Et elle est venue de loin ! Au WeeGee d’Espoo, une centaine de soieries prêtées par le Musée national chinois de Hangzhou s’expose dans toute sa splendeur.
A l’origine, un ver peu gracieux et, en bout de chaîne, un textile des plus précieux. Miracle ou magie ? Non, simplement l’ingéniosité de la Nature – et des hommes qui ont su en tirer partie. Le ver mange des feuilles de mûriers, il tisse son cocon pensant se transformer tranquillement dans son intimité et… c’est là qu’on l’ébouillante ! Pour ensuite dévider son fil incomparable. Petit sacrifice pour de grands bénéfices.
Les premiers témoignages de ce raffinement remontent au néolithique chinois, il y a près de 5000 ans ; et déjà, les techniques de tissages étaient bien accomplies. Du fait d’un coût élevé, la soie était réservée à l’origine aux rituels. Plus tard, elle se répandit parmi la Cour impériale et l’armée de fonctionnaires (les « lettrés ») que comptait l’administration chinoise. A l’instar d’autres inventions de l’Empire du Milieu, telle la porcelaine, le secret de fabrication de la soie était jalousement gardé. C’est compréhensible, il s’agissait de l’un des plus importants produits d’exportation chinoise. Ce ne fut qu’au VIème siècle que la sériciculture essaima hors des frontières. Fin d’un monopole, mais bien loin de la fin d’une réputation d’excellence.
Bien entendu, qui dit soie, dit aussi route de la soie. Partant de l’ancienne capitale dynastique de Changan (actuelle Xian), traversant l’Asie centrale jusqu’à la Syrie et au Proche-Orient, aux rivages de la Méditerranée grecque et romaine. Un commerce international plus que profitable, surtout si l’on considère qu’un kilo de soie s’échangeait alors contre un kilo… d’or !
Au fil de l’exposition, le regard passe de morceaux antiques des plus simples – et des plus marqués par le temps – aux pièces les plus complexes – la folie des grandeurs et des couleurs de la dernière dynastie chinoise, les Qing. Ne manquez pas les « chaussures aux lotus de 3 pouces », pour pieds féminins bandés – tant de raffinement pour un sort si cruel… Quant au chapeau-dragon, il ne manquera pas de faire rêver aux royaumes célestes d’Extrême-Orient.
Pour les plus modernes, une belle collection de robes dites « qi-pao » attire irrésistiblement le regard. Des robes sensuelles, moulant les formes les plus féminines, aux manches courtes et au col droit, qui nous ont fait tant rêver dans le cinéma asiatique – des années 1930 de Lust, Caution aux années 1950 de In the Mood for Love. Ainsi soie-t-elle.
Musée d’art moderne EMMA
Ahertajantie 5, Tapiola, Espoo
http://www.emma.museum/
Article : Camille Scoccini