On se rappellera bien sûr son Discours de Stockholm sur les missions de l’intellectuel mais c’est sa petite phrase sur « la justice et sa mère » qui retint toute l’attention, le poursuivit les deux ans qui lui restait à vivre et qui fera toujours date.
Entre le cinquantenaire de sa mort (ce 4 janvier 2010), cette idée de le « panthéoniser » et le centenaire de sa naissance en 2013, il est évident qu’Albert Camus est toujours d’actualité et que l’on entendra encore beaucoup parler de lui, de ses livres, de son œuvre (on ne compte plus les couvertures de magazines en France et même ici SVenska Dagbladet a consacré une pleine page sur Camus lundi 4 janvier).
C’est Bernard Pivot dans le JDD qui rappelle cette anecdote
« Le 10 décembre 1957, l’écrivain reçoit en grande pompe son prix Nobel de littérature. Deux jours après, le 12 décembre, une conférence de presse se tient dans le grand amphithéâtre de l’université de Stockholm. Beaucoup de questions, en particulier sur l’insurrection algérienne. Camus est interpellé par un jeune militant algérien qui lui reproche de ne pas s’engager pour l’indépendance. L’écrivain lui demande son âge. On polémique, on se coupe la parole. C’est dans ce climat d’énervement que Camus prononce l’une de ses phrases les plus célèbres, les plus controversées: « Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. » …
… Responsable en quelque sorte de cette parole historique, l’Algérien est aujourd’hui octogénaire. Il habite toujours Stockholm. Il s’appelle Saïd Kessal. José Lenzini l’a récemment retrouvé et interviewé. José Lenzini est un fervent et solide camusien. Il publie un livre sur Les Derniers Jours de la vie d’Albert Camus, autrement dit un récit de son dernier voyage, les 3 et 4 janvier 1960 (…) –, en voiture, avec Michel Gallimard, la femme et la fille de celui-ci, de Lourmarin à… L’accident eut lieu dans l’Yonne, entre Sens et Fontainebleau. On a retrouvé dans les bagages de l’écrivain le billet du train qu’il aurait dû prendre l’avant-veille de sa mort et auquel il avait renoncé par amitié pour un homme qui, contrairement à lui, aimait les voitures sportives et la vitesse.
Saïd Kessal, l’Algérien de Stockholm retrouvé par José Lenzini, s’était senti humilié par la façon dont Camus lui avait répondu. Il ne connaissait pas alors son œuvre. Il a d’abord lu Misère de la Kabylie. « Ce fut un choc pour le Kabyle que je suis. » De la lecture de tous les livres de Camus il est sorti « bouleversé« . Il décida ensuite de le rencontrer. « Je suis allé voir Jules Roy, qui m’a dit qu’il venait de se tuer en voiture. Alors, je suis descendu à Lourmarin et j’ai déposé des fleurs sur sa tombe. »
Il y a un peu plus de deux ans le Musée de la Méditerranée à Stockholm saluait le cinquantenaire de son Nobel. Dans un peu plus de trois ans, en novembre 2013, on fêtera le centenaire de sa naissance. Le Musée, l’Université, les Ambassades concernées… l’Algérien de Stockholm pourraient profiter de l’événement et ainsi recadrer le contexte dans lequel il faut entendre sa fameuse petite phrase de Stockholm qui fit souvent l’objet de raccourcis et d’interprétations erronées. Elle a été prononcée lors d’une conférence de presse en réponse à une question formulée en termes plutôt polémiques mais cette réponse fut claire : « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger, par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice mais je défendrai ma mère avant la justice. »
En 1957, alors âgé de 44 ans, Camus reçoit le prix Nobel de Littérature pour « l’ensemble d’une œuvre qui met en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes. » De nos jours mais toujours d’actualité !
Qui a dit qu’on ne parlait pas de la France dans les journaux suédois ??
Prenez le DN du 16 janvier page culture bien sûr !!
Chronique sur la place de l’intellectuel chez Camus et Sartre, puis une double sur leur rivalité
Un papier sur la venue de Faïza Guène, Kiffe, kiffe demain…
Une pleine page sur la sortie de la traduction du Marin de Gilbratar de Marguerite Duras… Et une brève sur les accusations de plagiat entre Marie Darrieussecq et Camille Laurens et leurs 2 nouveaux bouquins en réponse… Bref des lectures en perspective et variées en plus !