Le projet-pilote de capture du carbone de Mongstad est reporté

0031022 - Mongstad - Photo Harald M. Valderhaug - StatoilEn fin de semaine dernière, le ministre norvégien du pétrole et de l’énergie a annoncé que le projet de capture et de stockage du carbone (CSC) initié par le pétrogazier national Statoil sur son site de Mongstad était retardé de quatre ans. « Je ne crois pas qu’il soit possible de prendre une décision sur cet investissement avant 2014 », a indiqué Terje Riis-Johansen.

Le gouvernement norvégien avait annoncé comme un de ses projets majeurs la mise en œuvre, grandeur nature, de la technologie CSC dans l’ouest de la Norvège. Depuis octobre 2006, il soutient financièrement le projet et a accepté de prendre en charge le coût de construction et d’exploitation estimé à 25 milliards de couronnes. Dimanche soir, le Premier Ministre, Jens Stoltenberg, s’est justifié en expliquant que les coûts étaient plus élevés que prévu. Accusé de faire machine-arrière, il a démenti et a insisté sur le fait que le projet sera bien mené à terme mais qu’un peu plus de temps était nécessaire.

La raison de ce délai est notamment à chercher dans le bras de fer qui oppose depuis plusieurs mois la compagnie Statoil et le gouvernement norvégien. Le géant norvégien ne compte pas payer seul l’addition de la nouvelle technologie, arguant que le système n’est pas encore économiquement viable. D’où d’incessantes négociations avec le ministre du pétrole et de l’énergie. Cependant, le gouvernement ne peut prendre en charge une part supplémentaire de l’investissement qu’après accord du Parlement. Or ce dernier exige de connaître les technologies qu’entend utiliser Statoil avant de donner son aval, alors que Statoil hésite encore sur le type de solvant qu’il compte utiliser pour capter le CO2 industriel.

« C’est un scandale politique et environnemental »

Les écologistes condamnent la décision et crient au scandale. « C’est un scandale politique et environnemental, l’un des pires que j’ai vu en dix ans de politique écologique, ici, en Norvège », a déclaré Marius Holm, chef adjoint de l’ONG environnemental Bellona. « C’est comme avoir été poignardé dans le dos », a-t-il confié à la NRK. Le directeur de Bellona, Fredric Hauge, demande la démission du ministre du pétrole et de l’énergie craignant qu’avec « ce report, l’usine de récupération de carbone de Mongstad ne soit terminée qu’en 2017, 2018, 2020, voire jamais.

Les dirigeants des quatre partis unis d’opposition – Siv Jensen du Parti du progrès (FRP), Dagfinn Høybråten du parti chrétien-démocrate (KrF), Erna Solberg du Parti conservateur (H), et Trine Skei Grande du Parti libéral (V) – ont écrit à M. Stoltenberg. Ils exigent qu’il rende des comptes au Parlement, le plus rapidement possible.
Les partis de la coalition sont également très inquiets, et redoutent une perte de crédibilité du gouvernement. Le parti de gauche SV craint de voir sa politique environnementale tournée au ridicule étant donné les circonstances.

Les émissions annuelles du site de Mongstad sont équivalentes à celles produites par le quart du parc automobile norvégien

La capture et le stockage de carbone (CSC) est un procédé technique qui sépare le dioxyde de carbone des fumées industrielles à l’aide de solvants. Le CO2 est alors comprimé, transporté, conservé dans des formations géologiques, soit sous terre ou dans l’océan. Certains estiment que cette technologie, qui n’a encore jamais été testée à un stade commercial, est un moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre, facteur du réchauffement climatique. Selon l’AIE, la méthode devrait contribuer à diminuer les émissions de 20% d’ici à 2050.

En octobre 2005, le gouvernement norvégien s’était engagé à aider financièrement au développement de nouvelles technologies de capture et de stockage du CO2. Il répondait ainsi aux protestations des industriels face aux surcoûts générés par les dispositions relatives à la construction de nouvelles unités de production électrique. Seuls les projets neutres en terme d’émissions étaient a priori susceptibles d’être acceptés, les autres devant obtenir un permis d’émission. Pour concrétiser son engagement, le gouvernement était alors entré en négociation avec Statoil autour de son projet de centrale à Mongstad. Ils ont ensemble conclu un accord en octobre 2006 visant à la création d’un centre-test. Pour gérer sa participation (à hauteur de 80%), l’Etat norvégien a créé Gassnova dont la principale mission est de favoriser l’émergence de technologies nouvelles permettant la gestion des émissions de CO2.

Les émissions annuelles du site de Mongstad sont équivalentes à celles produites par le quart du parc automobile norvégien, soit 1,3 millions de tonnes de CO2. Le centre-test de capture et de stockage du CO2 devait commencer son activité en 2010 avec une capacité de traitement de l’ordre de 100.000 tonnes de CO2 par an. Il s’agit de l’un des plus importants projets de ce type à l’échelle internationale.

Photo : Statoil / Harald M. Valderhaug