Flaubert est-il un « barbare viking » ou un « sauvage orientaliste » ?

On commémorera le 12 décembre le bicentenaire de la naissance à Rouen de Gustave Flaubert et mort le 8 mai 1880, non loin de là, dans son domaine de Croisset).

« Un barbare viking » comme il aimait à se dépeindre, faisant de sa Normandie natale, un des personnages principaux de la plupart de ses romans (Madame Bovary , L’éducation sentimentale…) … ou un « sauvage orientaliste« , suite au long voyage qu’il fit avec son ami Maxime du Camp, entre 1849 et 1852, en Orient, en passant par l’Egypte et Jérusalem, Constantinople et l’Italie, voyage qui lui donna les premières munitions (comme on dit dans notre jargon journalistique) pour son Salammbô..C’est Georges Sand, avec qui il a entretenu une importante correspondance, qui le lui avait bien dit  la première: « Tu as deux publics, un pour Madame Bovary, un pour Salammbô. » En effet quoi de commun entre le roman de « mœurs  banals de province » qui se déroule en Normandie et la flamboyante épopée carthaginoise…
Si le bocage normand est un des personnages centraux de l’œuvre flaubertienne: Rouen, Trouville, Pont-L’Evêque, Caen, Falaise… Toute la Normandie apparaît dans les œuvres de Flaubert. L’écrivain qui revendiquait son ascendance normande et aimait donc à se peindre en « barbare viking ». Ressentant fortement l’empreinte de ses lieux d’origine, il a ancré dans les terroir normand la plupart de ses romans et notamment ceux de la maturité.Gustave Flaubert est un écrivain français né à Rouen le 12 décembre 1821 et mort en mai 1880. Considéré, avec Victor Hugo, Stendhal, Balzac et Zola, comme un des plus grands romanciers français du XIXe siècle, Flaubert se distingue par sa conception du métier d’écrivain et par la modernité de sa poétique romanesque. Gustave Flaubert a marqué la littérature universelle par la profondeur de ses analyses psychologiques, son souci de réalisme, son regard lucide sur les comportements des individus et de la société, et par la force de son style dans de grands romans comme Madame Bovary (1857), Salammbô (1862), L’Éducation sentimentale (1869), ou le recueil de nouvelles Trois Contes (1877) (avec wiki)

Salammbô vient après Madame Bovary.

Madame Bovary sort le 15 avril 1857 chez Michel Levy, l’un des éditeurs les plus connus de l’époque. Le roman est un énorme succès de librairie. Flaubert est désormais célèbre et reconnu par ses pairs, Hugo, Sainte-Beuve… mais toujours hostile à l’école réaliste des écrivains, il ne perd pas l’occasion de dire son dégoût du réel et reconnaît d’ailleurs qu’il soufrait en peignant les bourgeois d’Yonville-l’Abbaye, Charles et Emma Bovary et leurs amis , et qu’il rêvait d’écrire des « grandes choses somptueuses, des batailles, des sièges, des descriptions du vieil Orient fabuleux »

En 1857, éprouvé par l’écriture et le procès de Madame Bovary, las et désabusé de ses contemporains, Flaubert ressentit le besoin de « sortir du monde moderne ». C’est ainsi qu’il décida d’exiler son esprit et sa plume dans la rédaction d’un nouveau roman qui se déroulerait à Carthage, bien loin de sa Normandie natale.
Son nouveau projet va l’entraîner vers un « ailleurs rêvé » et se projeter en ermite fuyant le monde réel pour rêver seul de la cité punique : « c’est là une Thébaïde où le dégoût de la vie moderne m’a poussé » écrit-il. 

Salammbô : roman cruel, sensuel et coloré, Flaubert veut choquer le bourgeois. Ce fut un succès, qui inspira peintres, sculpteurs et musiciens…
Flaubert aime passionnément l’histoire antique et les épopées. Le monde moderne l’ennuie : tout est si étriqué ! Pendant qu’il écrit Madame Bovary, il rêve de festins aux flambeaux et se souvient des sables brûlants  de l’Orient découvert pendant son voyage de 1849-1851. avec son ami Maxime du Camp qui les conduira de l’Egypte à la Grèce, par la Palestine, la Syrie, le Liban, l’Asie mineure et Constantinople… et se rend juste en Algérie et Tunisie, près de Carthage, quelques temps en 1858
De l’Egypte à la Syrie, il a appris à aime la beauté des paysages escarpés et l’infini du désert. Dans Salammbô, luxe et violence, sacré et dépravation se mêlent. Des femmes sales et demi-nues portent sur leur sein un diamant qui suffirait à acheter un empire. Courage et trahison, audace et lâcheté, amour et cruauté se côtoient dans ce roman de flammes et de sang sur la révolte des mercenaires contre Carthage (241-238 av JC) à la fin de la première guerre punique.

La rédaction de Salammbô entamée en septembre 1857, le roman paraît après une longue maturation. Dès sa parution en 1862, le roman connaît un succès immédiat, et l’articulation de ce bicentenaire autour du roman de Flaubert, peut-être pas le plus connu, mais sûrement le plus spectaculaire qui ouvre sur l’univers le plus érotique, exotique, cruel et monstrueux de l’auteur normand, montre, 150 après sa parution, une brûlante actualité.

Et les festivités ne finiront pas avec l’année 2021. Inaugurée cet été par le Musée des Beaux-Arts de Rouen, l‘exposition Salammbô. Fureur ! Passion ! Eléphants ! se tient au Mucem, à Marseille, jusqu’au 7 février, avant de se rendre au printemps au musée national du Bardo, à Tunis, débute avec une salle intitulée «Voir Carthage et écrire», mais surtout avec l’incipit du roman, l’un des plus célèbres de la littérature française : « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. »L’exposition met en valeur cette diversité, donnant à voir des pièces puniques et des planches de l’adaptation en BD par Philippe Druillet, (l’auteur de la magnifique affiche) une tapisserie du XVIIe siècle comme une Salammbô repeinte par Max Ernst, l’influence du roman au cinéma, à l’opéra et dans la peinture, mais aussi sur les fouilles archéologiques, et se régalant de ce «cas unique au monde où un lieu prend le nom d’un personnage de fiction». Sur la ligne Tunis-Goulette-Amilcar, il y a un arrêt Salammbô, où, preuve photographique à l’appui, une pizzeria a choisi de s’appeler Salambouff, une boucherie également  SalammBeaf et l’enseigne de l’agence immobilière locale: SalammBoende (appartements)… Peut être un aventurier suédois installé aux portes de Tunis !? (NDLR amusée !!!)

Avec le Hors-Série/Flaubert/LE POINT
Crédits Photos: DR