Après plus de14 années de conflits judiciaires entre éleveurs de rennes saamis et propriétaires fonciers suédois, la Cour suprême du royaume a tranché : les éleveurs de rennes de la municipalité de Nordmanling pourront à présent faire usage de leurs terres de pâtures sans craintes et en toute légalité.
La présente dispute débuta en 1998 quand une centaine de propriétaires fonciers de la municipalité de Nordmanling dans le comté de Västerbotten lanca une action en justice pour interdire aux éleveurs de rennes locaux d’utiliser leurs terres forestières comme pâturages pour leurs troupeaux. Légalement, les terres appartiennent aux présents propriétaires mais les éleveurs ont dès le début avancé leur droit coutumier remontant selon eux « à des temps immémoriaux ». Quel que soit l’angle sous lequel on se place, la question reste complexe et est le fruit d’un clivage passé entre les éleveurs saamis et la couronne suédoise.
L’élevage de rennes, occupation à caractère semi-nomadique, ne peut être centralisé et voit les troupeaux, parfois composé de milliers de têtes, être déplacés entre plusieurs pâturages selon l’avancement du cycle des saisons. Alors que les rennes sont bien souvent amenés dans les plaines ou les côtes lors des périodes estivales, ceux-ci sont généralement déplacés vers des aires forestières durant la saison hivernale. Si une telle organisation ne posait aucun problème majeur lorsque l’élevage de rennes prit son essor entre le XVIème et XVIIème siècle, celle-ci devint moins évidente après que la politique de colonisation apporta un large flot de nouveaux habitants dans les régions où les Saamis furent un temps majoritaires.
Depuis lors, une certaine forme de tension existe entre éleveurs semi-nomades et propriétaires sédentaires. Les éleveurs, organisés en « Sameby » (villages saamis) ont besoin de larges aires de terrain pour y laisser paître leurs troupeaux mais sont rarement propriétaires des dîtes terres. Plusieurs séries d’édits royaux ayant transféré la terre du nord du pays à la couronne qui s’empressa de la redistribuer en lots aux colons qu’elle envoyait en masse dans la région. Cette question de l’usage des terres est, en Suède, le nœud du problème et a apporté et apporte toujours son lot d’actions judiciaires.
La 27 avril en revanche, une telle action s’est vu enterrée par la décision de la Cour suprême suédoise. Celle-ci aura finalement décidé de soutenir le jugement initial de la cour d’appel qui déjà en 2007 avait rebuté la plainte des propriétaires. Si les éleveurs des Samebys de Ran, Umbyn et Vapsten peuvent enfin écarter la menace de devoir trouver d’autres pâturages pour leurs bêtes, le jugement a une portée bien plus large que la petite municipalité de Nordmanling. La cour vient en effet d’établir un précédent légal qui pourra sans nul doute être fort utile aux nombreux Samebys actuellement sous pression. Il faudra par exemple porter une attention toute particulière sur le cas de la communauté de Härjedalen où près de 800 propriétaires fonciers ont jusqu’ici réussi à brider le droit coutumier de trois Samebys locaux. Si la décision de la Cour suprême a été applaudie comme « historique » par les accusés, c’est dans les prochains mois que l’on pourra clairement en mesurer l’impact.