La Normandie a été la terre d’accueil des peintres impressionnistes, tous éblouis par sa lumière incomparable, ses ciels changeants, son eau turquoise, les flots vifs de la Côte d’Albâtre ou les méandres de la Seine.
Chevalet en bandoulière, munis de ces tout nouveaux et ingénieux tubes de peinture, ces peintres de « plein-air » que sont Pissarro, Boudin, Sisley et Monet, viennent par l’incroyable chemin de fer, saisir les nuances des ciels maritimes, observer les effets changeants de la lumière à travers le filtre des nuages, étudier les reflets de l’eau. Ils choisissent plus particulièrement les paysages de la Seine-Maritime tels la Côte d’Albâtre, Etretat, Dieppe, Pourville-sur-Mer, Varengeville sur-mer, le Havre et la Vallée de la Seine comme supports pour leurs recherches picturales.
Comme beaucoup d’autres et notamment les Anglais Alfred Sisley et William Turner, l’Allemand Walter Sickert, le Franco-Danois Camille Pissaro, le Norvégien Peder Severin Kroyer, les Suédois Anders Zorn, Per Ekström ont séjourné à Paris et ont subi l’influence des peintres impressionnistes contemporains Claude Monet, Edgar Degas, Pierre-Auguste Renoir, Edouard Monet, Jacques-Emile Blanche.
Anders Zorn, figure centrale de la peinture suédoise avant d’être le maître du portrait a pu être considéré un temps comme un peintre impressionniste. .N’avons-nous pas en effet un Port de Hambourg (1891) dont les brumes évoquent celles du Havre de Monet, ou son tableau étonnamment titré Impressions de Londres (1890), comme une réponse à Monet et à son Impression, soleil couchant au Havre qui montre que pour Zorn, l’essentiel est le rendu de l’eau, de la lumière et qu’il peut rejeter le modèle au second plan ?
Mais les Suédois considèrent Per Ekström (1844-1935) comme le seul et véritable impressionniste suédois. Il a fait ses études à l’Académie des Beaux-arts de Stockholm puis, boursier, vient en France. Il arrive à Carolles dans la Manche, un petit village de bord de mer dans la baie du Mont-Saint-Michel en 1882 pour peindre et vivre à moindre frais. Il reste cinq ans à Carolles, dans la solitude, mais il obtient toutefois en 1889, la médaille d’or de l’exposition de Paris et rentre en Suède pour se marier à 60 ans. Sa cote monte en flèche et son fils revient en France, et à Carolles en particulier, pour tenter de retrouver les toiles que son père avait laissées pour payer son séjour. Hélas pour lui, des courtiers étaient déjà passés et avaient raflé la… mise. Un Musée à Orrefors dans le sud de la Suède lui est consacré et on retrouve beaucoup des paysages qu’il a peint en France..
C’est donc sur les côtes normandes que Monet, né en 1840 à Paris, passe son enfance, et se fait connaitre par des caricatures ou « portraits-charges» pour la presse locale. Là qu’Il rencontre le peintre Eugène Boudin, le peintre local, né à Honfleur et mort à Deauville. Il fut l’un des premiers peintres français à saisir les paysages à l’extérieur d’un atelier. Grand peintre de marines, il est considéré comme l’un des précurseurs de l’impressionnisme. C’est lui qui conseille à Monet de « peindre en plein air » et de se former à Paris. Il commence à peindre en 1858..

Le Port de Dieppe (Claude Monet)
En 1868, Monet passe tout l’hiver à Etretat et peint la falaise jusqu’à épuisement. Ses séjours en Normandie sont alors fréquents. En 1882, 1886, 1896 et 1897, il effectue plusieurs séjours sur la côte normande, le port de Dieppe, la plage de Pourville, la falaise de Varengeville, le soleil levant au Havre, lui inspirent très exactement 149 toiles disséminées dans le monde entier.

Impression, soleil levant (Claude Monet)
C’est d’ailleurs au Havre en 1872 ou 73 qu’il peint « Impression, soleil levant », considéré comme le premier tableau impressionniste, exposé à Paris en 1874 lors de la première exposition de la Société Anonyme des Artistes Peintres. Un critique en inventera même le terme d’« Impressionnisme », terme de mépris sous sa plume (Musée Marmottan Paris). « J’avais envoyé une chose faite au Havre, de ma fenêtre, du soleil dans la buée et au premier plan quelques mâts de navire pointant… On me demande le titre pour le catalogue. Ça ne pouvait vraiment pas passer pour une vue du Havre. Je répondis: « Mettez Impression! » On en fit impressionnisme et les plaisanteries s’épanouirent » (Claude Monet)
Claude Monet vient à Dieppe en février 1882 (il peint le port et la falaise ) mais il trouve l’environnement trop « urbain » et s’installe à Pourville, 2 kms plus bas sur la côte. Il y reste jusqu’à mi-avril. Il réside à l’hôtel restaurant « A la renommée des galettes » dont le propriétaire est Paul Graff. Il revient de juin à septembre avec sa famille et continue de peindre malgré un temps très variable qui l’empêche d’achever certaines des 28 œuvres .peintes pendant cette période.
En cette année 1882, il pose aussi son chevalet à Varengeville tout à côté. Il revient sur les mêmes lieux en 1896 de mi-février à avril et en 1897 de mi-janvier à mars . Ce qu’il veut c’est « peindre le réel dans la mobilité de ses lumières changeantes » et cela l’amènera à peindre des séries du même sujet à des moments différents . Les plus célèbres sont la Cathédrale de Rouen, ou bien encore Les Meules.
Ce n’est que par la suite qu’il délaisse la côte normande pour d’autres destinations, l’Italie, la Côte d’Azur, Belle -Ile-en-mer, Londres…avant de revenir en Normandie, et de s’installer à Giverny, un village de l’Eure plus dans les terres, pour se consacrer à ses recherches picturales avec notamment la célèbre série des « Nymphéas » (à voir à l’Orangerie des Tuileries, Paris). Il y restera jusqu’à sa mort en 1926.
Giverny, une grande propriété sur 2 étages avec son jardin d’eau, son pont suspendu, son clos normand et sa collection d’estampes japonaises que tous les jeunes Suédois connaissent avant même de les visiter grâce au film d’animation de Christina Björk et Lena Anderson (1992, remixé en 2014) « Linnea i malarens trädgaard » : Linnéa, une fillette curieuse, accompagnée de son voisin M. Blom, se rendent en France pour découvrir l’œuvre de Monet et le jardin de Giverny.
La maison de l’artiste et ses jardins paysagers constituent désormais le musée de la Fondation Claude Monet. Le musée des Impressionnismes de Giverny situé à proximité, présente les temps forts du mouvement artistique impressionniste.
Crédits photo: DR, Normandie Tourisme, Seine-Maritime-Tourisme