#Festival : Il y a 10 ans, un Finlandais faisait déjà son cinéma au Havre !

Il y a 3 ans, en 2017, Le Havre, capitale de la Normandie, 2ème port français, fêtait ses 500 ans. En octobre 1517, le roi François 1er signait la charte de la fondation de la ville et la construction d’un premier grand port national d’Etat pour des raisons militaires et économiques.

Mais déjà en 2011, le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki immortalisait la ville, son port et ses rues, dans un film éponyme Le Havre. Un conte naïf, nostalgique, fantaisiste, optimiste mais aussi un film social et politique décalé, où Il est question de traditions portuaires, d’immigrés clandestins, de dénuement et de cancer…, sélectionné pour le Festival de Cannes et Prix Louis Delluc 2011. Et dans la foulée, le Finlandais, originaire d’une petite bourgade à une centaine de kilomètres d’Helsinki, capitale de la Finlande et 1er grand port national, avec une forte population immigrée (plus de 130 nationalités résident dans la ville) déclara, non sans sérieux, à qui voulait l’entendre que « Le Havre devait être la capitale de l’Europe ! »

Pourquoi le Havre ?

Aki Kaurismäki expliquait à l’époque, que cette histoire sur la dégradation politique et sur la situation des réfugiés pourrait se passer dans n’importe quel pays européen, dont la Grèce, l’Espagne et l’Italie, pour leur situation économique très délicate (déjà !). Sans savoir où tourner son film, le cinéaste a pris une voiture et a parcouru toute la côte, de Gênes aux Pays Bas, avant de décider que Le Havre correspondait le mieux à ce qu’il cherchait. « Le Havre est un de mes films les plus lumineux. Rien à voir avec la réalité, mais qui peut m’empêcher de rêver ? ».

Avec un titre comme celui-ci, Aki Kaurismäki ne pouvait pas s’empêcher d’organiser des avant-premières au Havre, afin d’avoir les avis des habitants locaux. Après ses blagues habituelles au début de la présentation (« C’est dommage pour vous, le film est très mauvais »), il n’a pas arrêté de vanter les qualités de la ville, en évoquant sa belle lumière blanche et son architecture : « Je pense que Le Havre devrait être la capitale de l’Europe ! Cette ville est riche de son décor et de ses gens », affirmait-il

Visionnaire Kaurismäki ?

LH ou H ? Photo DR

Déjà, Le Havre fêtait une identité optimiste, porteuse de projets d’avenir et répondait à son challenge de ville flamboyante, lumineuse et photogénique. Longtemps ignoré voire décrié, Le Havre, redessiné après-guerre par le célèbre architecte Auguste Perret est devenu, au prix d’incroyables efforts, une ville offrant un patrimoine culturel et naturel exceptionnel.

Au Havre, Kaurismäki s’est installé dans le décor d’Auguste Perret, l’architecte qui reconstruisit la ville après la seconde guerre mondiale, dans l’histoire d’un port façonné par la guerre et le commerce. Il l’a peuplé d’une humanité laborieuse et universelle, où l’on pouvait retrouver des figures familières : André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Léaud sont des personnages qui ont joué dans ses films précédents situés dans le port d’Helsinki comme Les Lumières du Faubourg ou bien encore l’Homme sans passé.

LH ou H ? Photo DR

Les quais du port d’Helsinki surnommés « Les filles de la Baltique » ressemblent beaucoup à ceux du Havre, là où la Seine rejoint la Manche, « là où la Seine fait l’amour à la mer » chantait Catherine Ringer comme doivent se ressembler tous les quais des grands ports internationaux mais Kaurismäki y a souvent trouvé le décor de ses films. Avec une vieille ville souvent incendiée et occupée par les Russes au XVIIIème siècle  et des quartiers hypermodernes reconstruits par des architectes dignes de renom, Carl Ludwig Engel, Gesellius-Lindgren- Onni Tarjanne… Des villas Art nouveau, des îlots éblouissants de modernité…comme le centre ville, en particulier le quartier de Katajanokka, ponctué de nombreux bâtiments art nouveau construits au début du XXè siècle, tels que le bâtiment de la compagnie de téléphone ou la gare centrale construite entre 1910 et 1914 par l’architecte Eliel Saarinen, ainsi que la statue d‘Havis Amanda. L’architecte moderne Alvar Aalto y a réalisé certaines œuvres mondialement célèbres, à l’image de la maison Finlandia (Finlandia-talo) (1971), construit au bord de la baie de Töölö et où furent signés en 1975 les accords d’Helsinki… Le charme de Helsinki se découvre aussi dans ses cafés rétros, sublimés par le cinéaste finlandais…

