150 ans après sa mort, Laestadius fait encore parler de lui

En Laponie, durant le mois de février, une série de séminaires et de célébrations furent organisés pour marquer le 150ème anniversaire de la mort du prêcheur revivaliste Lars Levi Laestadius. Laestadius, qui par ses réalisations marqua durablement l’histoire et la société du grand Nord, reste une figure controversée dont les activités scientifiques sont unanimement célébrées tandis que sa contrepartie religieuse fait aujourd’hui parfois l’objet d’un regard plus sévère. Organisée à Tornio à quelques pas de la frontière suédoise, un séminaire international fut organisé pour permettre à de nombreux intervenants de discuter de l’homme et de son héritage.

Lars Levi Laestadius, né dans la misère dans une petite paroisse de la Laponie suédoise aurait pu passer le reste de son existence à tenter tant bien que mal de subsister dans la bourgade d’Arjeplog où il passa ses premières années, mais son esprit vif couplé à des relations familiales lui permirent d’obtenir une éducation en bonne et due forme. Dans les années 1820, il étudia ainsi la botanique et la théologie à l’Université d’Uppsala avant de retourner dans sa Laponie natale pour y remplir un rôle de vicaire. Il partagera le reste de sa vie entre ses activités religieuses et scientifiques avant de disparaître en 1861 à l’âge de 60 ans.

À l’occasion du séminaire de Tornio, les commentateurs ont pour le moins délaissé les travaux de Laestadius dans le domaine de la botanique pour se focaliser sur les deux plus importants aspects de son œuvre, son activité revivaliste et ses travaux ethnographiques. Laestadius est en effet principalement connu comme le fondateur du mouvement revivaliste portant son nom. Le Laestadianisme naquit vers les années 1840 quand Laestadius, à la suite d’un éveil mystique débuta, une activité missionnaire. Ciblant principalement les populations finlandaises et sámies de Laponie, il mit un point d’honneur à éradiquer le fléau de l’alcoolisme, une plaie qui affectait à l’époque de nombreux Sámis. Ce prêcheur charismatique transmit, à travers de passionnés sermons, ses profondes convictions puritaines et son rejet du monde temporel. Si Laestadius, tout bon prêcheur qu’il fut se dressa fermement contre toute réminiscence de pratiques païennes chez les Sámis, il ne s’engagea jamais personnellement dans des politiques assimilationnistes qui avaient cours à l’époque. Il plaçait au contraire la langue sámie et la langue finnoise au cœur de sa liturgie participant ainsi indirectement à un relatif maintien de ces idiomes face aux politiques d’assimilation que les États scandinaves déploieront plus tard dans le siècle.

Laestadius ne voyait en effet pas la « Question sámie » du même œil que bien des Suédois. Natif de la Laponie profonde, il était partiellement de descendance sámie et pouvait s’exprimer à la fois en sámi du Nord et en sámi de Pite. Laestadius avait également une connaissance pointue de la société et des mœurs des Sámis de l’époque. Non content d’avoir passé la majeure partie de sa vie dans des régions marquées par une importante présence sámie, il contribua également à propager la connaissance de leur culture à travers un ouvrage dont l’importance se doit d’être reconnue, les « Fragments de mythologie laponne ». Ce document qui fut rédigé vers 1840 pour le compte de l’expédition polaire française « La Recherche » est l’un des plus importants ouvrages existant sur la religion sámie qui, à partir du milieu du 18ème siècle était effectivement éteinte. L’ouvrage, qui, à la suite de problèmes financiers et de la révolution de 1848 fut oublié et scindé en plusieurs parties dut attendre 1997 pour être enfin complété et mis à la disposition du public.* Durant le séminaire de Tornio une nouvelle édition, comprenant des fragments récemment mis à jour fut présentée par le professeur Juha Pentikainen . Qui fut aidé dans cette tâche par le Dr Risto Pulkkinen.

Alors que le tournage d’un film se focalisant sur la vie de Lars Levi Laestadius devrait débuter cet été, il semblerait bien que ce dernier reste, quelque 150 années après sa disparition tout aussi important qu’il ne fut durant ses années de gloire. Que l’on supporte ou non son héritage religieux marqué par un extrême puritanisme, il faut reconnaître que Laestadius fut l’un de ceux qui façonnèrent le Nord et y laissèrent ainsi leur indélébile empreinte.

* L’ouvrage est disponible en suédois, finnois et anglais mais reste pour l’instant non traduit dans la langue de Molière. L’auteur de cet article ne désespère pas un jour de changer cet état de fait.