Dans la journée du 19 janvier, le Parlement européen a officiellement appelé les députés lituaniens à rejeter un amendement législatif condamnant toute « promotion publique de l’homosexualité » à une amende pouvant aller jusqu’à 2900 euros. Une telle initiative, la seconde en trois ans, soulève à nouveau le débat des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, et « transgenres » dans le pays.
Le nouvel amendement qui pourrait être adopté sous peu vise en effet à rendre illégal toute communication en faveur de l’homosexualité dans l’espace public. Bien que controversée au sein même su pays, cet amendement est loin d’être le premier artifice légal visant à limiter ou discriminer les homosexuels.
Ainsi, même si la Lituanie a dû adapter sa législation lors de son adhésion dans l’UE en 2004, elle ne se débarrassa pas pour autant de tous ses oripeaux conservateurs. Dans ce pays ou malgré les années de tutelle communiste, l’Église catholique conserve encore une voix puissante dans le débat public, les esprits restent encore majoritairement hostiles à une petite mais active communauté gay. Pour donner quelques éléments de comparaison, en 2006 un sondage en France donna 62 % d’opinions positives pour le mariage homosexuel et 55 % en faveur de l’adoption homosexuelle. Un sondage comparable mais effectué en 2009 en Lituanie révélait un soutien bien moins moindre pour ces causes avec respectivement 12 % de soutien au le mariage homosexuel et 13 % pour l’adoption.
De fait, depuis l’adhésion de la Lituanie à l’UE, la situation des homosexuels ne semble pas s’être particulièrement améliorée. Si une loi datant de 2005 condamne en pratique les discriminations à l’embauche sur des bases d’orientation sexuelle il faut bien avouer que le parlement lituanien (la Seimas) n’a fait qu’accorder le strict minimum à sa communauté LGBT sans véritablement tenter de faciliter leur acceptation par le public.
Mais depuis 2009, il semblerait que la roue tourne. Un événement en particulier a déclenché une véritable contre offensive conservatrice vis-à-vis du mouvement homosexuel. Cet événement fut de fait la mise en pratique du programme « Looping des genres » visant à encourager la tolérance des écoliers vis-à-vis des homosexuels. Ce programme se basait sur un livre d’histoire intitulé « un roi et un roi » où, contrairement aux histoires traditionnelles, un prince tombe amoureux du frère de la princesse qu’il est censé épouser. Une bonne partie de l’agitation causée par ce programme est qu’il ciblait les pensionnaires des crèches c’est à dire des enfants de 3 ans. Si l’idée de cibler ce genre de programme vers des bambins de 36 mois est certainement critiquable, elle ne méritait peut-être pas la féroce contre offensive qu’elle engendra.
En effet, après avoir rapidement fait disparaître le livre des crèches du pays, la réaction publique menée par les syndicats de parents en colère, a transmis son ressentiment sur leurs élus qui votèrent rapidement une loi bannissant entre autres la « propagande homosexuelle » des écoles. Après un premier coup de semonce de l’UE, ce passage controversé fut retiré mais ce n’était pas là la fin des hostilités.
2010 vit ainsi se multiplier les mouvements visant à limiter la présence des homosexuels dans le débat public. L’article 31.1 de l’acte sur l’information publique fut amendé en septembre pour interdire toute publicité faisant, entre autres, la description ou la promotion d’une orientation sexuelle. Mais l’événement le plus important de 2010 fut probablement la célébration de la Gay Pride. Alors que la Lettonie tint sa première marche en 2005 et l’Estonie en 2004, la Lituanie dut patienter quelques années supplémentaires pour pouvoir voir les partisans des droits des homosexuels parader dans ses rues. Cette manifestation ne se fit malgré tout pas sans heurts et une contre manifestation recueillit quelque 2000 participants, soit plus de 4 fois plus que la parade principale. Cet événement fut aussi notable pour avoir vu de violents débordements n’être que difficilement encadrés par la police. Deux parlementaires furent également arrêtés pour avoir tenté de nuire à l’ordre public et avoir agressé un jeune manifestant pro gay. Les deux députés ne furent pas poursuivis, leurs camarades ayant voté contre le retrait de leur immunité parlementaire.
Mais même cette houleuse parade ne présageait pas du nouvel amendement aux codes des offenses administratives. Cet amendement, qui pourrait être voté dans les prochaines semaines par le parlement lituanien propose ainsi l’interdiction pure et simple de toute promotion de l’homosexualité, tout contrevenant pouvant être condamné à une amende de 580 à 2900 Euros.
Cette proposition, en totale contradiction avec la charte des droits fondamentaux européens pourrait ainsi rendre une manifestation comme la Gay Pride hors la loi et dangereusement limiter la liberté de parole dans tous ses domaines d’expression. En conséquence, le parlement de l’UE a officiellement rappelé à l’ordre la Lituanie alors que plusieurs députés européens ont publiquement critiqué cette proposition de loi. Pour l’instant, la date du vote de cet amendement n’est pas encore connue mais si les députés lituaniens continuaient dans cette voie il n’est pas improbable que cette affaire provoque de plus importants remous au niveau européen.