L’église d’État essuie d’imprévus remous

La Finlande, comme tous les autres pays scandinaves, est dotée d’une église d’État, luthérienne, et au caractère fortement institutionnel. Néanmoins, malgré son ancienneté et sa rigoureuse organisation, l’église endure les plus grandes peines du monde à susciter l’enthousiasme de ses fidèles. Une situation devenue plus apparente encore depuis que les propos controversés de Päivi Räsänen ont fait le tour du pays.

Le mardi 12 octobre, la chef du parti chrétien démocrate (PCD ; 7 sièges au parlement) était l’un des invités d’un débat télévisé portant sur les droits des communautés gay et lesbienne. Mme Räsänen, fidèle à la ligne idéologique de son parti, réitéra son assomption que la Bible définissait l’homosexualité comme un péché.
Rien de bien nouveau, pourrait-on penser, mais l’on aurait bien tort, car ces propos, plutôt anodins pour un politicien à tendance “chrétienne” ont en effet engendré une signifiante vague de retraits de l’église nationale, plaçant la chef du PCD sous un impressionnant flot de critiques.

Ce mouvement de retrait de l’église a pu être statistiquement observé à travers le prisme du site Eroakirkosta.fi, qui opérant depuis 2003, permet aux membres de l’église de quitter celle-ci par une simple succession de clicks.
On a pu par exemple noter que, en 2009, quelque 39.000 ouailles quittèrent l’église par ce biais. Depuis le 12 octobre, pas moins de 33.000 personnes ont fait de même. Contrairement à ce que certains médias sensationnalistes ont pu déduire de ces chiffres, il n’y a pas de quoi parler d’un “exode” des croyants finlandais. L’église compte toujours plus de 4 millions de membres, ce qui en fait une des plus importantes églises luthériennes au monde.
Le mouvement serait plus représentatif d’un profond désintéressement des Finlandais pour leur église nationale. En effet, malgré des chiffres impressionnants dans l’absolu, la réalité spirituelle de l’église nationale de Finlande est bien plus grise. On constate que depuis la seconde moitié du XIXème siècle, la société finlandaise n’offre plus qu’une place très restreinte à l’église.
Si la plupart des nouveau-nés sont en effet baptisés et que mariages et enterrements sont pratiquement tous religieux, les services dominicaux sont massivement désertés, et cela malgré les efforts conséquents des autorités religieuses. L’église de Finlande a en effet, dans le désir de ne pas accroître la distance la séparant de ses fidèles, consenti à plus d’une réforme. L’église autorise l’ordination de femmes au rang de prêtrise, et ce depuis 1986 et n’est opposée ni au divorce ni au remariage.
Ces efforts pour rester en phase avec son époque n’ont eu qu’un effet minime et ce sont même révélés coûteux ; les églises libres, généralement luthériennes et plus intransigeantes sur les questions relatives à la foi ont connu une croissance continue au fur et à mesure que l’église nationale se libéralisait.

Replacé dans ce contexte peu favorable à l’église, l’”affaire Räsänen” n’a fait qu’empirer les choses et la politicienne a du endurer sur tout ses flancs une volée de commentaires acides et de critiques. L’Archevêque de Turku, plus importante autorité religieuse du pays, s’est publiquement distancié des propos du président du PCD, précisant que cette dernière ne représentait en aucun cas l’église lors du débat.
Il semblerait au final que la déclaration de Mme Räsänen aura en quelque sorte “mis le doigt là où ça fait mal” ; plus que la résignation de quelques fidèles et la subséquente perte financière qu’elle représente (Il existe en effet un impôt religieux que tous les membres de l’église paient), c’est le développement médiatique de l’affaire qui aura été le plus préjudiciable à l’église ; elle aura rappelé à tous que l’église évangélique luthérienne de Finlande, institution plusieurs fois centenaire, semble en ces temps sur la voie du déclin.

Lyonel Perabo

Une réflexion au sujet de “L’église d’État essuie d’imprévus remous

  1. Philippe Guicheteau

    En Suède, il n’y a pas d’église d’État. Eglise et Etat sont séparés depuis qq années.