2010 sur 20, une moyenne !
D’humeur confirmée…
On se dit parfois qu’on a peut être tort, que n’étant pas Suédois, il vaut peut être mieux la mettre en veilleuse au niveau des critiques, que ça va froisser les nationalistes durs et purs, qu’on est ingrat envers le pays d’accueil, bref, un tas d’arguments creux et totalement infondés à partir du moment où l’on paie des impôts et participe qu’on le veuille ou non à l’aventure du royaume. Par surcroît, le jour où l’on s’aperçoit que l’on n’est pas seul à penser de la sorte, que d’autres partagent les mêmes vues – des Suédois en plus – on est alors tenté d’en rajouter une couche, au risque, pour le coup, de se voir taper sur les doigts par les souverainistes de tout poil : de quel droit, gnagnagna ?
Ainsi, lorsque le ministre de l’agriculture suédois, Eskil Erlandsson, réitère ses ambitions de vouloir faire du royaume de Suède une nation non seulement culinaire, mais aussi exportatrice leader de produits alimentaires made in Suède, certains commentateurs et éditorialistes suédois voient dans cette prétention une attitude qui relève plus du délire mégalomaniaque que du discernement raisonnable. Supplanter la France et l’Italie et faire de la Suède la nation culinaire numéro uno en Europe, c’est l’objectif de la campagne qu’a lancée le ministre. Trois institutions joignent leur force pour y croire, le ministère de l’Agriculture, le Centre suédois du commerce extérieur (Exportrådet) et l’Office du tourisme suédois (Visit Sweden). Budget : 17 millions d’euros pour créer un site alléchant le chaland ! Le problème, comme le mentionnait une éditorialiste suédoise de renom, c’est que pour décrocher la timbale de nation culinaire, il faut, non seulement s’en donner les moyens, mais assumer aussi en donnant beaucoup de soi-même. Et ce n’est pas quand les étoilés de Suède ferment leurs gargotes les dimanches, jours fériés et durant les vacances industrielles, que ça va faciliter la montée au pinacle. Côté produits alimentaires, il faudra beaucoup d’efforts de la part des fabricants suédois pour arriver à la cheville de nombreux concurrents en Europe. Un exemple comme un autre : les saucisses. Les suédoises sont assez insipides ; elles ne contiennent pratiquement pas de viandes. Si les charcutiers suédois veulent se mettre au diapason et exporter, il va leur falloir modifier leurs recettes. Les touristes feront-ils pour cela le voyage en Suède pour goûter de la Morteau, de la Strasbourg ou de la Thuringe allemande ? Bref, devenir culinairement correct ne se décrète pas. Quant à la folie des grandeurs… un peu d’humilité n’aurait pas nui.
D’humeur carnassière…
Début novembre, quelque 300 rennes d’un troupeau de 3 000 têtes se noient dans un lac du nord de la Suède lors de leur migration des pâturages d’été vers ceux d’hiver, la glace du Kutjaure ayant cédé sous leur poids. Que faire des carcasses récupérées par les éleveurs Sami ? Les vendre aux équarisseurs ? Impensable, trop onéreux. Les laisser pourrir ? Pas sain, sain… Le parc animalier de Kolmården, près de Norrköping, a alors une idée beaucoup plus pragmatique. Et si on les donnait en pâture aux tigres de Sibérie et aux lions du parc ? L’idée était sans doute trop simple, trop naturelle, ça ne se fera pas… les carcasses de rennes pourriront dans la toundra laponne ! À quoi ça sert que le Sami se décarcasse ?
D’humeur loup…trée…
Loup y es-tu ? Si oui, planque toi bien, les chasseurs sont à tes trousses ! Le Parlement suédois a en effet décidé d’autoriser de nouveau la chasse au loup. Après leur avoir fichu la paix pendant 45 ans, il n’est que temps de refaire parler la poudre. Pratiquement disparus à la fin des les années 1960, les loups réapparaissent au milieu des années 1970. Ils viennent de Russie. Gentiment, les meutes se reforment ; trop vite, au goût des autorités qui ont décidé d’en limiter le nombre. Il existe actuellement 23 meutes, soit quelque 240 loups. Les politiques n’en veulent que 210. Une trentaine de canidés devront être sacrifiés. Ça se passera de janvier à la mi-février, date du début de la saison des amours chez le loup… du moins pour ceux qui en réchapperont ! Pas facile de tenir le loup par les oreilles (tenere lupum auribus). Situation toute aussi critique pour les lynx (1 800 bêtes, 100 à dézinguer) et les gloutons (environ 700, 50 en excédent). Le glouton, comme le loup, attaquent les troupeaux de rennes, les Sami ne tiennent pas à les voir rôder autour de leurs ongulés. Pour eux, les quotas proposés par la direction de la protection de l’environnement sont totalement insuffisants. Heureusement que toutes ces bestioles sont protégées ! Non, l’Homme est un loup pour l’Homme… mais aussi pour les prédateurs de tout poil.
