Alors que la planète entière vit une crise sanitaire sans précédent, les fascistes de la santé prennent le pouvoir en Suède. C’est ce qu’a imaginé la suédoise Åsa Ericsdotter dans son nouveau roman de politique fiction, L’épidémie (Epidemin, Bonniers Forlag, 2016) paru en français (traduction Marianne Ségol-Samoy), ce début de mois, chez Actes Sud/Actes Noir.
La nouvelle star de la politique, leader du parti de la Santé, Johan Svärd a pris le pouvoir après une victoire électorale historique. La promesse électorale du parti de la santé: Tous les Suédois devront à nouveau être minces !
Le charismatique Premier ministre Johan Svärd n’a qu’un seul objectif en tête : « faire de la Suède le pays le plus mince d’Europe ». Sa promesse de campagne repose sur une idée précise. Il veut éradiquer l’obésité, considérée comme une maladie et une menace pour l’économie.
Les églises se transforment peu à peu en centres de sport, les régimes « fitness » et les opérations chirurgicales se multiplient, et tous ceux dont l’indice de masse corporelle dépasse un certain seuil sont licenciés et expulsés de leur logement. Mais, à l’approche des nouvelles élections, le chef du gouvernement perd patience. Les “porcs”, comme il les surnomme, restent encore trop nombreux et continuent de mettre en péril l’avenir de la nation. S’inspirant des pages les plus sombres de l’histoire de la Suède, il décide alors de passer à la vitesse supérieure et de mettre son plan à exécution…
Landon Thomson-Jaeger, un jeune chercheur à Uppsala, comprend très vite le danger qui menace la population, sa petite amie est victime d’anorexie mais lorsque sa voisine, Helena,qui a perdu son job d’infirmière: trop grosse, virée car elle a une mauvaise influence sur les patients, disparaît subitement, il découvre que la situation est bien pire que ce qu’il pouvait imaginer….Où va toute la population en surpoids ? Landon part sur les routes du nord-ouest de Stockholm à sa recherche. Ce sera un voyage terrifiant dans un climat social et sanitaire de plus en plus stigmatisant, où tout, de la masse grasse à l’apport en glucides, est strictement contrôlé.
Le roman de la grossophobie !
L’obésité est considérée comme une maladie, une menace à tous les niveaux, selon Svärd: «Nous ne pouvons pas maintenir la production, l’argent des impôts va directement dans la poche des malades et les rares en bonne santé n’ont plus de société sur laquelle s’appuyer. Nous perdons nos capacités de travail. Nous perdons notre pouvoir d’achat ».
Seuls la nutrition et le sport figurent aux programmes scolaires. La chirurgie gastrique, même pour les enfants, est subventionnée par l’État et les avortements sont prescrits pour les fœtus avec les gènes adipeux. De plus en plus d’églises vides se transforment en gymnases gratuits et salles de fitness, où les prêtres ont été remplacés par des «coaches». Le monde entier admire ce peuple suédois mince et en bonne santé et son jeune leader « sexy » !
Mais Svärd n’est pas content. Selon les statistiques nationales, les kilogrammes du pays ne chutent pas au rythme qu’il a promis. Des milliers de kilos de graisse doivent être encore perdus avant les élections d’automne et un groupe de frondeurs, d’irréductibles ne veut toujours pas écouter les directives officielles. « Ils sont avachis là dans leurs sofas de bobo en lambeaux avec des énormes paquets de bonbons et des double litres de soda et se foutent de moi » » Il prend une décision radicale.
L’Épidémie est le roman glaçant du basculement vers le totalitarisme, annoncé par le populisme ambiant et la montée des extrêmes droites qui sévit dans bien des pays, aux 4 coins du monde ! le Fascisme du fitness est un vrai concept, une pensée idéologique, un programme politique. « Une femme qui ne perd pas de poids est une dissidente ». C’est sa colère contre le règne de l’apparence et toutes les attitudes discriminatoires et des comportements hostiles qui stigmatisent les personnes grosses, en surpoids ou obèses. qui a amené la poète Åsa Ericsdotter à changer de genre et à écrire un plaidoyer politique contre la grossophobie.
Åsa Ericsdotter a fait ses débuts d’auteure à 17 ans avec le roman d’amour Oskyld (L’innocence, 1999). Après quatre romans lyriques et deux recueils de poèmes, elle change désormais de genre et de style et écrit une satire sociale qui colle à l’air du temps.. « Sept livres qui tentent d’exprimer chacun un certain sentiment. Complexes et lyriques dans la forme avec une noirceur et un cynisme dans le ton , et des thèmes tels que la fragilité et le manque d’amour entre les gens d’en haut et ceux du bas… »: c‘est ainsi qu’Åsa Ericsdotter décrit sa bibliographie.
« L’Epidémie» est un thriller politique. C’est son premier roman à paraître en France Actes Sud, Actes Noirs, 2020). Åsa Ericsdotter, née en 1981 à Uppsala, vit aujour’hui sur une île dans l’Océan Atlantique dans le Maine, aux États-Unis,
Crédits Photo: Actes Sud, DR