#Théâtre #Molière400: Molière en tournée en France !

Pour le 400è anniversaire de la naissance de Molière, Francofil a voulu, dans un premier article, rendre hommage à la langue française, la langue de Molière. Dans ce second article, Francofil veut célébrer l’homme et l’auteur, et comprendre comment Jean-Baptiste Poquelin est devenu Molière ?

1643 : Après une brève carrière d’avocat, Jean-Baptiste Poquelin, fils d’un tapissier du roi, fonde à 20 ans, avec sa maîtresse, une actrice déjà célèbre, Madeleine Béjart, l’Illustre Théâtre et prend le nom de Molière. 1645 : la troupe fait faillite et Molière est brièvement emprisonné pour dettes. 1646-1658 : Il tourne en province, s’attire les faveurs de plusieurs puissants locaux et commence à écrire.
« Tout est parti d’un échec, comme toujours…! Fils d’un tapissier du roi, il créée un théâtre qui n’a pas marché… Après avoir fait de la prison pour dettes il est parti en province et c’est là qu’il commence à tout apprendre, à écrire, à jouer, à faire rire…. »

En 1646, Molière est donc forcé de quitter Paris. Cela faisait deux années que lui et sa troupe de l’Illustre–Théâtre parcouraient sans grand succès les différents quartiers de Paris. Ce succès, peut-être, les attendait-il en province ? Cela dura douze ans. Douze années de tournées dans les théâtres de beaucoup de villes du royaume.

Ce fut d’abord l’ouest de la France, Nantes et Rennes, Poitiers, la Loire, placé sous la protection du duc d’Epernon, gouverneur de Guyenne (ex-Aquitaine),  avant d’arriver à Bordeaux. On le loge non loin des riches hôtels des parlementaires, dans la rue du quartier Puy-Paulin qui porte aujourd’hui le nom de Poquelin-Molière. En 1656, c’est Molière en personne que les Bordelais applaudissaient, dans la salle du jeu de paume de la rue Poquelin-Molière. Puis il suit la vallée de la Garonne de Bordeaux à Agen, et se retrouve en Occitanie Toulouse Albi, Carcassonne et le très riche Languedoc, entre 1647 et 1657, où ils sont invités par de fastueux protecteurs et où l’argent coule à flots… Narbonne, Béziers, Montpellier et… Pézenas !

« Si Jean Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas ! » a écrit Marcel Pagnol. L’auteur ne possède d’ailleurs que deux monuments en France : une fontaine à Paris et une statue à Pézenas, en Languedoc.
Pézenas, une ville habitée par « l’esprit de Molière »

Molière est l’enfant chéri de Pézenas. Son passage a laissé beaucoup de souvenirs et d’honneur. C’est ainsi que de festivals en représentations théâtrales, Pézenas cultive toujours la passion pour la comédie et le verbe que Molière lui a inspiré. C’est dans cette ville que commence véritablement la carrière de Molière, avec la rencontre du Prince de Conti, le troisième personnage de l’État, En 1650, les Etats Généraux du Languedoc se tiennent à Pézenas et la troupe « L’illustre Théâtre » est retenue pour divertir ces messieurs des Etats. Depuis, les Piscénois n’ont plus oublié Molière. La ville est restée fidèle à l’auteur du XVIIe siècle grâce à un mouvement Molièriste qui a vu le jour en 1896.

La commune de Pézenas cultive son patrimoine comme un trésor. La présence de Molière et sa troupe, entre 1650 et 1656, fait partie des heures glorieuses de son histoire. Le prince de Conti, cousin du roi Louis XIV, vit à cette époque dans cette ville de l’Hérault. Ce bon vivant parvient à attirer Jean-Baptiste Poquelin – alias Molière – qui sillonne alors le pays avec sa troupe depuis leur échec parisien.
Au fond du parc du Domaine de la Grande des prés, un buste de Molière commémore ce lien entre l’aristocrate et l’artiste. Le centre historique de la commune est également jalonné des empreintes du dramaturge. Ce dernier aimait particulièrement s’installer dans la maison du barbier Gely. Et le musée de la ville expose avec fierté des objets ayant appartenu à l’homme de théâtre, comme un austère fauteuil en bois.
Par intermittence, entre 1652 et 1658, Molière et ses comédiens sillonnent la Vallée du Rhône, Vienne , Grenoble et Lyon où ils séjournent si souvent et si longtemps qu’ils passent parfois pour la troupe de la Ville. Ils y jouent plusieurs pièces. Des spectacles sans prétention où la farce trouve toute sa place. A cette époque, les troupes de comédiens ambulants sont nombreuses. Elles vivent dans la précarité et rencontrent une grande difficulté à se produire devant l’opposition de l’église catholique. Molière réussit néanmoins à obtenir la protection des puissants.

En 1655, c’est à Lyon qu’il écrit sa première grande comédie « en cinq actes et vers » : »L’étourdi ou les contretemps« , largement inspirée des comédies italiennes.

