Une campagne anti-gay révèle les divisions de l’Église

L’organisation de la jeunesse chrétienne Nuotta, membre de l’Église luthérienne nationale a débuté cette semaine une campagne médiatique intitulée « Älä alistu » (ne vous soumettez pas). Lancée à partir de leur site internet, cette campagne vise les homosexuels de confession chrétienne en les exhortant à « soigner » leur attirance affective grâce à l’adoption d’une foi chrétienne véridique. Cette campagne a provoqué bien des remous dans les rangs de la vieille Église nationale.

C’est dans une vidéo postée sur le site internet du magazine Nuotta que l’essentiel du message prôné dans la campagne peut être trouvé. Ce film d’une dizaine de minutes doté d’une impeccable qualité d’image nous présente une jeune fille dont on ne verra jamais le visage. Entre plusieurs scènes hivernales (lacs, forêts, arbres…), cette jeune fille au visage assombri évoque son passé de bisexuelle vivant dans le péché et comment elle put, grâce à la prière et son acceptation des commandements de dieu, « soigner » ce péché.

Ce genre de rhétorique est pour le moins typique des groupuscules chrétiens fondamentalistes qui pullulent des deux côtés de l’Atlantique. S’appuyant sur une demi-douzaine de passages tirés de l’Ancien testament et en usant jusqu’à la corde l’histoire de Sodome et Gomorrhe, ils condamnent la minorité LGBT comme étant un agrégat perverti de pécheurs immoraux haïssant dieu.
Si une campagne du genre de celle lancée par Nuotta ne paraitrait pas hors de propos dans un État de « Bible-Belt » américaine, elle pourra en revanche choquer les esprits européens historiquement bien plus marqués par l’athéisme et particulièrement ceux des pays nordiques, fameux pour leur libéralisme et ouverture d’esprit.

Cette campagne est de fait totalement explicable justement à cause de cette exceptionnelle ouverture d’esprit. L’Église nationale luthérienne, qui compte encore en son sein la majorité des Finlandais a, de la même manière que ses congénères scandinaves, ressenti cette influence libérale encore plus fortement que d’autres organismes séculaires.
Les pays nordiques ont en effet, à partir de la seconde moitié du siècle dernier témoigné d’un massif désintéressement public pour les affaires religieuses. Plus encore que dans bien d’autres pays européens, les pays nordiques possèdent des taux extrêmement bas de fréquentation des églises alors que l’extrême majorité de leurs membres ne participent virtuellement à aucun type d’activité religieuse.
Pour tenter de ne pas se faire submerger par cette vague de détachement pour les affaires religieuses, et pour pouvoir être considéré comme autre chose qu’une simple relique des temps anciens, l’église se devait d’embrasser les tendances libérales actuelles. L’Église de Finlande ne fut pas en reste, en 2010 elle nomma ainsi son premier évêque féminin, provoquant alors la colère des conservateurs. Car si la politique d’ouverture prônée par l’Église finlandaise est certainement en phase avec son époque, celle-ci aura tout juste permis de limiter les dégâts, la pratique étant toujours aussi basse et le nombre de résignations toujours croissant.

Au sein même de l’Église s’est ainsi formée une contre-tendance. Refusant la politique sécularisante et libérale du Synode et du Conseil des évêques, une fraction de chrétiens conservateurs prône un retour vers un puritanisme plus strict et un arrêt des politiques conciliantes envers homosexuels et non-chrétiens. Une telle tendance puritaine est depuis longtemps à l’œuvre en Finlande à travers les cercles des églises dites « libres » (non financée par l’État) très souvent dotées d’une ligne plus dure que l’Église nationale.

Cette campagne pourrait donc être le signe que des croyants aux idées similaires seraient en train de mettre en avant leurs idées dans le cadre de l’Église nationale. Il faut en effet avouer que celle-ci se montre plus que tolérante vis à vis de la minorité LGBT et après l’adoption l’an dernier d’une réforme visant à introduire des prières pour personnes gays et lesbiennes, ces mêmes conservateurs craignent probablement que le Synode national ne finisse bientôt par approuver l’idée du mariage homosexuel.
Pour se faire une idée, on pourra analyser les propos de l’archevêque de Turku, la plus haute autorité ecclésiastique du pays s’adressant aux homosexuels dans un communiqué dénonçant la campagne  » Vous êtes une personne de valeur, créée par dieu… Vous avez le droit à l’amour… « , un discours qui une fois de plus fait preuve de l’ouverture d’esprit de l’église mais qui n’apaiserait en aucun cas la ferveur religieuse de ses ouailles les plus conservatrices.