#Göteborg: Le #Livre fait son #Salon !

Rendez-vous incontournable de la bibliophilie nordique, l’édition 2023 du Salon du Livre de Göteborg s’est déroulée du 26 septembre au 1er octobre. Il s’agit du principal festival littéraire de Scandinavie et du deuxième plus grand en Europe après la Foire du livre de Francfort, en Allemagne. 39ème édition, le Salon a battu tous ses records d’affluence avec plus de 85.000 visiteurs (5.000 en 1985, date de sa création)

Trois thèmes principaux pour cette édition : la ville, l’urbanisme, l’architecture urbaine, à l’heure où Göteborg, deuxième ville du royaume, fête ses 400 ans. Sous le thème de la ville, l’urbanisme, nos villes en croissance, leur architecture ont été abordés…
« Nous essayons de créer des rencontres entre différentes disciplines, explique Oskar Ekström, le directeur du Salon. La question de savoir comment nos villes doivent se développer a été au centre de plusieurs rencontres. Des groupes tels que Architecture Uprising ont appelé à des bâtiments plus traditionnels plutôt qu’à une architecture moderne… Le salon du livre sera  toujours au centre du débat social… « .

Second thème du salon, le son, les livres audio, les podcasts et la littérature diffusée en streaming occupent plus que jamais une place problématique dans la lecture surtout chez les jeunes. La question pour le moins brûlante du déclin des capacités de lecture des enfants et de ce qui peut être fait pour y remédier a été discutée, entre autres, lors d’une « réunion spéciale sur la politique littéraire »… Egalement la façon dont les auteurs sont rémunérés pour les livres audio a suscité de vives protestations et l’Association des auteurs a qualifié le format de “gifle aux auteurs”.

Mais l’invitée d’honneur de cette édition fut « La Culture Juive en Suède ».  » Nous  essaierons de donner un aperçu de cette vaste culture juive aux multiples facettes et de sa riche tradition littéraire. J’espère que le public se sentira plus proche de la culture, de l’histoire et de la vie juives. » présentait Lizzie Oved Scheja, fondatrice et directrice de l’Institution en conférence de presse.
De nombreux séminaires ont exploré les événements décisifs de l’expérience juive en mettant l’accent sur les aspects universels de la culture juive aux multiples facettes telles qu’exprimées dans la littérature, la philosophie, le cinéma, la musique et dans la vie contemporaine…

Avec pour invités principaux:

L’écrivain américain Joshua Cohen, auteur de Les Netanyahou, une bio-généalogie du clan Netanyahu en Israël, Prix Politzer 2022 (traduction aux Editions Grasset), l’architecte Daniel Libeskind, concepteur notamment des musées juifs de Berlin, Copenhague et San Francisco, le compositeur suédois Georg Riedel… « Naturellement, le vent du changement politique en Europe et en Israël m’a fait penser que nous aurions envie et besoin de discuter de la situation actuelle avec des penseurs experts et engagés » a rappelé Oved Scheja. L’ écrivain et philosophe français Bernard Henri-Levy et l’essayiste et auteur new-yorkais Adam Gopnik qui parlent souvent de leur identité juive dans les analyses du monde qui les entoure, firent ainsi ensemble leurs premières apparitions en Suède dans le cadre de ces débats.

La sociologue et universitaire franco-israélienne Eva Illouz a également participé à la discussion. Professeur de sociologie à Jérusalem, spécialisée dans la sociologie des sentiments et de la culture, l’une des figures intellectuelles les plus importantes en Israël, et directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, Eva Illouz est également auteur de livres tels que « C’est pourquoi l’amour fait mal » et « Pourquoi l’amour se termine ».
A ce titre, elle est un des personnages d’un livre de l’autrice suédoise de bandes dessinées Liv Strömquist, La Rose la plus rouge s’épanouit, publiée en 2019. Auteur-star de BD en Suède, la dessinatrice  a enfin pu rencontrer son personnage et ainsi parler d’amour.

