Malgré un contexte sanitaire très particulier, le Festival International des Textiles Extraordinaires (FITE) est revenu à Clermont-Ferrand (Auvergne) pour sa 5ème édition placée sous le signe de l’Amour. Pendant une semaine du 22 au 27 septembre, le cœur de la métropole auvergnate bat au rythme d’expositions, d’ateliers, de performances, de rencontres, de retraites aux flambeaux, de « parcours aux lanternes bleues… ».
Mais son expo phare « Love etc. » au Musée Bargoin, restera ouverte jusqu’au 28 mars 2021. Créations contemporaines et patrimoniales brodent tout autour de ce sentiment, l’Amour des questions sociétales, qu’elles soient privées ou publiques. Ecologie, spiritualité, questions d’identité et de genre, problèmes de pouvoir et de politique, les thématiques abordées entrent en résonance avec le monde qui nous entoure et les 80 œuvres -créations textiles et photographies- des 35 artistes représentant 26 pays, interpellent et questionnent.
Pour ce premier volet nous voulions nous arrêter sur la seule artiste représentante l’Europe du nord, les Pays de la Baltique, la Lituanie en l’occurrence: Severija Inčirauskaitė-Kriaunevičienė.C’est l’une des artistes contemporaines lituaniennes les plus originales du moment. Elle a 43 ans, est professeur au Département Textile de la Vilnius Academy of Arts, qu’elle dirige également et crée une oeuvre consistant à utiliser le processus traditionnellement délicat du point de croix pour orner des objets en métal avec des images tout aussi subtiles.
« J’utilise essentiellement la technique de point de croix mais pas sur une surface classique. Je fais de la broderie sur des objets en métal que je trouve autour de moi… J’ai aussi compris que j’aimais travailler sur des formes en 3 dimensions. L’histoire de l’objet qui existe déjà est par ailleurs devenue une source d’inspiration. »
Ici au musée Bargoin, Séverija présente, une collection de casques militaires brodés, une installation conçue en 2016: « Kill for Peace ».« C’est le titre d’une célèbre chanson crée en 1966 par le groupe américain The Fugs. C’était une chanson de protestation contre la Guerre du Vietnam. Si vous vous souvenez bien, les années 60 et 70 étaient l’époque des hippies qui avaient la fleur comme emblème, C’est la raison pour laquelle j’ai brodé des fleurs sur le haut des casques.
J’ai choisi ce titre pour parler des différents types de guerre, et tous les casques de l’installation proviennent de différentes époques et de différentes zones de conflit. Ils sont tous brodés de fleurs différentes. Les fleurs ont également des significations différentes dans mon travail. Par exemples les pensées font référence aux orphelins, les marguerites à la destruction de la famille. 2016, c’était un an après le début du conflit ukrainien, qui a été l’une de mes principales inspirations, dans l’idée de parler des guerres passées mais aussi des guerres contemporaines. Je pense que nous devrions nous souvenir du slogan principal de l’époque des hippies : Faites l’amour, pas la guerre ». Et slogan décrit parfaitement mon installation et le thème principal de l’exposition Love etc. » (entretien avec les commissaires de l’expo).
Ce travail de la mémoire passe par le recyclage et la « réparation » d’objets métalliques porteurs d’une histoire. Il questionne l’histoire politique et met en avant l’absurdité des guerres faites pour la paix. L’artiste brode ainsi des fleurs symboliquement liées aux défunts et à la mémoire pour recréer un autre récit.
Les travaux récents de Severija incluent une cuve rouillée et décorée de nénuphars et une série de boîtes de conserve récupérées et agrémentées de papillons et d’insectes colorés. En jouant sur l’ironie de la juxtaposition et du paradoxe, l’artiste est capable de raconter une histoire sur les objets. A Vilnius, capitale de la Lituanie, Severija avait Installé des « Nymphéas » renvoyant aux motifs de Claude Monet, lesquelles évoquaient l’histoire de sa région. Autrefois utilisés pour transporter l’eau des sources naturelles vers les réservoirs, les jardins, les bains et les rues, les camions-citernes sont maintenant plus couramment utilisés pour transporter des déchets; l’eau propre est devenue la substance la plus rare et la plus chère.
L’installation de Severija est visible jusqu’en mars 2021. Nous reviendrons dans un prochain volet sur d’autres artistes exposés au Musée Bargoin de Clermont-Ferrand qui ont agrémenté notre « voyage amoureux » !
Crédits photos: DR, FITE, Musée Bargoin