L’excitation est à son comble. Accroché à la barre de conduite du traîneau, les deux pieds sur le frein, j’attends le signal de départ du musher. Devant moi, mon attelage de six huskies: certains sautent en tirant puissamment sur leur harnais, d’autres aboient ou se chamaillent entre eux. Seuls les chiens de tête sont calmes et attendent docilement que la randonnée commence. Je me concentre et me remémore les instructions données par le musher : toujours tenir la barre de conduite d’une main ferme mais sans se raidir, balancer son poids dans le sens du virage, veiller à ce que la ligne de traie soit toujours tendue afin d’éviter que les chiens s’y emmêlent les pattes et se blessent et surtout penser à freiner avant le virage et non pendant. Il fait -20 degrés en cette matinée de décembre et je commence à sentir le froid m’engourdir. Vivement que l’on parte !
Ça y est, le musher vient vérifier une dernière fois que tout le monde est bien installé et le signal est donné. Un guide détache le nœud de la corde reliant mon traîneau à un poteau en bois et les huskies, tels une vague soudaine et puissante, s’élancent au même rythme. Fermement cramponné, je suis tout d’abord surpris par la rapidité de l’accélération des chiens, puis après 1 ou 2 minutes, je prends le contrôle de mon attelage. Nous suivons une piste à travers la forêt, au sein de cette magnifique nature cristallisée. Le contraste avec le départ est saisissant. Il n’y a maintenant plus un bruit, hormis le souffle rapide des huskies et le bruit des patins du traîneau glissant sur la neige. C’est fabuleux, le paysage est d’une splendeur irréelle, une vraie carte postale ! Nous sortons de la forêt et traversons maintenant un lac gelé. Le soleil est très bas sur l’horizon et le ciel, comme toujours lorsque le froid est intense, est totalement dégagé. Du bleu ciel au orange voire pourpre, ses couleurs varient et se reflètent sur la cime des arbres et la fine couche de neige qui les recouvre. Le musher décide de faire une petite pause photo. Chacun prend bien soin d’enfoncer correctement l’ancre de son traîneau dans la neige afin que l’attelage ne s’enfuie pas. Après quelques minutes, nous repartons puis atteignons un kota, le refuge lapon traditionnel. À l’intérieur, le musher fait tout de suite un feu et tout le monde s’assoie sur des bancs recouverts de peau de rennes. Du jus de baie chaud est servi, ainsi que des sandwichs et des saucisses grillées. Le musher en profite pour raconter des histoires sur les chiens huskies, de Sibérie et d’Alaska, et sur la vie au chenil en général. Cette pause se termine par un thé accompagné des traditionnels biscuits de Noël appelés ”pipari” en finnois.
Dehors, nos chiens courageux sentent que nous allons à nouveau prendre la route et commencent à s’agiter. Je suis maintenant beaucoup plus à l’aise sur les patins de mon traîneau et cette deuxième partie de la randonnée se rapproche de la définition du bonheur absolu. Le froid me picote les joues et je me sens dans la peau d’un aventurier partant à la découverte des territoires sauvages de Laponie. Ça y est, nous arrivons au chenil et il est temps de dire au revoir aux huskies. Nous faisons un dernier tour de la ferme pour aller caresser les chiots et le musher nous invite à revenir. En janvier ou février pour les amateurs de grand froid et de conditions extrêmes, en mars ou avril pour les amoureux de sensations fortes sous le soleil du printemps lapon.
Hugues Lambert
Hugues Lambert est un guide professionnel français, formé en Finlande et habitant Rovaniemi, la capitale de la Laponie finlandaise. Il propose via sa société Original Arctic (www.originalarctic.fi) toute une gamme de séjours et randonnées pour tous niveaux, été comme hiver, sur et au-delà du Cercle Polaire.
Oui mais alors c’est plus sauvage en Finlande, en Suède ou bien touten haut dans le nord norvégien ?
Salut Roland,
Les 3 régions sont de toute facon très sauvages. Rovaniemi est par exemple une ville de 40000 habitants mais à 10 minutes du centre-ville tu es au milieu de nul part… et c’est pareil pour Kiiruna (Suède) ou Tromso (Norvège).
Par contre, c’est vrai que toute la partie Nord de la Laponie suèdoise s’étalant de Kiiruna à la frontière norvégienne est complètement déserte (côté Norvège et Finlande il y a des petites villes et villages aux mêmes latitudes).