Circulent bon nombre d’infos fantaisistes sur la situation en Suède et sur ce petit royaume confiné tout en haut de l’Europe qui « prendrait de haut » une situation sanitaire sans fond !
Il resterait à ne rien faire et à penser qu’il pourrait échapper à cette pandémie du 21ème siècle comme il a pu échapper à bon nombre d’événements tragiques au 20ème !! On dit que la Suède ne prend au sérieux cette crise ! Elle n’a pas fermé ses frontières comme ses voisins (Norvège, Danemark qui, depuis, les ont ré-ouvertes), pas décrété de confinement, laissé ouvert les crèches et les écoles, les bars et restaurants…
Oui les Suédois ne vivent pas en confinement strict et privilégient une immunité progressive de la population contre le coronavirus. Seuls les rassemblements de plus de 50 personnes ont été interdits!
La Suède, pays scandinave d’un peu plus de 10 millions d’habitants, n’a toujours pas procédé à un confinement de sa population pour limiter la propagation du coronavirus. Il est seulement conseillé à la population d’éviter les voyages et les déplacements non nécessaires, et de télétravailler. Les cours se donnent à distance dans les écoles et universités. Seuls les rassemblements de plus de 50 personnes ont été interdits depuis vendredi dernier et dans les bars le service se fait seulement à table. La majorité des cas confirmés est enregistrée dans la capitale Stockholm. Jusqu’à présent, le pays comptabilise environ 12.500 cas confirmés et 1333 (2020/03/17) décès qui concernent essentiellement des personnes âgées ou/et atteintes d’un autre problème de santé.
Le Docteur Anders Tegnell, épidémiologiste et directeur de l’institut suédois de la santé publique répète régulièrement les raisons pour lesquelles il n’y a aucun confinement jusqu’à présent :
« Vous, un peu partout en Europe, vous faites comme si l’épidémie pouvait disparaître en quelques semaines ou en un mois tout au plus. Nous cherchons par contre seulement à la ralentir parce que nous croyons que cette maladie ne s’en ira pas si vite et nous devrons coexister longtemps avec elle. Au moins jusqu’à l’arrivée d’un vaccin et cela réclamera des années. Même la Corée du Sud qui est parvenue à contenir l’épidémie, se prépare déjà à son retour… La vérité est que nous savons encore peu de choses sur Covid-19 et chaque pays expérimente des solutions variées qu’il adapte à sa situation », poursuit le docteur qui estime que le confinement strict ne peut pas être prolongé indéfiniment. « On ne peut arrêter l’économie de manière illimitée. Un jour ou l’autre nous serons obligés de tout rouvrir et nous pourrions nous retrouver face à une situation pire », estime-t-il. « Le pays table donc (pour le moment) sur une immunité de groupe et nous testerons un groupe témoin (6-700 personnes) pour chercher à savoir quel est le degré d’immunité qui a été atteint dans la population », annonçait-il il y a peu !
A ce stade nous voudrions juste mettre en accès libre cet entretien de Anne-Françoise Hivert, correspondante du Monde avec l’historien suédois Lars Tragardh: « La Suède lutte contre la pandémie due au coronavirus à travers la « liberté sous responsabilité » »
Selon l’historien suédois Lars Tragardh, dans les pays nordiques, où la confiance entre les citoyens et l’Etat est forte, les autorités peuvent faire appel à la responsabilité individuelle plutôt qu’à la contrainte.
L’historien suédois Lars Tragardh a vécu une quarantaine d’années aux Etats-Unis, où il a enseigné à l’université Columbia, avant de revenir dans son pays en 2010. Spécialiste des relations entre l’Etat et la société civile, il s’intéresse à la notion de confiance. En 2006, il a publié, avec l’historien Henrik Berggren, un ouvrage très remarqué, « Le Suédois est-il humain ? Communauté et indépendance dans la Suède moderne » (Norstedts, non traduit en français), où les auteurs présentaient les spécificités du contrat social suédois, basé sur l’individualisme et la relation forte à l’Etat. Un modèle que M. Tragardh utilise aujourd’hui pour expliquer pourquoi la Suède limite les mesures obligatoires face au coronavirus, quand d’autres pays les généralisent.
Que révèle la crise due au Covid-19 au sujet de nos sociétés ?
Cette crise fonctionne à la manière d’un test de résistance ; nos sociétés sont mises sous tension. Ce qui est frappant, c’est que les Français réagissent comme des Français, et les Suédois comme des Suédois… En temps normal, quand tout va bien, nous sommes tous beaucoup plus européens : nous voyageons, regardons les mêmes films et écoutons les mêmes chansons. Nous avons le sentiment d’être des citoyens du monde. Et puis se produit une crise de cette ampleur, et nos spécificités nationales apparaissent au grand jour et influencent nos décisions. Nous réagissons alors en fonction de ce qui nous semble « naturel ».
