450Km à pied, ça use, ça use… (Première partie)

Le Francofil, toujours à l’affut pour trouver de nouveaux moyens de vous divertir vous propose aujourd’hui les carnets de voyage d’un de nos rédacteurs. Celui-ci, ayant à déménager de la Finlande du sud à la Norvège du nord décida de dire zut au confort et à la technologie moderne et d’effectuer les derniers 450 kilomètres du voyage en auto-stop. Découvrez ici la chronique fabuleuse d’une traversée du désert pas comme les autres.

Mardi 5 avril, 08 h 30, Rovaniemi

Après avoir passé la nuit emmitouflé dans ma cape à bord du « Santa Claus Express » (Helsinki-Tampere-Kemijärvi) à essayer sans succès de dormir, arrive enfin la partie difficile du voyage. Le passage de la Laponie finlandaise, de Rovaniemi à Tromsø en passant par les routes 79 et E8. Pour ajouter du piment à l’affaire il me faudra effectuer ce périple en 40 heures maximum pour pouvoir prendre contact avec mon propriétaire Tromsøite qui doit quitter le pays le matin du 7 avril. Ce genre de défi ne semble pas du tout impossible mais je dois confesser ma totale inexpérience de l’art de l’auto-stop hivernal. Serai-je pris où irai-je mourir gelé dans un abri bus au beau milieu de la nature sauvage ? C’est aujourd’hui que j’aurai ma réponse.

Première Course, Rovaniemi- Sinettä, 20 Km (M.Moustache)

Après environ 45 minutes de « levages » de pouces infructueux sur le bord de la route, une première âme charitable s’arrête. Un homme bourru, grosse moustache noire, chien à l’arrière du Van et avec quelques phalanges aux abonnés absents. J’arrive à briser la glace en parlant suédois avec ce moustachu qui apparait en fait fort sympathique. Au fil de la discussion j’en viens à déduire qu’il aura développé ses dons linguistiques à travers plusieurs voyages en pays norvégien. Je dis merci au bilinguisme de ma chère Suomi-Finland et fais mes adieux à la première âme charitable de mon périple.

Seconde Course, Sinettä- Levi, 120 Km (Miss Finnisss)

Je n’avais malgré tout pas trop d’optimisme en débarquant de la voiture de M. Moustache. L’endroit où il me laisse me semble un peu mort avec tout juste une station-service dans l’arrière plan et un ciel gris uniforme. De nombreuses voitures filent également sans se laisser prier. Je me rends rapidement compte que lorsque, dans l’espoir insensé qu’un véhicule s’arrête, je lève mon pouce en l’air, environ 80% des automobilistes offrent comme réaction immédiate un déclenchement virulent de la pédale d’accélération. Ca en serait presque drôle si je n’étais pas laissé à geler sur le bas côté.
Une seconde âme charitable vient finalement à la rescousse. Jeune femme blonde, entre 25 et 30 ans selon mes estimations. Elle se rend à Levi pour aller faire du snowboard. Ce qui signifie en clair une petite centaine kilomètres d’avancement. Sympathique perspective. Cette généreuse âme s’exprime dans un anglais plus que correct qui ne peut en revanche pas dissimuler cet adorable accent finlandais ; vous savez, celui qui ne peut pas prononcer les « H » et qui fait dire à ses locuteurs le culte « I am Finnissss ». Après plus d’une heure de voiture et la discussion d’une large variété de sujets (j’apprends par exemple que cette femme a auparavant exercé le même métier que moi – journaliste – au régional « Enontekiön Sanomat ») elle me dépose à la sortie de Levi, la grande station de sports d’hiver de Laponie et me souhaite bonne chance. Après l’avoir remercié je sors du véhicule, faisant face à un ciel maintenant azur et plein d’espoir pour la suite des évènements.

Troisième Course, Levi-Rauhala, 30 Km (M. Barbe Rousse)

J’aurais dû m’en douter. Levi est la plus grande station de ski de toute la Laponie et est pleine à craquer de touristes. Et les touristes, mes expériences passées me l’ont appris, ne vous prennent jamais. Mais alors vraiment jamais. C’en est presque à croire qu’ils ont entendu de terribles histoires sur un monstrueux assassin sanguinaire de Laponie piégeant d’innocents touristes dans le but de les détrousser et les réduire en viande froide. Cette hypothèse semble cependant assez improbable quand on sait que bien peu de régions en Europe sont aussi calmes que celle-ci. J’aimerais pouvoir arrêter chacune de ces voitures et expliquer à tous les touristes que je croise que non, définitivement non, il n’y a pas d’assassin sanguinaire de Laponie, il n’y en a jamais eu, et si jamais, au grand jamais il y en aurait un, ce ne serait certainement pas moi. Mais il semblerait que la plupart des touristes n’aille pas si loin dans leur raisonnement et je reste sur le bas côté, le bras tendu pendant plus d’une heure avant qu’enfin, miracle une voiture s’arrête.
À son bord un homme à la barde rousse hirsute. Je comprends bien vite que cet individu appartient à l’étrange confrérie des « Finnish Only », insensibles à tout autre langage que le leur. Je tente malgré tout de créer une sorte de communication en balançant divers mots ayant trait à mon voyage ; « Ranskalainen », »Norja », « Romssa » (nom finlandais de Trosmø). Je me lasse rapidement et écrit un petit mémo mental pour me rappeler d’acheter un guide de conversation finnois-français avant mon prochain voyage. Après 30 Km, il me laisse à une petite intersection nommée Rauhala, à juste 30 Km de Muonio. Je pensais que cette partie du voyage serait une simple parenthèse d’une demi-heure dans le voyage, trois petites lignes insignifiantes dans ce carnet….mais je me trompais lourdement…