Des ours sur la Place du Sénat

Si il y a bien un endroit dans Helsinki qui pour tous et toutes est familier, il s’agit bien de la place du sénat. Cette majestueuse ouverture créant comme une clairière dans un sous-bois urbain peut certainement se targuer d’être un des points focaux de la capitale.
Trônant sur son fleuri piédestal, le Tsar et ses yeux oxydés y auront certainement vu passer à travers les décades, de bien étranges hères. Régnant sans limites sur une place créée par ses vœux, rien n’aurait pu préparer notre souverain métallique à partager un tel dû.
Alexandre n’eut malheureusement, pas son mot à dire quand, le premier septembre de cette année, il se réveilla pour découvrir son royaume envahi par la plus étrange des armées ; une horde d’ours en fibre de verre.
En effet, après Berlin, Sydney, Tokyo et Hong-Kong, l’exposition des Buddy Bears envahissait cette fois Helsinki, pour le plus grand malheur de notre absolu monarque.
Mais qu’est ce donc que cela, cette exposition d’”Ours copains” ? Un happening artistique ? Une installation publicitaire ? Un simple coupe de fumée ? Que Nenni ! Cette exposition, initiative de l’UNICEF a été conçue sur le thème de la Paix et du dialogue interculturel ; bien noble cause achevée ici à travers le prisme de l’art et sur support oursin.
Le concept clef de cette exposition est quant à lui, l’égalité. Chaque Ours étant conçu sur le même modèle et ainsi laissé au bon soin de l’artiste chargé de son ornementation. L’artiste est libre de peindre, dessiner, habiller son compagnon selon son envie et d’après le thème imposé; un ours-un artiste-un pays. En effet, les Buddy Bears se veulent une sorte de fenêtre culturelle et personnifient l’idée que l’artiste a de sa propre contrée.
Parmi les plus de 140 Buddy bears exposés (un pour chaque nation reconnue par les nations unies), certains sont chatoyants, détaillés, conceptuels ou humoristiques… Il serait un effort surhumain que de décrire chacune de ces réalisations selon le point de vue de l’historien de l’art, et là n’est pas le but de l’évènement. Cette exposition en plein air est plutôt pensée comme une promenade. Marcher le long de la rangée d’Ours, jeter un coup d’œil sur le premier en vue, découvrir les insondables subtilités de son pelage acrylique et passer au prochain. Une expérience véritablement ludique, en témoignent les nombreux bambins vus chahutant aux alentours de ces grandes peluches.
Le plus remarquable dans toute cette histoire est peut-être que quasiment toutes les œuvres d’art ont quelque chose à offrir. Comment ne pas se retrouver agréablement perplexe devant le déferlement de couleurs de la Pologne ? Comment ne pas être fasciné par la majesté émanant de la Turquie ? Et qui, faisant face au Canada, ne peut s’arrêter pour mieux contempler cette téméraire expression de Postmodernité ? En tout et pour tout, juste deux ours font réellement pâle figure. En effet, la Libye et la Corée du Nord ressemblent plus à des œuvres de Propagande bien exécutées qu’à de réelles représentations artistiques.
Au final, il est presque certain qu’une telle initiative n’a du laisser personne sur sa faim. Touristes et locaux jusqu’aux officiels venus présenter l’évènement, tous passèrent d’agréables après-midi à errer ainsi parmi de forts attrayants quadrupèdes. On pourrait même parier que, jetant un coup d’œil furtif sur l’ours Russe tout effarouché, le Tsar Alexandre lui même eut droit à son lot de gaité.

Helsinki, Place du Sénat, jusqu’au 26 octobre

Texte et photos : Lyonel Perabo