La Suède s’est singularisée en refusant le confinement. Comment expliquer ce choix ?
Il faut d’abord préciser une chose : vue de l’étranger, la Suède donne l’impression de ne rien faire et de réagir avec désinvolture, voire avec frivolité face à la pandémie. Or ce n’est pas le cas. Il y a un sentiment de gravité, et les Suédois ont reçu les mêmes recommandations qu’ailleurs : rester à la maison au moindre symptôme, éviter les interactions sociales, protéger les personnes à risque… La différence se situe dans la méthode appliquée : au lieu d’avoir recours à la contrainte, les autorités font appel à la responsabilité individuelle et au civisme.
En Suède, comme dans les pays nordiques et aux Pays-Bas, il y a un degré de confiance très élevé, que nous, chercheurs, n’avons remarqué nulle part ailleurs dans les enquêtes menées sur le rapport entre les populations et leurs institutions. Cette confiance est tridimensionnelle : au niveau des citoyens à l’égard de l’Etat, de l’Etat vis-à-vis des citoyens et des gens entre eux. Dans le contexte de la pandémie, lorsque les autorités émettent des recommandations, elles partent du principe que celles-ci seront suivies. Dans les pays nordiques, c’est ce que nous appelons la « liberté sous responsabilité ». Il y a une réciprocité : les citoyens ont confiance dans les recommandations qui leur sont données ; il n’est donc pas nécessaire de mettre en place un système de contrôle. D’autant qu’il est communément admis en Suède que, sur le long terme, l’adhésion de la population aux directives est indispensable pour qu’elles soient respectées.
Quel rôle joue le contrôle social sur les comportements dans une période de crise ?
Quand on interroge les Suédois sur le critère le plus important pour accorder leur confiance à une autre personne, c’est le mot skötsamhet qui arrive largement en tête. Difficilement traduisible, ce qualificatif désigne une personne ordonnée, qui respecte les règles et fait ce que l’on attend d’elle. Cela a un côté très rébarbatif, pourtant beaucoup de Suédois y voient un idéal et l’image qu’ils tiennent à renvoyer d’eux-mêmes. Le contrôle n’est pas uniquement social, il est aussi intériorisé. Par exemple, aujourd’hui, si je déjeune avec un ami ou un collègue, je pars du principe qu’il est en bonne santé – même s’il est peut-être asymptomatique. Car, s’il en était autrement, cet ami aurait forcément annulé notre rendez-vous, comme je l’aurais fait moi-même, puisqu’il nous a été demandé de rester isolés au moindre symptôme grippal.
Le Danemark, la Norvège et la Finlande sont allés plus loin que la Suède, en imposant des mesures de semi-confinement. A quoi tient cette différence ?
Elle s’explique en partie par le modèle de gouvernance suédois, tel qu’il est inscrit dans la Constitution. Un ministre ne dirige pas dans le détail. Il délègue aux administrations, ce qui signifie que les politiques suivent les recommandations des experts. Cette tradition date du XVIIe siècle. Sans remonter aussi loin, les différences dans la gestion de l’épidémie sont aussi le reflet d’un contexte politique. En Norvège et au Danemark, le populisme a gagné du terrain depuis le début des années 2000, en raison de l’influence croissante des partis nationalistes sur la scène politique. Dans le débat sur l’immigration et l’intégration, les politiques norvégiens et danois ont pris l’habitude d’ignorer les recommandations des experts, notamment sur les questions concernant des droits humains. Dans ces deux pays, les dirigeants veulent désormais montrer que ce sont eux qui décident.
D’autres pays en Europe ont opté pour la méthode forte, avec un confinement très contrôlé. Comment expliquer ce décalage ?
Dans les pays du nord de l’Europe, les valeurs laïques et l’idée de l’accomplissement personnel sont très fortes. Ce sont des sociétés où l’individu est au centre. Il est l’unité de base du contrat social. Cela revêt aussi une dimension historique : la Scandinavie n’a jamais vraiment connu de servage. Sur ces terres protestantes, la Réforme a introduit l’individualisme religieux : la foi s’exprime dans la relation directe à Dieu, sans intermédiaire.
