Attentats de Stockholm : là où mène l’extrémisme

S’il y a bien une nouvelle qui a fait la une des médias scandinaves la semaine passé, c’est bien l’attentat suicide de Stockholm du 11 décembre dernier. Si l’attaque en elle même aurait pu être plus meurtrière, elle prit néanmoins par surprise tout le pays, peu préparé à de tels actes de violence terroriste. Le Francofil’ vous présente ici les faits parfois complexes de l’affaire qui secoue la Suède.

Stockholm, vers le milieu du mois de décembre. Les riverains déambulent dans les rues couronnées de guirlandes électriques. Ils font du lèche-vitrines et achètent cadeaux et victuailles pour les fêtes de fin d’année. Une scène somme toute normale pour la capitale suédoise à quelques jours de Noël.

Mais à 16 h 48 heure locale, ce paisible décor part en fumée. Au croisement de la rue Olof Palmes et de la Drottninggata, une explosion retentit lourdement. La déflagration, provenant d’une voiture stationnée sur le bas côté blesse légèrement deux passants. Tandis que les appels vers le 112 (le numéro d’urgence local suédois) se multiplient et que les pompiers se précipitent vers le lieu de l’incident, une autre déflagration se fait entendre. 12 minutes plus tard et quelques centaines de mètres plus en avant dans la Drottninggata un homme gît dans la neige, sans vie. D’après les témoins, l’homme marchait avant de subitement s’arrêter et se mettre à proférer quelque chose en arabe avant qu’une détonation au niveau de son abdomen ne le laisse gisant sur la chaussée, mort sur le coup.

Les personnes présentes n’en eurent probablement pas immédiatement conscience mais ils venaient d’assister au premier attentat terroriste du pays depuis l’attaque de la bande à Baader sur l’ambassade d’Allemagne de l’Ouest, il y a 35 années de cela.

Néanmoins, les efforts de la police pour élucider cette étrange affaire finissent par porter leurs fruits. Dans les heures et les jours qui suivent, la Säpo (service de sécurité suédois) va donner plusieurs rapports détaillant les véritables agissements de celui qui apparaît de plus en plus clairement comme étant un kamikaze.

Le suspect (identifié à 98 % selon la police) dans cette affaire se nomme Taimour Abdulwahab, 28 ans, d’origine irakienne, il aurait immigré en Suède à l’âge de 12 ans et y serait resté jusqu’en 2001, année où il part s’installer à Luton en Grande-Bretagne pour y suivre des cours de physiothérapie. D’après un de ses amis de l’époque, cité par le Daily-Mail, « la seule raison pour laquelle il décida d’aller à Luton est qu’il y avait trouvé un cours dans une université qu’il appréciait. Le seul but de Taimour -mis de coté prendre du bon temps- était de devenir physiothérapeute. Il n’avait aucun intérêt pour l’Islam avant de s’installer là-bas. Mais quelque chose a changé lorsqu’il était à Luton ».

Dès qu’il fut révélé que le suspect avait vécu presque 10 ans en Angleterre, la nouvelle fit la une de tous les journaux du pays et une investigation menée par la police terroriste partit réquisitionner dans sa maison du Bedfordshire. Là bas, les enquêteurs se mirent au travail. Ils emportèrent la voiture du suspect à des fins d’analyse et interrogèrent sa veuve, Mona Thwany, Roumaine d’origine irakienne qui nie avoir eu connaissance des projets de son mari.

Pendant ce temps, la police suédoise révéla plus de détails concernant le projet terroriste de Taimour Abdulwahab. Le suspect, qui n’avait pas remis les pieds en Suède depuis de nombreuses années, prévoyait la mise en place d’un triple attentat pour causer des dommages maximum au plus grand nombre de personnes. Son premier outil était la voiture qui explosa sur l’Olof Palmes Gata. Il l’aura vraisemblablement piégée et faite exploser à distance. Peut-être avec le téléphone portable qu’on a retrouvé près du corps, à moins que celle-ci n’explosa prématurément. Immédiatement après la première explosion, il aurait envoyé un e-mail aux services de sécurité dans lequel il exposait ses motifs et sa détermination. Dans ce mail, qui contenait également des fichiers audio, il exprime sa haine pour le soutien que la Suède exprime envers l’Amérique ainsi que la présence de troupes suédoises en Afghanistan. Sa déclaration comporte également la dénonciation de la société suédoise qui aurait exprimé son soutien au dessinateur Lars Wilks qui avait causé la controverse en 2007 en exposant des dessins représentant le prophète Mohammed en chien.

