Comment la Suède est devenue le pays de l’innovation ? (2/4)

Au rayon des inventions, la Suède n’a rien à envier aux grandes nations industrielles. Très tôt l’inventivité des Suédois s’est imposée avec des découvertes qui, aujourd’hui encore, façonnent notre quotidien.

Lire ci-dessous le 2ème volet du reportage de Jean-Paul POURON :
Ça ne s’invente pas, ça se découvre !

Eurêka !
Quelques grands savants suédois ont transmis le fruit de leurs cogitations pour la postérité.

Anders Celsius, physicien et astronome, pour son échelle thermométrique (1742). Il avait choisi la température d’ébullition de l’eau comme point zéro et la température de la glace fondante comme point cent. C’est son compatriote Carl von Linné, médecin-botaniste, connut par ailleurs pour sa classification des végétaux, animaux et minéraux, son systema naturae (1735), qui inversera la donne en renversant les degrés de l’échelle : 100º ébullition, 0º solidification.

Carl Wilhem Scheele, chimiste et pharmacien, est à l’origine de la découverte de plusieurs éléments atomiques, dont le chlore, qui plus tard, grâce au comte Berthollet, aboutira à la fameuse eau de javel qui contribuera à l’hygiène et servira à désinfecter.

Jöns Jacob Berzelius, médecin et surtout chimiste s’inspirera des travaux du physicien français Joseph-Louis Gay-Lussac et du chimiste britannique John Dalton pour dresser le premier tableau des masses atomiques (1818). On lui doit aussi les représentations symboliques des éléments atomiques à une ou deux lettres tirées de leurs noms latins.

Anders Jonas Ångström, physicien et mathématicien de génie, a été le premier à mesurer les longueurs d’ondes lumineuses. L’unité qu’il utilise pour cela est égale au dix millionièmes de millimètre. En 1905, elle deviendra l’angström (Å), qui sera abandonné en 1960. C’est le père de la spectroscopie moderne.

– Toujours dans le domaine des bons spectres, Johannes Robert Rydberg, physicien, s’intéressera lui aux spectres optiques des éléments. Il contribuera avec la « constante de Rydberg » à la découverte de la structure de l’atome. Le Rydberg est utilisé en spectrométrie et en atomistique. Depuis 1994, un petit cratère sur la lune porte son nom.

Karl Manne Georg Siegbahn, physicien, contribuera aussi à la compréhension de la structure de l’atome en améliorant les spectromètres et la spectroscopie par rayons X. Prix Nobel de physique en 1924, il met en évidence la diffraction de ces mêmes rayons X en 1925.

Place aux ingénieurs-inventeurs
À partir des années 1850, l’industrie suédoise connaît un essor formidable. L’industrialisme suédois reste intimement lié à ses inventions et à un chapelet de découvreurs que le monde entier connaît (si, si !).

Gustaf Dalén, un gazier extraordinaire qui démarre dans l’acétylène chez AGA (AB Gasaccumulator) en mettant notamment au point le mélangeur Dalén (une proportion adéquate d’air et d’acétylène) qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1912. Il est l’inventeur des feux clignotants au gaz pour les bouées et les phares et de l’allumage et de l’extinction automatique de ces derniers (un clapet photoélectrique commandait l’alimentation en acétylène). L’explosion d’un tube de gaz lui coûtera la vue.

– Avec son nom à consonance française, nombreux sont ceux qui sont persuadés en France que l’écrémeuse de Gustaf de Laval est d’origine française. Tout faux ! Il est cependant vrai que son père, Jacques, était français. On lui doit aussi la machine à traire les vaches. Pour Gustaf tout tournait autour de la force centrifuge. Ses turbines à grande vitesse ont fait l’objet de moult brevets. Il en déposera 92 en tout et créera 37 entreprises (dont Alfa-Laval) !

L’hélice pour la propulsion des navires est à mettre au compte de John Ericsson, bricoleur de génie, qui avait déposé un brevet la même année que le Britannique, Francis Smith et le Français, Frédéric Sauvage. Auparavant, il avait construit une locomotive, la Novelty qui s’était frottée à la Rocket de Stephenson en Angleterre. La Rocket arrivera la première en gare ! Il émigre aux États-Unis où il met au point une hélice à six pales et où on lui confie la construction du cuirassé Monitor qui mettra en bouillie le Merrimac lors de la guerre de Sécession… ça c’est sûr ! Le dernier et unique cuirassé de la classe des Monitor, le Sölve est au musée de la Marine de Göteborg.

