Un nouveau livre publié il y a quelques jours et écrit par un général à la retraite met en lumière quelques surprenants pans de l’histoire militaire norvégienne durant la Guerre froide. Écrit par Gullow Gjeseth, ce livre intitulé « Landforsvarets krigsplaner under den kalde krigen » (plans de défense nationaux durant la guerre froide) a été le fruit d’une scientifique recherche et a pu voir le jour après que son auteur ait eu accès à un certain nombre de documents confidentiels. Selon lui, en 1951, quelques années après la libération de l’Est du Finnmark par les troupes soviétiques, une réunion entre des responsables du ministère de la Défense et des responsables des forces armées eut lieu pour discuter de la potentialité d’une attaque soviétique.
La Norvège a eu, depuis le retour de Petsamo à l’URSS en 1944, une frontière de presque 200 kilomètres avec la Russie, frontière qui, dans le contexte de la Guerre froide, apportait son lot de préoccupations. Dans l’immédiat de l’après guerre, la Norvège joua un double jeu avec les États-Unis et l’URSS en évoquant une politique neutraliste. Les responsables du gouvernement norvégien avaient en effet conscience du fait que si la Norvège s’orientait trop vers l’Ouest elle risquait de provoquer des réactions potentiellement néfastes de la part de l’Union soviétique. Malgré tout, le royaume entra en 1949 dans le Traité de l’Altantique Nord tout en promettant à l’URSS de ne pas autoriser la présence d’armes nucléaires et d’exercices militaires dans la province du Finnmark.
Quelques années plus tard eut donc lieu une réunion au sujet de la menace soviétique. Cet évènement, dans lequel le ministre de la Défense Jens Christian Hauge prit part, souleva l’épineuse question de la défense de la Norvège du nord. Parmi les divers scénarios évoqués apparut celui de l’abandon du Finnmark.
Bien que totalement théorique et controversée dès sa conception, le plan semble avoir été concrètement envisagé et consciencieusement pensé. Dans le cas d’une invasion soviétique pouvant autant provenir de Petsamo, de la Finlande ou des côtes, le plan suggère le retrait des troupes norvégiennes de la province et l’adoption d’une tactique de la terre brulée menée à bien par les habitants du Finnmark eux-mêmes. Les forces norvégiennes se seraient alors concentrées aux alentours de la municipalité de Lyngen non loin de Tromsö et auraient barré la route des forces soviétiques sur la route E6.
La municipalité de Tromsø fut en effet l’un des points focaux de la défense norvégienne durant la guerre froide. Plusieurs bases militaires sont situées dans la municipalité de Måselv à environ 50 kilomètres sud de Tromsø et une base secrète pour sous-marins était également en construction bien que sa réalisation fut abandonnée vers le milieu des années 90. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que durant cette période, des plans pour la défense de la Norvège du nord aient été rédigés par les plus hautes instances militaires du royaume. Le véritable point choquant de ces nouvelles révélations est probablement le fait que certains hauts gradés du royaume semblaient considérer la possibilité de potentiellement réduire en cendres quelque 50.000 kilomètres de territoire alors que la même tactique, employée par la Wermacht en 1944 avait prouvé être un désastre sans précédent pour les populations locales.
Même si la divulgation de telles informations reste bienvenu et contribue sans contexte à un plus grand savoir sur les durs temps de la guerre froide, une variable manque tout de même à l’appel. Durant la rédaction de son ouvrage, Gullow Gjeseth se vit refuser l’accès aux archives soviétiques qui auraient pu apporter des éclairages clés sur les réelles intentions du Kremlin vis-à-vis de la Norvège du nord.