A Avignon, il y a 1 Palais (des papes !)… et plus de 150 lieux de spectacles dont 136 théâtres référencés… Il se murmure même qu’à Avignon, il y aurait plus de fauteuils rouges que d’habitants (un peu moins de 100.000habts)! Et pour cause ! Depuis la création du Festival d’Avignon par Jean Vilar en 1949, le théâtre est devenu la seconde nature de ce territoire, été comme hiver ! Et la passion des planches a dépassé la frontière des remparts…
Mais la première nature de la cité papale est son patrimoine immobilier datant du 15è et 16è siècle, hôtels particuliers et livrées cardinalices, ces maisons bourgeoises réquisitionnées par l’administration pontificale, des résidences qui étaient en effet livrées aux cardinaux, les princes de l’église. À l’intérieur des remparts, dans le centre historique, plus de 260 demeures dénombrées, ont été créées au fur et à mesure du développement de la cité médiévale au temps des papes. Elles ont abrité des livrées cardinalices puis les 130 Hôtels particuliers qui ont pris généralement leur suite, ainsi que nombre de lieux de culte (églises, chapelles et synagogue), des anciens cimetières transformés en places, des couvents et des abbayes, des collèges et l’Université… qui témoignent de leur riche patrimoine architectural et racontent l’histoire des grandes familles provençales.
Nous avons suivi une balade dans la ville sur les traces de ces grandes familles provençales ayant marqué l’histoire avignonnaise. au travers de leurs demeures.
Hotel de Rochegude
Il se situe aux n° 4 et 6 de la rue des Trois-Faucons et il est devenu le siège d’InterRhône, organisme interprofessionnel des vins de la vallée du Rhône. La maison fut acquise en 1681 par Gilles de Choquenot, conseiller du Roi, et reconstruite aussitôt sur les plans de Louis-François de la Valfenière (son nom est lié à tous les grands chantiers de la période à Avignon et dans le Comtat Venaissin). Ses héritiers la vendirent en 1732 au premier consul d’Avignon, en 1741. Il avait fait, entretemps, totalement réaménager son Hôtel,
Si, sur la rue, la façade de 1683 et la porte surmontée d’un mascaron de faune sont d’origine, les boiseries ont disparues et ont été acquises, en 1891, par l’Union centrale des arts décoratifs et depuis installées dans le musée des arts décoratifs de Paris
Hôtel Fortia de Montréal
Situé dans le « triangle d’or historique » de la vieille ville au 8, rue du Roi-René il était considéré comme l’un des fleurons de l’architecture du vieil Avignon. L’hôtel Fortia de Montréal, l’un des premiers hôtels à caractère privé de la ville a été construit en 1637 et achevé 50 ans plus tard pour le compte de Paul de Fortia de Montréal, ancien capitaine de la Marine royale au port de Marseille. L’Hôtel accueillit Louis XIV lors de sa venue à Avignon. Les Fortia le mirent en vente en 1774. Aujourd’hui, l’histoire a passé et force est de constater que l’édifice est en piteux état. La faute à l’usure du temps qui a eu raison des façades délabrées et autres balcons devenus vétustes….,
Hôtel Berton des Balbes de Crillon
Il se trouve face au précédent. C’est le plus italianisant des Hôtels particuliers d’Avignon. Sa façade, couronnée d’une puissante corniche à l’italienne, est couverte de mascarons, cornes d’abondance, médaillons et guirlandes, formant des encadrements de portes et fenêtres de styles alternés. Cet Hôtel a été commandité par Louis III de Berton (1608-1698), petit neveu du « Brave Crillon », l’un des plus grands capitaines français du 16è siècle, ami et compagnon d’armes du roi Henri IV . La façade a été classée monument historique. L’intérieur se fait remarquer par une belle cour à arcades, sur laquelle s’ouvre un vaste escalier à l’impériale, sans doute le plus somptueux de la ville. Ses balustres carrés de pierre de taille sont complétés par de grandes boules de cuivres qui marquent les extrémités ou les retours des rampes.
Maison de Fogasses
Maison particulière du 14è siècle, au 37/39 rue des Fourbisseurs, aujourd’hui table et maison d’hôtes, ouverte en saison estivale, de mai à octobre. Alors propriété de l’évêque, chose courante à l’époque, aujourd’hui, c’est une belle maison de 1200 m2 qui propose la location d’appartements, des ateliers culinaires pour groupes, des expositions d’artistes… sur 3 étages. Si vous n’avez pas peur des escaliers, essayez de louer la suite Mimi Pinson. Dans cette haute tour, on pourrait se prendre pour un seigneur de l’époque. La décoration y est moderne tout en respectant le charme des vieilles pierres sous les toits. Lieu magique avec salons, terrasse et un immense jardin datant du 19è siècle, doté d’une cour intérieure de plus de 600m2, le tout aidant à préserver , en plein cœur du centre historique, un calme souvent recherché au moment du festival..
Hotel Forbin La Barben
Cet Hôtel particulier, donné par le grand collectionneur Marcel Puech à la Fondation Calvet a été conçu en 1724 sur trois niveaux. Il abrita les amours de la princesse Pauline Borghèse (1780-1825), sœur de l’empereur Napoléon 1er, avec le jeune comte Auguste Forbin, issu d’une grande et noble famille provençale qui possédait nombre d’hôtels dans la région, à Avignon, Gréoux-Les-Bains, Aix-en-Provence.
