Dans la journée du mercredi 11 mai, le Parti populaire danois (PPD) aura réussi à imposer une série de concessions politiques au Parti Libéral (PL) en échange de son soutien à son nouveau plan économique. La majeure concession fait déjà débat sur le plan européen ; il s’agit ni plus ni moins que de ré-instituer un contrôle des frontières afin de résoudre la récente augmentation de la criminalité au sein du royaume.
La réunion d’hier avait comme sujet le renouvellement du soutien du PPD à la politique économique du gouvernement et fut le théâtre d’âpres négociations. Le parti du Premier ministre, Lars Løkke Rasmussen, avait en effet préparé un plan d’austérité touchant entre-autres au système national de pré-retraite et se devait d’obtenir le soutien de son allié traditionnel, le PPD pour être sûr de le faire passer. Poursuivant sa politique de marchandage politique qu’il mène depuis le début de son soutien au gouvernement, le PPD aura cette fois-ci obtenu une révision du traitement des frontières nationales.
Le royaume, membre de l’espace Schengen depuis 2001 a depuis lors suivi une politique libérale en matière de contrôle frontalier. Comme le stipule la convention rédigée en 1985, le contrôle des frontières entre pays membres de l’espace Schengen a été réduit considérablement et se limite aujourd’hui quasi-exclusivement à des contrôles de sécurité. Si la ré-institution d’un véritable contrôle des frontières semblable à celui ayant cours avant l’entrée dans l’espace Schengen constituerait une infraction de la part du Danemark, celui-ci a d’ores et déjà annoncé son intention d’appliquer sa nouvelle politique à travers l’augmentation de contrôles effectués par la police des douanes, restant ainsi dans le cadre légal de la convention.
D’après Pia Kjærsgaard, présidente du Parti populaire danois, la mesure devrait selon-elle rendre le pays plus sûr en limitant le nombre de réfugiés et de criminels à passer la frontière. En parlant de la réforme des frontières, elle a déclaré en avril dernier ; « Nous avons des problèmes avec les gens de l’Est qui arrivent ici ; nous courons le risque d’avoir des problèmes avec les réfugiés des pays d’Afrique du Nord et je pense que c’est presque un droit pour les citoyens ».
La réforme, qui devrait être rendue effective d’ici deux semaines a déjà provoqué un tollé, non seulement chez les responsables européens mais également chez ses deux voisins, l’Allemagne et la Suède. À la suite de la divulgation de l’accord entre le PPD et le PL, plusieurs voix se sont élevées pour critiquer cette mesure que beaucoup jugent réactionnaire. « J’espère vraiment que le Danemark ne le fera pas. Cela va contre tout ce que l’Union Européenne et la coopération nordique représente » a par exemple déclaré au journal danois Politiken Olle Schmidt, député libéral suédois.
Cette mesure, si elle reste controversée n’est nullement isolée et fait écho à une remise en cause plus globale des clauses de la convention de Schengen. Ainsi, le PPD aura également réussi à imposer un appui danois à de potentiels changements à la convention proposés par l’Italie et la France après qu’une vague d’immigrants tunisiens aient passé la Méditerranée à la suite de la révolution. Le Danemark n’est également pas le seul pays nordique à appeler à la modification de la convention. Ainsi, dans une interview au journal Estonien Postimees, Egil Haaland, le chef de la police norvégienne a lui aussi appelé à la modification du traité. D’après lui, l’entrée des pays baltes dans l’UE et l’espace Schengen est à blâmer ; « En Europe, des frontières ouvertes ont amené à une situation où 80 % des crimes commis en Norvège et dans d’autres pays nordiques sont le fait de criminels qui sont soit, originaires des pays baltes soit fortement liés au crime organisé dans les pays baltes. » Même si, usant de statistiques officielles, le journal estonien conteste la conclusion d’Haaland, cette saillie au vocabulaire plus qu’offensif est peut-être le signe d’un durcissement général de la politique européenne en matière de contrôle frontalier. L’ouverture de la rencontre interministérielle à ce sujet étant attendue demain, on devrait en savoir plus sur ce sujet crucial dans les jours à venir.