Et comme Helsinki, Le Havre a été détruit puis reconstruit et reste profondément marqué par sa tradition ouvrière et maritime. Surnommée autrefois « Stalingrad-sur-Mer… ville laide et triste, rebâtie en béton armé », elle fut pendant longtemps le plus grand bastion du Parti communiste français, qui l’a dirigée de 1965 à 1995, elle est aujourd’hui appelée « Manhattan sur Mer » !

Après les bombardements de 1944, l’atelier d’Auguste Perret entreprend de reconstruire la cité en béton. En 2005, l’Unesco inscrit le centre-ville et ses bâtiments rectilignes en béton armé gris au patrimoine mondial de l’humanité. Une autre œuvre architecturale notable du centre-ville est celle de la Maison de la Culture du Havre, réalisée en 1982 par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer et surnommée « le Volcan », en raison de la forme du bâtiment. Et qui abrite aujourd’hui une Scène nationale, une bibliothèque et une médiathèque innovantes et ultra design. Un terrain de jeu inspirant et stimulant pour les artistes contemporains qui côtoient les nouveaux Docks dessinés par Jean Nouvel et qui dialoguent, depuis 2017, avec les 2 jets d’eau frontaux qui jaillissent à heure fixe sur le bassin du commerce de la mer. L’installation «  Impact » de Stephane Thidet ou bien encore La Catène de containers de Vincent Ganivet à l’endroit où partaient les transatlantiques et où accostent aujourd’hui les bateaux de croisière sont deux des seize nouvelles œuvres d’art contemporain crées in situ pour le cinq centième anniversaire du Havre et qui donne un nouveau visage à la ville,: « Si les Américains ont L.A., les Français ont L.H.!! » disent certains.

Aki Kaurismäki est un amateur de culture, de musiques, de sentiments, de personnages et d’alcools forts !

Si Eddie Constantine ou bien encore Catherine Sauvage ont bien chanté les charmes du Havre « Les Amoureux du Havre« , la tradition portuaire  des deux villes  a également influencé la musique et particulièrement le rock, le hard rock… Le rock métal a vu naître nombre de petits groupes  car beaucoup de ces formations répétaient dans des hangars inutilisés des ports.
Le Havre a longtemps été considéré comme l’un des berceaux français du rock et du blues. En effet, dans les années 1980, de nombreux groupes se sont multipliés comme Les Havrais après un premier développement dynamique dans les années 1960 et 1970. La personnalité la plus célèbre du rock havrais est Little Bob qui a commencé sa carrière dans les années 1970 et qu’on retrouve dans le film de Kaurismäki….

Quand au hard rock finlandais et surtout au Métal finnois il connait un succès immense, surtout en Europe mais aussi au Japon et aux États-Unis. Lancé au milieu des années 1980 par des groupes comme Stone et surtout Stratovarius, ce type de musique (notamment dans les domaines du métal symphonique et du speed métal mélodique) a explosé dans le pays, et la scène finlandaise est mondialement reconnue comme innovante et est devenu un espoir de l’avenir, Nous on se souviendra des Leningrad Cowboys qui jouèrent dans deux longs métrages d’Aki Kaurismäki et bien sûr du groupe de Heavy Métal, Lordi, depuis sa victoire au Concours Eurovision de la chanson en 2006.

Enfin Aki Kaurismäki est un grand amateur d’alcools forts. Pendant le tournage du Havre, une règle s’est créée : tous les cent plans tournés, les membres de l’équipe avaient droit à un verre de Calvados ! Quand on sait qu’en moyenne on tourne 30 plans par jour et qu’un film nécessite 400 à 600 plans, on mesure la consommation de produits du terroir (!) qu’a exigé Le Havre qui fut le premier film d’Aki Kaurismäki en langue française, mais son deuxième tourné en France, après La Vie de bohême (1991).

Crédits Photo: DR et OT