Dans sa version laïque, l’individu a une relation directe à l’Etat-providence, qui garantit la liberté de chaque individu en l’affranchissant de toute dépendance. En Suède, par exemple, l’imposition est individualisée, la notion de foyer fiscal n’existe pas. La politique familiale vise à l’émancipation de la femme. Les droits des enfants sont mis en avant, y compris celui d’aller à l’école pendant une pandémie. Les personnes âgées, qui vivent seules grâce à l’aide de l’Etat jusqu’à ce que ce ne soit plus médicalement possible, ne sont pas dépendantes de leur famille. De ce point de vue, l’individualisme à la suédoise présente un avantage face à l’épidémie.
A l’opposé, le sud de l’Europe est catholique, avec des sociétés plus imprégnées par les valeurs traditionnelles et où le rôle des communautés demeure important. La famille y constitue le socle du contrat social. En général, c’est au sein de ce groupe et de la communauté que la confiance s’exerce… Plutôt qu’à l’égard de l’administration, de l’Etat ou de ses représentants, qui tendent, selon mes enquêtes, à susciter un sentiment de défiance. Les autorités et les hiérarchies y sont beaucoup plus visibles qu’au nord de l’Europe où les sociétés sont plus égalitaires.
En quoi ces modèles peuvent-ils expliquer les différentes approches de la crise ?
Sans exagérer les différences, les pays européens où les valeurs traditionnelles sont plus fortes ont tendance à choisir une gestion plus autoritaire, qui inclut un contrôle de la population, avec un confinement contrôlé. Les autorités n’accordent pas leur confiance aux citoyens de la même façon que dans le nord de l’Europe.
En Suède, mais aussi aux Pays-Bas, et dans une moindre mesure dans les pays nordiques où l’accent est mis sur l’autonomie et l’indépendance de l’individu, on a eu tendance à recourir à des mesures volontaires, basées sur la confiance, où chacun s’autorégule. Les individus sont responsables de leurs décisions. Comme partout ailleurs, cela ne signifie pas pour autant que tous suivent les recommandations. Les autorités ont d’ailleurs indiqué qu’elles pourraient durcir les mesures à l’avenir.
Le gouvernement a en fait agi instinctivement, en partant du principe que l’ensemble des Suédois comprenait ses directives. Or, c’est une erreur. Loin de la société homogène des années 1960, notre pays est devenu multiculturel. Des personnes ont développé des modes de vie différents avec d’autres structures familiales, et n’ont pas cette tendance naturelle à la distanciation sociale, ni la même confiance vis-à-vis des institutions. Parmi les immigrés de toute origine (un Suédois sur cinq est né à l’étranger), on constate que l’approche du gouvernement suscite de l’incompréhension, ce qui n’était pas forcément visible avant la crise du Covid-19. Dans le contexte de l’épidémie, c’est très dangereux.
La confiance vis-à-vis des autorités confère-elle un avantage dans une crise de cette ampleur ?
La question est empirique ; je ne peux y répondre pour le moment. Il va falloir attendre que la deuxième vague épidémique, voire la troisième, soit passée pour juger quelle approche aura le mieux fonctionné. Peut-être allons-nous constater que les pays qui auront le mieux résister sont des dictatures, telle la Chine, ou bien une démocratie confucéenne, comme la Corée du Sud. Peut-être que ce sera la France, ou plutôt la Suède. Il est possible que ce virus exige un contrôle policier ou, au contraire, une approche davantage basée sur l’autorégulation et le civisme. Il est trop tôt pour le dire. D’autres facteurs, comme la démographie, les structures familiales, les systèmes de santé, vont également avoir une influence importante.
Et en attendant, les Francais réagissent comme des Francais, tandis que les Suédois régissent comme des Suédois…
Tout à fait. Attention, je ne plaide pas en faveur de l’exportation du modèle suédois à l’étranger, pas plus que je ne suis favorable à l’importation d’un autre modèle en Suède. J’essaie juste de comprendre pourquoi les gouvernements réagissent différemment. Il est important de prendre en compte le contexte national, les structures institutionnelles et sociales, et la diversité des cultures politiques. Ce sont ces données qui, en temps de crise, définissent les marges de manœuvre dont disposent les autorités dans chaque pays. Et c’est ce qui explique qu’elles n’appliquent pas les même politiques./Anne-Françoise Hivert pour Le Monde
Et pour compléter ce tableau à l’heure actuelle, sachant que cette pandémie sans précédent évolue de jour en jour, il faut juste savoir qu’on évoque souvent les fameux centres de contrôle et de prévention des maladies américains, en pointe dans l’étude des épidémies, mais que l’Europe aussi a le sien, l’ECDC, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, établi en Suède à Stockholm !
Lire ici l’article de Frédéric Faux pour le journal suisse Le Temps
Enfin pour faire le point au jour le jour de la situation suédoise c’est ici sur lasuedeenkit.se