Le Danemark. Un petit pays paisible d’Europe du Nord, réputé pour ses contes de fées, son schnaps et son ouverture d’esprit. Voilà ce qu’évoquait la mention du royaume dans l’esprit collectif européen de jadis. De jadis, précision utile car il semblerait que depuis l’affaire des caricatures de 2005, le plus méridional des pays scandinaves ait montré une tendance de plus en plus nette vers le populisme bas de caniveau. Une fois de plus, ce sont les immigrés/musulmans/non-blancs qui sont pointés du doigt et gentiment repoussés à la périphérie de la société danoise. Le dernier développement de cette tendance est un durcissement féroce de la fameuse “Règle des 24 ans”…
Pour ceux qui n’en auraient pas conscience, le Danemark est, au jour d’aujourd’hui, l’un des plus stricts pays d’Europe concernant l’immigration. Depuis 2001, le gouvernement de centre-droit a passé plusieurs textes de loi durcissant la politique d’immigration du pays. Le grand responsable de cet état de fait est le Parti Populaire Danois (Dansk Folkeparti), un parti politique affilié à la nouvelle droite qui soutient le gouvernement en place depuis neuf années en échange de concessions politiques concernant l’immigration. Ce parti a un rôle clef dans la vie politique du royaume ; avec 25 sièges au parlement il représente la troisième force de la chambre. En comparaison, le Parti Libéral du Premier ministre Anders Rasmussen en détient 46.
Surfant sur la vague de l’Islamophobie, le PPD devint une force politique conséquente lors des turbulentes élections de novembre 2001 et parvint à se maintenir dans l’arène politique lors de l’affaire des caricatures danoises de 2005. Une des plus grandes réussites du parti est probablement la mise en application de la ”Règle des 24 ans” en 2002. Cette loi que les politiciens danois ont vendu comme une barrière au mariage forcé est en fait un outil légal qui a principalement permis de limiter drastiquement le nombre de rapprochements familiaux sur le sol danois.
D’après cette loi, un citoyen danois ne peut faire venir un conjoint étranger qu’à partir du moment où tous les deux sont âgés de 24 ans ou plus. Le couple doit également avoir des liens plus fort envers le Danemark qu’envers un quelconque pays tiers et doit posséder une certaine somme d’argent ainsi qu’habiter un appartement aux normes pour prouver leur solvabilité. Bien évidement, tous ne peuvent remplir ces conditions pour le moins drastiques et les réunifications familiales ont de ce fait connu une forte baisse. En 2002 on comptait 8151 de ces réunions et en 2005, seulement 3525.
Dès sa mise en application, la mesure a été fortement critiquée, notamment par les organisations de défense des droits de l’homme. Celles-ci pointent du doigt le fait que la loi n’a pas fait disparaitre les mariages forcés, elle a juste écarté le problème, ne laissant aux victimes que la possibilité de repartir dans leur pays d’origine ou dans un autre pays européen où, éloignés de leurs réseaux sociaux et familiaux elles seront d’autant plus vulnérables.
Mais cette loi, toute rigide qu’elle est, n’était que le commencement d’une campagne bien plus importante de la part du PPD. Dans l’Europe de l’après crise avec son climat social abrasif et ses mornes réformes en tout genre, le parti nationaliste enfourcha de nouveau son cheval de bataille préféré et engagea une nouvelle campagne contre l’immigration.
En conséquence, au printemps de cette année, la coalition gouvernementale ratifia une nouvelle loi restreignant l’accès aux cartes de séjour aux immigrés. Le nouveau système est en effet une sorte de permis à points où sont combinés des données comme la connaissance du danois et la situation de l’individu sur le marché su travail. Ce dernier point est extrêmement strict ; il faut en effet avoir travaillé deux ans et demi sur les trois dernières années pour obtenir suffisamment de points. En revanche, ceux qui ont la chance de posséder un travail au Danemark n’auront qu’à prouver deux petites années de plein emploi.
Suite à la mise en application de la loi, le PPD prit de nouveau la parole et durcit encore une fois son discours. En août, le parti déclara ni plus ni moins se préparer à stopper l’immigration non-européenne dans le royaume. Une des propositions mise sur la table étant un durcissement de la ”Règle des 24 ans” qui deviendrait elle aussi sujette au permis à points très similaire à celui utilisé pour décerner les permis de séjour. Dans cette version, d’autres facteurs comme l’éducation, le nombre de langues vivantes maitrisées et bien sûr la réserve pécuniaire et l’employabilité sont au programme. De plus, tout conjoint désirant résider au Danemark avec son partenaire devra payer une caution de 100.000 Couronnes (13.400 Euros) pour que la demande soit acceptée, ce qui constitue un doublement de la somme autrefois demandée. D’après Leif Randeris du conseil de l’immigration danoise, sous la nouvelle réglementation, 95 % des demandes de permis de séjour seront infructueuses.
Finalement adoptée en décembre, cette mesure a, cette fois ci, suscité une réaction populaire ; le 8 décembre, une impressionnante foule de 6000 manifestants a défilé dans les rues de Copenhague et est allée exprimer son indignation devant les murs du parlement. Organisée par ”Ægteskab uden Grænser” (mariages sans frontières) qui avait appelé ses 16.000 fans de Facebook à descendre dans les rues. La manifestation, qui comptait également dans son programme divers discours politiques et un concert a fait écho à d’autres mouvements similaires menés dans les villes d’Århus et Odense.
En revanche, malgré ce qui semble être l’amorce d’une résistance populaire contre les réformes du PPD, le parti reste plus populaire que jamais. L’an dernier le parti a été capable d’envoyer deux représentants au parlement de Bruxelles (un de plus que lors de la dernière élection) et avec les élections parlementaires de novembre 2011 qui approchent à grands pas, on pourra être sûr d’entendre à nouveau la rengaine populiste du Parti du Peuple Danois.
Par Lyonel Perabo