Un drakkar va être construit à Rouen, pour redonner vie à la culture viking en Normandie
Une association de Rouen (Seine-Maritime) a lancé un projet de construction d’un drakkar, qui naviguera sur la Seine, et sera l’occasion de revisiter l’héritage Viking en Normandie.
L’association « Les enfants de Rollon » ambitionne de construire une réplique de drakkar, le fameux navire emblème des Vikings, qui naviguera sur la Seine, à Rouen. Outre les péniches, les paquebots, les bateaux de croisières, de plaisance, ou encore les navires de commerce, on verra bientôt naviguer sur la Seine à Rouen comme dans les années 1000… un drakkar ! Ce projet original ambitionne de mettre à flot le futur navire d’ici 2-3 ans.
« Les Normands ont très largement oublié l’héritage viking, explique Gwenahel Thirel, avocat au barreau de Rouen, passionné par cet univers et auteur de deux ouvrages, Normandy Viking Spirit et L’identité normande au XXIe siècle (Editions Amalthée). Il faut dire qu’il reste très peu de traces matérielles de cette histoire et que les Vikings se sont acculturés très vite, en devenant chrétiens et en intégrant rapidement les grandes familles, par des jeux d’alliance. Leur arrivée ici est pourtant fascinante : ils ont fait le voyage de la Scandinavie à la Normandie avec un esprit de conquête, d’aventure et d’entreprenariat remarquables…. Et je veux croire à l’image de leur terre d’accueil ! » Et Rouen est tout à fait légitime pour revendiquer cet héritage, souligne l’initiateur du projet. Rouen a été la cité du premier comte des Northmens, Rollon. Si Caen peut se targuer de l’héritage de la figure de Guillaume le Conquérant, Rouen a celui de son chef viking Rollon, à l’origine du duché de Normandie, et dont le gisant se trouve exposé à la cathédrale de la ville.
Pour la construction du drakkar, l’association prend conseil auprès des concepteurs du Dreknor, drakkar basé à Carentan près de Cherbourg (Manche). Les « enfants de Rollon » se sont également procurés un plan détaillé d’un navire conçu en Scandinavie, le Gokstad, un drakkar datant du IXe siècle, exposé au musée des bateaux vikings à Oslo. Le bateau mesurera 24 mètres de long pour 5,35 de large, et pourra accueillir une trentaine de passagers. Il sera constitué de 15 tonnes de bois de chêne et de 6 000 rivets, et fonctionnera au moyen de deux moteurs de 50 chevaux. Dans la mesure du possible, tous les matériaux utilisés seront produits en Normandie.
Pour financer le projet d’environ 150.000 €, l’association qui a le soutien de la Région Normandie, du Département de la Seine-Maritime ainsi que de Rouen Métropole, compte sur la participation des adhérents (une centaine) et des entreprises dans le cadre de partenariats/mécénats. Le grand public aura aussi l’occasion de participer, via une opération de financement participatif. À terme, deux personnes seront embauchées, dont un chef de bord. L’idée est que le drakkar navigue d’avril à septembre. Des circuits pourraient être proposés sur les boucles de la Seine, par exemple.
À quai, le navire pourrait également accueillir des événements et animations. Pendant l’hiver, le drakkar serait entreposé dans un hangar, par ailleurs aménagé en musée du monde viking en Normandie. « On peut aussi imaginer des grands événements fédérateurs autour de cette culture viking, comme une grande retraite aux flambeaux aux couleurs vikings, la rénovation d’un château du Xème siècle à Saint-Clair-sur-Epte, lieu du fameux traité (911) qui donna la Normandie à Rollon, en échange de l’arrêt de ses pillages (!), la réalisation d’une statue de Guillaume le Conquérant à Caen… », s’enthousiasme Gwenahel Thirel. Pour l’heure, une maquette de 7 mètres sera réalisée très prochainement, un charpentier de marine nordique est recherché ainsi que le lieu exact où le navire sera établi sur la Seine. Toute cette aventure est à suivre sur la page Facebook Normandy Viking Spirit (avec 76actu).
Le saint patron de la Norvège baptisé à Rouen.
Rappelons aussi la présence norvégienne à Rouen. Dans le quartier Pasteur, au 16, rue Duguay-Trouin, il y a ainsi une chapelle dont le style tranche tout à fait par rapport à celui des autres édifices religieux rouennais. Et pour cause. Daniel Caillet, amoureux du patrimoine rouennais, livre des explications sur son blog : « Au cœur du quartier portuaire, une mission norvégienne fit édifier en 1926 la chapelle Saint-Olaf (roi et saint patron de la Norvège, baptisé en 1014 en la cathédrale de Rouen), afin d’offrir un lieu de culte aux marins protestants luthériens des navires chargés de bois du nord. Dessinée sur un plan classique par l’architecte norvégien Persson, elle fut dédicacée en 1937. Elle est gérée par le International Seafarer’s Center, foyer des marins [situé juste à côté, NDLR]. »
Des Norvégiens au lycée Corneille
Par ailleurs, depuis un siècle, le lycée Corneille est riche d’une spécificité : la section norvégienne du lycée Corneille. Le centenaire de cette section a été célébré en septembre 2018, en présence de la reine Sonja de Norvège et de Brigitte Macron. Depuis 1918, près de 1000 élèves norvégiens ont effectué leurs études secondaires à Rouen.
Au début du XXe siècle, tout jeune État-nation indépendant, la Norvège ambitionnait de faire profiter à une sélection de jeunes, un enseignement de qualité à l’étranger. À Rouen, depuis, huit nouveaux élèves sont accueillis chaque année, en classe de seconde. La plupart vont jusqu’à l’obtention du baccalauréat. Avant d’arriver en Normandie, très peu sont francophones, mais bénéficient au préalable d’un stage intensif de français, à Oslo. Ensuite, sur place, les élèves apprennent le français généralement très vite. En seconde, les adolescents sont hébergés à l’internat du lycée, puis dans des appartements en ville, le fonctionnement de la section étant financé par l’État norvégien. Les élèves sont répartis dans plusieurs classes — par souci d’intégration —, et suivent les cours en français comme n’importe quel autre lycéen.
En plus du cursus classique, ils poursuivent des cours de norvégien, langue à laquelle se frottent également quelques élèves français. Tout au long de l’année, la section norvégienne est encadrée par un responsable du pays, qui reste en mission en France un ou deux ans. Il existe trois sections norvégiennes en France : à Rouen (de loin la plus ancienne), Bayeux (Calvados), créée en 1979 et Lyon (Rhône), en 1990.
Cette sélection de sujets est issue de la série proposée par 76actu, sur les lieux méconnus, insolites ou « secrets » de Rouen, réalisée en partenariat avec Daniel Caillet, et Aurélie Daniel, animatrice culturelle indépendante, créatrice du concept Les balades rouennaises, et d’un entretien avec Gwenahel Thirel,
Crédits Photos: (©Illustration/Adobe Stock), Daniel Caillet, 76actu, Les Enfants de Rollon, Normandy Viking Spirit