D’après la police, Taimour Abdulwahab se dirigeait probablement vers la gare de Stockholm ou le grand magasin Åhlens pour exécuter les phases suivantes de son plan. En effet, il possédait deux autres artifices meurtrier ; un sac à dos explosif rempli de clous et une ceinture d’explosifs composée de pas moins de 12 canettes de gaz. C’est une de ces canettes qui détonna vraisemblablement par accident et tua le suspect alors qu’il se dirigeait vers sa prochaine cible. Par chance, les autres explosifs restèrent inertes et seul le terroriste présumé perdit la vie mais selon la police, une telle attaque menée à bien aurait pu tuer plusieurs dizaines de personnes et en blesser des centaines.

La police suédoise est toujours en train d’enquêter sur l’affaire et est sur la trace de possibles complices. Même si le suspect agit seul le jour de l’attaque, les pistes audio qu’il envoya le même jour ont révélé la présence d’un second personnage lors de l’enregistrement. Si la police révéla quelques jours plus tard qu’environ 200 islamistes présumés vivraient dans le royaume, les enquêteurs semblent pencher pour l’hypothèse britannique.

Luton où a longtemps vécu le suspect est en effet une des pierres angulaires de l’islamisme britannique. La ville, forte de 20.000 musulmans était l’endroit où les kamikazes de 2005 se retrouvèrent avant de tuer 52 personnes lors des tristement célèbres attaques de Londres. Au centre islamique local, Taimour était connu comme un extrémiste depuis de nombreuses années. Selon Farasat Latif, le secrétaire de l’établissement « il parlait d’idées radicales aux jeunes adolescents impressionnables. Mais quand un de nos aînés passait par là, il se taisait immédiatement. Il ciblait les jeunes hommes pleins de colère et d’angoisse qui pouvaient facilement être détournés du droit chemin ».

Devenant de plus en plus radical avec les années, ses appels à la violence cessèrent de passer inaperçus et il fut finalement exclu de la mosquée après que son imam l’ait confronté dans un débat théologique où ce dernier condamna fermement l’usage de la violence religieuse.

A ce jour, le cheminement de Taimour Abdulwahab depuis cette date est encore peu clair. Extrémiste isolé, il aurait pu entrer en contact avec une cellule islamiste locale dans le but de mettre en pratique son discours terroriste. Le journal Svenska Dagbladet a en effet révélé que la police britannique était en train d’enquêter sur de possibles liens entre le suspect et Abou Hamza le tristement célèbre prêcheur de Finnsbury Park (aussi connu sous le nom de « L’Imam crochet »), incarcéré depuis 2007 pour ses appels aux meurtres des non-musulmans.

En Suède, comme dans toute la Scandinavie, on est encore sous le choc. Bien que la police ait affirmé qu’il y avait peu de chances qu’un nouvel attentat ait lieu dans un futur proche, le mal est fait. Un autre pays qui se croyait auparavant à l’abri du terrorisme doit maintenant se tenir sur ses gardes. Du coté de la population musulmane, la condamnation a été unanime. Omar Mustafa, président de l’Association islamique suédoise a publiquement exprimé son dégoût de la violence et a organisé vendredi un sermon dans lequel il déclara que « la Suède est notre pays, ce qui réjouit la Suède nous réjouit. Ce qui blesse la Suède nous blesse ». Dans les locaux de la Mosquée de Stockholm en ce jour, plus de 2000 personnes étaient présentes. Lors de son discours de Noël, mardi dernier, le Premier ministre, Fredrik Reinfeldt, salua l’effort de la communauté musulmane pour avoir rejeté si clairement cet acte de terrorisme. Il profita également de cette occasion pour évoquer un profond sentiment d’unité quant à l’importance de se battre pour l’ouverture d’esprit, la diversité et la liberté dans le pays.

Si l’attaque du 11 décembre n’aura fait que peu de dommages humains et matériels, la possibilité que cet acte de terreur ait une répercussion plus forte au sein même de la société et des esprits suédois est à craindre. Espérons donc que la nation suédoise soit alors aussi unie que le Premier ministre le laisse entendre, pour le plus grand bien de tous.

Par Lyonel Perabo