Le fabuleux destin de Jean-Baptiste Bernadotte : de Pau à Marseille

Le 21 août 1810, le Palois Jean-Baptiste Bernadotte était élu roi de Suède. Le 28 septembre 2010, la princesse héritière Victoria de Suède, nouvellement mariée, se rendra à Pau, dans le cadre des festivités du bicentenaire de l’accession au trône de son aïeul.

Voilà donc deux siècles que le Palois Jean-Baptiste Bernadotte a été élu Prince héritier du Royaume de Suède à la suite d’un étonnant concours de circonstances. Si rien ne prédestinait ce cadet de Gascogne à atteindre un tel rang, la Révolution et l’Empire en décidèrent autrement.

Sébastien HORION, diplômé d’Histoire et spécialiste de la maison Bernadotte nous raconte en 4 volets la saga du Béarnais Jean-Baptiste et de la Marseillaise Désirée, ce futur couple royal de Suède qui n’aspirait pas dans sa jeunesse à de hautes responsabilités mais qui appartenait à cette génération, Révolution et guerre aidant, se retrouva propulsée à des charges inattendues et se lia pour atteindre les sommets du pouvoir.

Jean-Baptiste Bernadotte

De Pau à Marseille (1763-1790)

Dans la préface au Recueil de Lettres, Proclamations et discours de Charles XIV Jean, Roi de Suède et de Norvège, on trouve cette flatteuse notice biographique : « Second fils d’un avocat distingué, il était d’abord destiné à la carrière du barreau. » Le père du futur roi était en fait un modeste procureur au Sénéchal, il avait même été emprisonné pour dettes. La ville de Pau vivait encore dans le souvenir de la Réforme qui lui avait value le titre de petite Genève du Béarn. Les luttes de pouvoir et de souveraineté l’avaient rendue célèbre du temps des guerres de religion, grâce notamment à Henri de Bourbon, roi de Navarre puis Roi de France. Ce fut son fils, Louis XIII, qui offrit en 1620 au Béarn son Parlement faisant de Pau une capitale de province entièrement livrée à des activités judiciaires, administratives et politiques. Les Messieurs de Pau furent dès lors perçus dans le reste de la province comme des « gratte-papiers », les méchantes langues ajoutaient d’ailleurs « Parlement de Pau, parlement de peu. »

La situation des Bernadotte n’était donc pas aussi reluisante que celle décrite par les biographes de Charles Jean vers la fin de son règne. Les Bernadotte n’étaient ni aisés, ni pauvres. Issu par son père d’une famille de tailleurs et par sa mère, Jeanne de Saint-Jean, de la petite noblesse des environs, Jean-Baptiste Jules, né le 26 janvier 1763, semblait avoir une carrière tracée d’avance. Mais ce fut son frère aîné Henry qui devint procureur au même échelon que son père tandis que Jean, le benjamin, préféra le métier de tisserand. La rue Neuve où ils résidaient était l’une des deux rues traversières de la cité, proche du centre mais éloignée de la Grande Rue réservée aux Messieurs du Parlement. Dans son enfance, Jean-Baptiste fréquenta donc davantage les lavandières du lavoir et les galopins chargés d’abreuver le bétail plutôt que l’élite locale.
Ainsi, les lieux qui avaient vu grandir le petit Jean-Baptiste étaient représentatifs des contraintes sociologiques de l’époque. La mobilité sociale était contrôlée par les Messieurs mais dans la seconde moitié du 18e siècle les règles allaient changer.

C’est à la mort de son père en septembre 1780 que Jean-Baptiste prit son destin en main et entra comme volontaire au Régiment Royal-La-Marine. Ce régiment, affecté au service des colonies et des ports, était alors caserné en Corse. Bernadotte y résida deux ans, sans jamais d’ailleurs rencontrer les Bonaparte qui auraient tant d’importance dans sa vie. Il piétina longtemps dans des postes subalternes. Vers la fin de sa vie, en se remémorant cette période d’errance, il avoua qu’il lui en avait plus coûté de devenir simple officier que maréchal de France. Ce n’est qu’en 1790 et à Marseille, que l’on entendit parler pour la première fois de l’adjudant Bernadotte. Au nom de son régiment, il plaida la cause de son colonel, le marquis d’Ambert. Celui-ci fut emprisonné à la suite d’une altercation avec les troupes chargées de maintenir l’ordre dans la capitale phocéenne. Bernadotte y dévoila pour la première fois ses talents pour haranguer les hommes et son physique avantageux fut alors très apprécié. Ses camarades l’avaient même surnommé « sergent belle-jambe. » En effet, différents contemporains le décrivirent comme un grand jeune homme assez maigre, à l’épaisse chevelure noire frisée, au regard vif et doté d’un nez en bec d’aigle.

Ce ne fut pas à Marseille qu’il rencontra Désirée Clary, sa future épouse, alors que celle-ci y résidait depuis sa naissance, le 8 novembre 1777. Son père, François Clary, était l’un des notables les plus en vue de la ville. Échevin et membre de la chambre de commerce, il dirigeait une prospère entreprise d’exportation de céréales et de produits manufacturés. La famille habitait rue de Rome un hôtel cossu où Désirée grandit aux côtés de son inséparable sœur aînée, Julie. Même si les événements de 1789 allaient bouleverser cette prospérité et ce bonheur, ils permirent aux sœurs Clary de faire la connaissance d’une famille qui, plus encore que la Révolution, allait changer leur destin. En effet, durant la terreur, le nouveau commissaire des guerres, Joseph Bonaparte, intervint dans la protection d’un des fils Clary condamné à mort pour royalisme. C’est ainsi que Julie fut promise à Joseph et que Désirée fit la connaissance de Napoléon. Cette rencontre et la relation amoureuse qui s’en suivit furent capitales pour Bernadotte car même s’il ne le savait pas encore, Désirée acquit alors un statut unique dans le cœur du futur empereur.

Le futur couple royal de Suède n’aspirait pas dans sa jeunesse à de hautes responsabilités mais tous deux  appartenaient à cette génération qui, à la faveur de la révolution, se trouva propulsée à des charges inattendues. Vous lirez dans le prochain volet comment Désirée et Jean-Baptiste se lièrent pour atteindre les sommets du pouvoir.

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