noir et du blanc sur l’entière surface de la toile ; utilisation, après 2004, de l’acrylique, qui permet des effets de matière beaucoup plus importants et donne la possibilité de contrastes mat/brillant… »
Entre 1987 et 1994, il réalise 104 vitraux pour l’église abbatiale Sainte-Foy de Conques. « J’ai accepté, car ce projet est lié à l’abbatiale de Conques, un lieu proche de Rodez, auquel je suis très attaché. Adolescent, j’ai tellement été bouleversé par la beauté de l’architecture de cette église que j’ai décidé de me consacrer à l’art. Lorsqu’on m’a demandé de réaliser ses vitraux, je n’ai pas hésité. Ce travail a occupé sept années de ma vie…»
Il est le premier artiste vivant invité à exposer au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, puis à la galerie Tretiakov de Moscou (2001). Aujourd’hui, plus de 230 de ses œuvres se trouvent dans 110 musées de par le monde. Il a reçu, en octobre dernier le Grand prix du rayonnement français 2019.
Peintre français vivant le plus cher !
Et une nouvelle fois fin novembre une vente exceptionnelle chez Tajan, maison de ventes, à Paris, une oeuvre de Pierre Soulages, réalisée en 1960 a été adjugée au prix de 9,6 millions d’euros. Un tarif très largement supérieur à l’estimation initiale, entre 4 et 6 millions d’euros. Nouveau record mondial aux enchères pour une toile de l’artiste. Le précédent record était de 9,2 millions pour une toile de 1959, vendue voici tout juste un an à New York. En 2013, après que sa toile, Peinture, 21 novembre 1959, s’est vendue à 4,3 millions de livres (5,1 millions d’euros) à Londres, il devient l’artiste français vivant le plus cher aux enchères. Le premier artiste français vivant à dépasser la barre symbolique des dix millions de dollars, intégrant ainsi un club très fermé. Encore en octobre dernier, 2 « Soulages » avaient été adjugés à plus d’un million d’euros chacun lors d’une vente chez Christie’s…
Musée Soulages
C’est au cœur de l’Aveyron, à Rodez sa ville natale qu’a ouvert en 2014 le musée Soulages,
un espace au design contemporain présentant l’œuvre de l’artiste. Ce musée abrite la plus grande collection au monde de l’artiste. Pierre Soulages accepte en 2005 de léguer plus de 500 œuvres regroupant toutes les techniques employées au cours de sa carrière : peintures, eaux-fortes, sérigraphies, lithographies ainsi que les ébauches des travaux des vitraux de l’abbaye de Conques. Cette donation est complétée par la cession en 2012. Le musée consacre 500 m2 de son espace d’expositions temporaires à d’autres artistes. L’artiste dépose lui-même la première pierre de ce musée le 20 octobre 2010. Son inauguration a lieu le 30 mai 2014. Harmonie et plénitude sont les mots qui viennent à l’esprit en arrivant devant le musée. L’acier sombre du Corten (qui a l’aspect d’un acier rouillé) répond au vert du jardin écrin. La déclinaison des parallélépipèdes épurés qui alternent ombre et lumière ouvre la vue vers l’Aubrac. Le musée Soulages est aujourd’hui l’un des joyaux de Rodez et il dépassera le million de visiteurs le jour du centenaire de l’artiste le 24 décembre prochain..
Crédits Photo: DR, Musée Soulages, Louvre Soulages, Tajan