Juste un petit mois après l’attentat de Stockholm et quelques petites semaines après l’affaire du Jylands Posten, voici une nouvelle page du passionnant feuilleton du terrorisme islamiste scandinave ; la possible incarcération du mollah Krekar. Krekar, comme son titre l’indique est un chef tribal musulman, plus particulièrement kurde qui a vécu comme réfugié en Norvège depuis plus de vingt ans et a réussi à se forger une réputation si pestilentielle qu’il est presque impossible de ne pas le comparer au tristement célèbre Imam de Finsbury Park.
A sa charge, il faut dire que Krekar a plutôt été mauvais joueur dans cette délicate partie que constitue l’asile des réfugiés. Accueilli en 1991, cet Irakien national avait en effet une inclinaison vers l’Islam radical – il avait rencontré Oussama Ben Laden en 1988 – et en 2001, il participe à la création du mouvement islamiste Ansar al-Islam. Cette mouvance extrémiste opérant au Kurdistan irakien fut rendue célèbre par ses actes de terreur et d’oppression envers la population de plusieurs villages situés le long de la frontière iranienne. Entre 2001 et 2002, Krekar effectua un certain nombre de séjours prolongés dans cette région, ce qui amena les autorités de plusieurs pays à suspecter le mollah d’activités terroristes.
Finalement déporté en Norvège en 2003, il fut rapidement placé sous un avis d’expulsion. Cette mesure ne fut en revanche pas menée à son terme, les autorités norvégiennes craignant pour sa vie dans un Irak plongé dans le chaos. Peu de temps après, la police financière investigua le cas Krekar mais fut incapable de trouver des preuves qui pourraient suggérer l’implication directe du mollah dans les attaques terroristes planifiées par son organisation. Sur ce point Krekar adopta une ligne officielle qui demeura inchangée au fil des années ; il aurait quitté la direction du mouvement avant que toute attaque ne soit menée à bien et n’aurait jamais pris part à leur organisation.
Sans regard pour cette « épinalesque » tentative de défense, le gouvernement US l’inclut en 2005 dans sa liste des terroristes présumés et en 2006, le département au trésor des Etats-Unis le désigna comme étant financier de l’ombre de son ancien groupe. Depuis lors, la situation de Krekar est restée dans le flou. Bien qu’étant conspué par l’immense majorité des Norvégiens, le gouvernement, fidèle à son image sociale-démocrate a toujours refusé de l’extrader, allant même jusqu’à lui confisquer son passeport. Il semblait il y a encore peu de temps que Krekar resterait attaché au flanc de la Norvège comme une ennuyeuse tique, déversant son flot de fiel islamiste de temps à autres sans que l’on puisse rien y faire.
Cette désagréable situation pourrait en revanche changer du tout au tout à la suite d’une autre affaire liée au mollah. En janvier de l’année dernière, Krekar fut la cible d’une tentative d’assassinat ratée. L’homme en rechapa sans dommages mais les coupables s’enfuirent sans être capturés. Or, il semblerait que durant la journée du 15 janvier dernier, un des participants présumés se serait rendu à la police suédoise. Mohammed Ehsan Baba, résidant de Göteborg pourrait ainsi être extradé vers la Norvège dans les prochaines semaines.
À la suite de cette révélation, Krekar s’exprima publiquement sur son désir de quitter la Norvège pour retourner au Kurdistan. Il formula également une demande envers le gouvernement norvégien, que ce dernier l’aide à faire disparaitre son nom de la liste des terroristes présumés.
Mais, pour les officiels d’Oslo, un tel mouvement semble au-delà de leurs compétences. Bien loin d’assister le mollah dans sa démarche d’extradition, l’État norvégien semble plutôt prêt à serrer les poings et à enfin confronter Krekar devant les tribunaux. Se focalisant sur des menaces que l’homme avait énoncées dans une conférence de presse datant de l’an dernier, la police a officiellement confirmé préparer un acte d’accusation à son encontre, ce qui pourrait le mener tout droit derrière les barreaux d’une prison ou même, si le gouvernement le juge sans risque, dans un bagne Irakien.
Durant la dernière décennie, Krekar a trop souvent fait la une des journaux norvégiens. Entre menaces de mort, soupçons de financement terroriste et apologie d’Oussama Ben Laden, le mollah réussit à créer un réel sentiment d’inconfort dans un pays où il est universellement hué. Espérons que dans cette affaire, la justice puisse enfin suivre son cours et clôturer avec clarté une sombre histoire digne des pires romans-photos.