Il n’avait écrit jusqu’alors que de courtes farces en prose destinées à être jouées en complément de programme en « dernière partie » après une pièce plus sérieuse. « Mais Il faut croire que la province l’inspire. Tout se passe comme si les petites villes de province lui permettaient d’observer comme sous une loupe grossissante les défauts et les ridicules de certains milieux. » souligne Boris Donné son biographe. Il devient à cette époque un écrivain inspiré mais aussi l’un des acteurs vedettes de ses productions théâtrales. Molière prend définitivement la direction de son théâtre, commence à s’acquérir une très forte réputation et  fait l’apprentissage de la comédie. « C’est sur ces scènes que Molière parfait son apprentissage de comédien et là aussi qu’il prend l’ascendant sur ses camarades et prend les rênes de sa troupe. Le voilà à 30 ans chef de troupe. Et c’est à Lyon à 33 ans qu’il présente sa première pièce qu’il a écrite L’Etourdi ou les Contretemps, une œuvre en cinq actes et en vers de plus de 2000 alexandrins…. » continue Donné dans le numéro spécial du magazine Le Point « Molière, Les secrets d’un génie »
« Alors que pendant ses douze années il a plutôt joué un répertoire qui ne lui appartenait pas et plutôt consacré à la tragédie, celles de son contemporain Pierre Corneille notamment, Molière prend rapidement  conscience des pouvoirs de la comédie qui permet d’attirer un plus large public.. »
La troupe de Molière commence à entretenir de puissants réseaux, profite de la protection de hauts dignitaires, avides de spectacles et produit donc ses deux grandes premières pièces : « Le dépit amoureux » (1654) et « L’Étourdi (1655). Après s’être initié en province avec ces petites pièces qui le distinguent des autres troupes, il devient bientôt un directeur de troupe exceptionnel, admiré par le roi Louis XIV lui-même. Il enfin prêt à embrasser la gloire.

Ses amis lui conseillent non pas de revenir à Paris, mais de s’en rapprocher. De s’installer dans une ville voisine pour s’y faire une réputation. Son mérite lui avait acquis plusieurs personnes des plus considérables. Celles-ci s’intéressaient beaucoup à son talent. Elles lui avaient promis de l’introduire à la cour. Une cour qui attend de la culture, de la conversation, de l’élégance et qui a envie de rire. Nous sortons de la guerre avec un jeune roi qui semble alors n’avoir aucun goût pour la politique, qui court les filles et aime les ballets…. La troupe quitte alors le Languedoc, le Sud ouest et la Vallée du Rhône pour rejoindre Rouen en 1658.

Rouen, par sa proximité avec Paris, remplissait parfaitement ce rôle. Par ailleurs, Pierre Corneille, le tragédien, originaire de la ville, écrivait que la directrice officielle de la troupe, Madeleine Béjart, désirait jouer à Paris. Tout était clair, le retour et la gloire à Paris était le but secret du séjour de la troupe de l’Illustre-Théâtre à Rouen.
De Rouen, Molière se rendit maintes fois à Paris, pour y servir les intérêts de sa troupe. Il finit par atteindre son but. Après quelques discrets voyages dans la capitale, Monsieur, frère du roi, lui accorda sa protection. et le présenta au roi et à la reine-mère. De retour, Molière annonça à ses comédiens, une grande nouvelle. Ils allaient jouer devant le roi. Cette annonce fut accueillie avec joie. Elle mettait fin à leurs pérégrinations. Le but était atteint, le séjour à Rouen avait porté ses fruits.

Quand il s’installe dans la capitale en 1658, Molière a acquis une certaine notoriété et enregistré une belle matière sociologique des sujets et des munitions pour alimenter les pièces qu’il s’apprête à écrire. Le 24 octobre 1658, la troupe commence à paraître devant leurs majestés et de toute la cour. Le roi avait fait dresser un théâtre dans la salle des gardes du vieux Louvre (aujourd’hui la salle des Caryatides). En novembre 1659 il obtient son premier vrais succès avec les Précieuses Ridicules. En 1661 la troupe de Molière joue désormais au Palais Royal.

Celui qui est devenu une référence incontournable du théâtre français connaîtra désormais tous les succès à partir de 1663, lorsqu’il se produira à Versailles devant la cour du Roi Soleil. Louis XIV décide alors de prendre officiellement Molière sous sa protection et décerne, en 1669, à ses comédiens le titre de « Troupe du Roi ».
Molière n’aura pas eu beaucoup de temps pour profiter de sa légende. Il meurt en février 1673, En 1680, le Roi fonde la Comédie Française en fusionnant la Troupe de l’hôtel de Bourgogne et la Troupe de Molière.

En cette année 2022, dans le cadre de la célébration des 400 ans de Molière, seront jouées la trentaine de comédies écrites par Molière, parmi elles Tartuffe ou l’Hypocrite, Le Malade Imaginaire, L’Avare ou encore Les Fourberies de Scapin. le Misanthrope…dans des mises en scènes inédites ou classiques, souvent dans des théâtres qu’il a fréquenté, un peu partout en France et à l’étranger mais encore un peu plus dans toutes ces villes-étapes qui ont vu et assisté à l’apprentissage du jeune homme devenu auteur de théâtre, de Poquelin devenu Molière (il suffit de se rendre sur les sites des offices de tourisme des villes concernées)

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