Aux dernières nouvelles, les 27 loups du quota ont été liquidés en deux jours. (13 000 chasseurs étaient sur leurs traces).
D’humeur dive…
Alors que le restaurant de la Tour d’argent à Paris procédait à une vente aux enchères de 18 000 bouteilles de sa cave en comprenant 450 000 (!), Systembolaget, le monopole de la distribution des vins et spiritueux suédois adjugeait quelques bonnes bouteilles n’ayant jamais trouvé acquéreur dans ses magasins, dont des Château Pétrus, La Tâche, Château d’Yquem, Lafite Rothschild, etc. Les prix de vente n’étaient certes pas les mêmes pour les trésors de la Tour d’Argent (25 000 euros pour une bouteille de Cognac de 1788, ou encore 5 100 € pour six bouteilles de Vosne Romanée de 1988 et 2 700 € pour une bouteille de Vouvray) que pour le monopole, mais tout de même. Que dire d’une caisse de douze bouteilles de Château Pétrus pour 31 000 € ? D’une caisse de La Tâche pour 29 000 € ? Ou encore d’une bouteille d’Yquem à 2 500 € ou d’un Château Lafite à 1 700 € ? Où la soif peut parfois mener ? À la vôtre… Skåååååååål !
D’humeur déboisée…
La conférence de Copenhague sur le climat, la COP 15, nous a au moins révélé une chose en marge de la zizanie générale sur le sujet. Les Suédois ont une définition de la solidarité qui s’assimile plus à de l’individualisme qu’à de la fraternité. Ils ont confondu réflexe solitaire et esprit solidaire. Une lettre peut changer le cours de l’Histoire, la preuve. Le protocole de Kyoto, épure incomplète des actions à mener pour limiter les gaz à effet de serre, ne prévoyait pas de quotas des émissions de CO2 dues à la déforestation. Un pays comme la Suède où l’exploitation forestière n’est pas un vain mot estime que sa gestion « durable » de la forêt est exemplaire. Tu parles Charles (XVI !) ? Pour la Suède, mais aussi la Finlande et l’Autriche, pays forestiers en Europe, il s’agissait de défendre bec et ongle le principe du pollueur pas payeur. Ces nations ne prennent pas en compte les émissions de CO2 quand elles abattent des forêts (la faute à Kyoto), mais comptabilisent le CO2 capté lorsqu’elles procèdent au reboisement. La fameuse et fumeuse notion de puits de carbone. Faciles pour elles d’apparaître comme les bons élèves du lâcher de CO2. L’hypocrisie ne s’arrête pas là. Elles demandent aux pays en développement de réduire la déforestation (cause de 25 % des émissions de CO2) en appliquant certaines règles qu’elles ne s’imposeraient pas. Les pays riches ne sont pas à un crédit-carbone près ! Bref, après une bronca soignée, de la France notamment, un compromis devrait être en vue. Quand ? Lorsqu’il n’y aura plus que des brûlis ! Le profil vert de la Suède s’est sans doute un peu fané, qu’à cela ne tienne, les agences de propagande vont réajuster tout ça et redorer sur tranche vert tendre (année multimariages princiers) l’image du royaume que tout le monde envie.
D’humeur lovée…
Mariage princier… suite. La bonne ville de Stockholm, capitale de la Scandinavie selon son conseil municipal, a décidé de marquer les festivités du mariage de Victoria et de Daniel en instituant deux semaines dédiées à l’amour autour de l’événement au mois de juin ! « Love Stockholm 2010 », c’est ce qu’« offre » la capitale. Coût du raout : seulement 700 000 euros. Le contribuable respire… À titre de comparaison, la ville de Stockholm avait budgétisé l’étape stockholmoise de la Volvo Ocean Race l’été dernier à 5 millions d’euros (la moitié de la somme devait être fournie par des sponsors). Au final, les sponsors se sont débinés et l’ardoise pour le contribuable s’est élevée à 4, 4 millions d’euros pour avoir quelques voiliers à quai.
Pour les semaines Love, la ville souhaitent que les sponsors doublent au moins le budget. Ce qui revient à dire que la budgétisation annoncée est loin d’être réaliste. Le contribuable paiera non seulement sa quote-part étatique (le roi avait demandé une rallonge de 2 millions d’euros) mais également son écot municipal, plus éventuellement le reste. Les agapes princières n’amusent pas le manant.
La Suède nation culinaire numéro 1 en Europe ! Quand on voit la double page dans « DN Söndag » du 10 janvier 2010 consacrée à des recettes pour préparer des mini-sandwichs au hareng (avec un morceau d’oignon dessus) au paté (avec un cornichon) et au salami…
Comme on dit, il y a du boulot !