– Graham Bell a mis au point le téléphone (huit inventeurs étaient en fait sur les rangs !), Lars Magnus Ericsson les produira en série, en développant les standards téléphoniques et les réseaux. Les téléphones de la Telefonaktiebolaget L. M. Ericsson (actuellement Ericsson) seront commercialisés dans le monde entier. Aujourd’hui ce sont les centraux téléphoniques numériques (AXE) et les réseaux de systèmes de radiotéléphonie mobile qui sont aussi vendus à travers le monde.

– La mécanique de précision n’aurait sans doute jamais mérité son appellation sans le jeu de cales de Johansson ! Carl Edvard Johansson, dont la tolérance est apparemment réduite, réalise des cales-étalons de un millième de millimètre. Le contrôle qualité dans les processus de fabrication est né ! (l’entreprise CE Johansson existe toujours)

– On en fabrique quelque 40 millions par an et toujours sur le modèle déposé en 1891 par un bricolo génial qui en pinçait pour la mécanique : Johan Petter Johansson. La pince universelle et la clé à molette sont aujourd’hui dans toutes les bonnes boîtes à outils.

– Dans le monde des échangeurs de chaleur et de la traction ferroviaire, le nom de Birger Ljungström n’est pas inconnu. La turbine Ljungström (turbine à vapeur à haute pression) mise au point avec son frère Fredrik produit encore des réactions. Il était aussi le papa d’une petite reine à roue libre et frein arrière (casse-gueule peut être ?).

– Ils se sont mis à trois pour les allumettes suédoises dites de sûreté. Le feu ça mérite bien ça ! Gustaf Erik Pash, Edvard Lundström (celui que tout le monde connaît) et Alexander Lagerman. Chacun en son temps s’entend ! Un peu avant eux, un Français, Charles Sauria inventait l’allumette au phosphore à friction. Trop toxique, le phosphore blanc sera abandonné au profit du rouge, ça c’est Pash. Et puis Lundström bouleverse le concept et c’est finalement le frottoir qui contient le phosphore et qui sert de catalyseur. Et puis enfin, Lagerman mettra en œuvre une machine automatique pour la fabrication d’allumettes et leur mise en boîte. Ivar Kreuger fera le reste avec Swedish Match.

– Boum ! Est-il encore besoin de le présenter ? Le découvreur de la nitroglycérine et de la dynamite, Alfred Nobel ! Celui que la France pensait être un espion ! Les prix éponymes sont aujourd’hui de l’ordre du million de dollars chacun.

Le roulement à billes de Sven Wingquist a carrément révolutionné la mécanique. L’invention du roulement à rotule sur billes et la création de SKF (Svenska Kullagerfabriken) donnent le tournis à l’industrie automobile. Et puis ce seront les roulements à rouleaux sphériques et leurs variantes à l’infini et puis le dernier-né de la firme, le CARB, le roulement à rouleaux auto-aligneur compact mis au point par l’ingénieur Magnus Kellström de chez SKF. Pour la petite histoire, c’est Sven Wingquist qui trouvera le nom de Volvo (je roule en latin) à la firme automobile de la côte ouest créée par un essaimage de SKF.

– C’est en 1862 que Göran Fredrik Göransson fonde Sandvik qui produit alors industriellement des lingots du fameux acier suédois. Les premiers outils de coupe au carbure de tungstène, pour ne nommer que ceux-là, datent des années 1940. Ce seront ensuite les plaquettes en carbure, puis revêtues de céramique et récemment de diamants !

– En matière de courant triphasé, Jonas Wenström a réussi à court-circuiter Nikola Tesla (Serbe d’origine, Croate de cœur et finalement naturalisé américain) après une bataille juridique survoltée. Il a aussi à son actif le générateur de courant continu que fabriquait alors ASEA (Allmäna Svenska Elektriska Aktiebolaget), désormais Groupe helvético-suédois ABB. ASEA qui produira le premier diamant synthétique développé par Baltzar von Platen. General Electric leur damera le pion en 1959 en déposant un brevet avant ASEA.

Baltzar von Platen, innovateur ingénieux (plus de 1 000 brevets à son actif !), récidive avec Carl Munters en créant un réfrigérateur, fonctionnel, silencieux et sans pièce mobile en 1921. Electrolux en démarrera la production en 1925.

Dans le 3ème volet nous aborderons les découvertes en mèdecine.
Lire le 1er volet ici