La Rose la plus rouge s’épanouit (Den rödaste rosen slår ut dans sa version originale en suédois, publiée par Ordfront Förlag en 2019, traduite en français par Kirsi Kinnuen, et publiée par la maison d’édition Rackham) questionne la disparition du sentiment amoureux et le refus de l’engagement dans le domaine sentimental.. Aussi considéré comme un essai philosophique ou encore un album, ce livre s’intéresse aux relations amoureuses et, plus particulièrement, au sentiment amoureux de ses contemporains et de leurs ancêtres, à savoir de Platon à Beyoncé. Et elle s’appuie, entre autres, sur les livres de la sociologue franco-israélienne. Plus loin, l’auteure note que nos sociétés occidentales nous autorisent à choisir notre partenaire de manière autonome… et sur des critères de plus en plus «scientifisés». Or la sociologue estime que la prise de décision rationnelle entrave notre capacité à nous engager sur le plan affectif. Diverses théories scientifiques s’enchaînent donc au fil de l’ouvrage, illustrées par des situations humoristiques pleines de références culturelles variées, de l’antiquité (Socrate et Alcibiade) à nos jours (Beyoncé, Panoramix et Leonardo di Caprio).

Nombre de ses œuvres ont été traduites en version française aux éditions Rackham, dans la collection Le Signe Noir:
Les Sentiments du prince Charles [« Prins Charles Känsla »], L’Origine du monde [« Kunskapens frukt »], Grandeur & décadence [« Uppgång och fall »], I’m Every Woman [« Einsteins nya fru »], La rose la plus rouge s’épanouit [« Den rödaste rosen slår ut »],  Dans le palais des miroirs [« Inne i spegelsalen »], Astrologie [« astrologi »], 2023

La Rose la plus rouge s’épanouit

A Göteborg on a vu aussi :
Constance Debré pour son livre paru tout récemment en Suède (Atlas Förlag)
« Love me tender » (2020, Editions Flammarion) qui marque le tournant à l’international de la carrière de l’autrice française après son premier roman paru en 2018 Play Boy. Dans ce roman autofictionnel au style brut, incisif et percutant, il est question de la remise en cause des normes sociales, d’homosexualité et de parentalité. Constance Debré a reçu un beau succès public et critiques pour son roman autofictionnel Love Me Tender, (publié en Suède chez Bokförlaget Atlas) dans une traduction d’Emma Majberger. Le roman pose des questions brûlantes d’actualité sur la maternité, l’amour, l’identité et les normes : qui décide qui on aime et comment faire son deuil ?

L’écrivain Abdellah Taïa, qui a déjà été présenté au public suédois en 2012 avec son roman autobiographique « Une mélancolie arabe« , est venu avec son dernier livre « Vivre à ta Lumière »,(Leva i ditt ljus, Elisabeth Grate Förlag), un émouvant hommage à sa mère.
Ce livre vient entièrement de toi. Son héroïne, Malika, parle et crie avec ta voix.” Ainsi écrit l’écrivain marocain Abdellah Taïa, qui vit à Paris, dans la dédicace à sa mère dans son roman “Vivre à ta lumière” qu’il lui dédie. C’est Malika, une femme du pays, qui prend la parole. Sur la pauvreté et l’oppression pendant la colonisation française. Furieuse, elle raconte ses stratégies pour échapper aux injustices de l’histoire.

Enfin, nous avons croisé Jon Fosse le nouveau Prix Nobel de Littérature 2023 « Pour son théâtre innovant et sa prose qui donne une voix à l’indicible », lit-on dans la justification lue par le secrétaire permanent de l’Académie suédoise, Mats Malm. Le dramaturge norvégien, né en 1959, était en tête des paris. Alors qu’il est largement traduit en français (chez L’Arche) et d’abord poète et romancier, son œuvre a été mise en scène en France par Claude Régy, Patrice Chéreau et jouée sur les scènes du off d’Avignon cet été.
Parmi bien d’autres récompenses internationales, il a reçu pour sa pièce Quelqu’un va venir le prix international Ibsen en 2010.
« Un grand jour pour la littérature norvégienne » s’accorde la presse locale même si le lauréat qui s’y préparait, selon son éditeur, se sentait « débordé et quelque peu effrayé par la nouvelle« , à la manière de ses personnages « angoissés, insécures et obsédés par les questions de vie et de mort ».
Francofil reviendra, en décembre lors de la cérémonie de remise des prix Nobel, sur Jon Fosse, son œuvre  littéraire et son théâtre.

Crédits Photos : Natalie Greppi et Niklas Maupoix /Bokmässan Göteborg