Hôtel de Sade
Situé au n° 5 de la rue Dorée il fut au XIVe siècle puis à nouveau au XVIIe siècle, propriété de la famille de Sade (parents du fameux marquis). Celle-ci avait fait fortune en tant que chenévriers (marchands de cordes de chanvre), et possédait nombre de maisons dans cette rue, dite alors des Sade. L’une fut achetée, vers 1530, par Thomas II de Gadagne, fils d’une riche famille marchande venue de Florence s’installer à Lyon. Entre 1536 et 1537, il fit reconstruire sa maison en style gothique. Celle-ci fut revendue à Jean-Baptiste de Sade, en 1647. Elle resta dans cette famille jusqu’en 1760, date à laquelle elle devint la propriété des Frères des Ecoles Chrétiennes. L’hôtel fut très restauré aux XIXe et XXe siècles. Des services municipaux y sont installés remplacés aujourd’hui par ceux du Conseil général du Vaucluse.
Hôtel Forbin de Sainte Croix
Situé place de la Préfecture, il a accueilli successivement des cardinaux et évêques, certains en attente d’un conclave comme Pedro Martinez de Luna y Gotou, futur pape Benoît XIII. Il y avait deux Maisons (la grande et la petite) de part et d’autre de la rue Bouquerie. Elles furent réunies par un arceau qui existe toujours.
Cette maison servit de résidence, en 1415, à l’empereur Sigismond, dernier roi et empereur de la Maison du Luxembourg. Puis cette Maison fut transformée, en 1476, en Collège par le cardinal Julien de la Rovère, futur pape Jules II (1503-1513). Lors de la Révolution, l’Hôtel devint le siège de l’administration départementale puis il fut acquis pour devenir la Préfecture en 1822.
Hôtel Desmarets de Montdevergues
Située lui aussi, place de la Préfecture, l’Hôtel est construit en 1710 et la façade entièrement refaite en 1755 avec un décor sculpté sur son fronton représentant des oiseaux des marais, armes parlantes de la famille des nouveaux propriétaires de l’hôtel, les Desmarets de Montdevergues, famille que le pape Paul VI avait anobli. Après 1850, l’immeuble est racheté par l’État, il servit de bureaux à la préfecture. C’est actuellement l’Hôtel du département et le siège du Conseil général de Vaucluse. A noter que la façade de l’hôtel avec décor, balcon et appuis de fenêtres, toujours visibles, est inscrite au titre des Monuments Historiques.
Hôtel de Baroncelli-Javon ou Palais du Roure
L’Hôtel de Baroncelli-Javon fut construit, en 1469, par Pierre Baroncelli, baron originaire de Florence, qui avait acquis une taverne et des maisons avoisinantes qu’il transforma pour établir sa demeure. Ce fut au XIXe siècle, que cet édifice a été surnommé par Frédéric Mistral, Prix Nobel de Littérature en 1904, habitué des lieux, « Palais du Roure ». Propriété du marquis Folco de Baroncelli-Javon, il devient à cette époque un foyer du Félibrige. (l’association fondée par Frédéric Mistral et quelques poètes provençaux qui œuvre pour la sauvegarde et la promotion de la langue, de la culture et de tout ce qui constitue l’identité des pays de langue d’oc.). En 1908, le Palais est vendu, puis après avoir subi des préjudices considérables pendant la première guerre mondiale, sauvé en 1918 par Jeanne de Flandreysy, écrivaine et journaliste qui décide d’y créer un foyer de culture méditerranéenne. En 1936, à la suite du mariage de Jeanne avec le commandant Émile Espérandieu, archéologue et membre de l’Institut, cette institution acquiert une renommée plus grande avec la création de la Fondation Flandreysy-Espérandieu dont la ville d’Avignon hérite en 1944. Aujourd’hui, les collections de ce musée, organisées sur l’histoire et la sociologie régionale, sont accessibles au public.
Bonus nordique: Les Suédois étaient aussi présents dans la cité papale !!
Au 25 de la rue de la Banesterie, rue qui a révélé la présence de mosaïques romaines et qui marque le tracé de l’enceinte du premier rempart médiéval de la ville se trouve un hôtel qui appartint aux Cohorn de Limon, une famille d’origine suédoise venue s’installer à Montfavet (quartier d’Avignon) dès le XVè siècle. Claude Cohorn acheta en 1632 une maison et la transforma en Hôtel, l’Hôtel Cohorn de Limon. Il continuera à être aménagé par son fils Gabriel, seigneur de Limon. L’hôtel présente, encore de nos jours, un joli petit fronton au-dessus d’une fenêtre avec vue su le Palais.
Les hôtels particuliers sont susceptibles d’être ouverts à la demande ou/et pendant les Journées du Patrimoine (contact Office du Tourisme) Le Palais du Roure est un musée municipal gratuit. La Maison de Fogasse est un hôtel et restaurant ouverte de mai en octobre.
Francofil reviendra dans un prochain article sur d’autres bâtiments riches d’histoire comme l’Hôtel de Villeneuve-Martignan qui abrite aujourd’hui le Musée Calvet, les Hôtels de Caumont et de Montfaucon, hôtes de la Collection d’art contemporain Lambert, les fameuses Maisons-Musées, qui abritent les collections des Musées Angladon et Vouland, , l’hôtel de Graveson et Forbin qui est aujourd’hui l’Hôtel de L’Europe, hôtel 5 étoiles, Place Crillon, l’un des plus anciens hôtels de France.
Crédits photo: DD, DR, Office Tourisme Avignon, et certaines propriétaires respectifs des Hôtels